• Ce samedi matin, j'arrive sur le salon vers 10 h 20. On nous avait dit 10 h, mais mon esprit d'incorrigible rebelle m'a dicté de reprendre un croissant, un pain au chocolat et un double expresso au buffet de l'hôtel. Ensuite, j'ai fait un tour dans le fameux marché de Brive, à l'affût du fantôme de Georges Brassens. Après avoir soulevé quantité de bottes de radis, de salades de toute espèce et de clapiers à lapin sous l'oeil réprobateur des commerçants du cru, j'en ai finalement conclu qu'il avait dû s'envoler depuis longtemps. Devant la halle qui accueille la foire, une foule compacte et disciplinée attend patiemment de se faire palper par la police locale avant que de côtoyer enfin le gratin de la littérature française. Pour ma part, je passe par la porte réservée aux auteurs, en brandissant crânement mon badge sous le nez du cerbère chargé des contrôles.

    A l'intérieur, la foule s'écoule en masse compacte le long des stands, telle une coulée de lave (c’est beau, non ?). J'arrive péniblement à ma table de signature encore vierge, où un vieux monsieur m'attend. "Voilà, m’explique-t-il, j'ai 83 ans et j'ai dans l'idée d'écrire un roman. Pour tout dire, j'ai déjà commencé, j'en suis à la trentième page."
    "Bien, bien" rétorquai-je fort à propos.
    Il poursuit : "C'est que j'ai eu une vie bien remplie, j'ai rencontré beaucoup de gens passionnants, j'ai même taillé le bout de gras avec Saddam Hussein, pendant 20 minutes".
    "Bien, bien" répliquai-je du tac au tac (Il faut dire que je ne suis pas encore bien réveillé).
    Le vieux monsieur est charmant, il finit par acheter mon livre, que je lui dédicace avec le plus grand plaisir. "Les affaires démarrent très fort ! " me dis-je in petto. Les deux heures suivantes n'auront hélas de cesse de contredire mon bel enthousiasme initial, et, abruti par le brouhaha ambiant, je manque à plusieurs reprises de m'écrouler de ma chaise, accablé par l'ennui et le désœuvrement.

    Vers 11 h je décide de me ressaisir et pars faire un tour dans les allées. Aujourd'hui, toutes les vedettes sont à pied d'oeuvre, et ça dédicace à tour de bras derrière les stands assaillis par une foule en extase : "Oh ! Regarde ! C'est Sébastien Follin !" J'ignorais pour ma part que ce brave garçon avait écrit un livre... Et là ! Yves Rénier ! Ah... Lui aussi écrit ? Mais... N'est-ce pas Hervé Villard, là ? Mais si ! Juste à côté de Jean-Louis Debré (ils doivent avoir des foules de choses à se raconter). Un peu plus loin, c'est Antony Delon, de l'autre côté, Mylène Demongeot. D'un coup, je suis fier d'habiter en France, cette belle patrie où tout un chacun (dès lors qu'il passe à la télé) est irrémédiablement habité par la grâce de l'écriture. Vous qui n'arrivez pas à terminer votre deuxième chapitre, que la honte s'empare de vous à tout jamais ! Et prenez donc exemple sur Sébastien Follin qui, malgré son travail harassant de météorologiste cathodique, trouve le temps - et le talent !- de torcher 250 pages comme qui rigole !

    De retour sur mon stand, je fais part de ma ferveur cocardière à Caroline Sers qui, sans aucun ménagement pour mon insondable candeur, remet les pendules à l'heure : ces gens, pour leur grande majorité, n'écrivent pas leur livre... Pas le temps, et surtout pas les capacités...

    La claque !

    Qui alors ?

    Des "nègres" (les Anglo-saxons parlent plus élégamment de "ghostwriter"), généralement appartenant au milieu de l'édition, qui dans l'ombre triment pour les autres. Oh ! Ils ne sont pas particulièrement à plaindre, chacun de ces travaux de commande leur rapporte entre 15 ou 20 000 euros forfaitaires, parfois même ils bénéficient d'un pourcentage sur les ventes. Mais si financièrement, il s'agit d'une bonne affaire, qu'en est-il de l'ego, hein, le fameux ego de l'auteur ? Eh bien ! Ils s'arrangent avec, plus ou moins bien. Lou Durand, le "nègre" de Paul-Loup Sulitzer (qui, s'il sait compter, ignore tout de l'écriture) était malade de constater que ses romans passaient inaperçus alors que ceux de son "employeur" se vendaient dans le même temps comme des petits pains. Comme on le voit, on aurait d'ailleurs tort de croire que seules les "vedettes de la télé" n'écrivent pas leur livre, quelques romanciers jouissant d'un certain renom n'ont fourni, dans le meilleur des cas, que de vagues trames écrites avec le pied. Mais leur nom ne circule pas, car une clause de confidentialité figurant dans le contrat rend les "ghostwriters" particulièrement méfiants : il serait dommage de tuer la poule aux oeufs d'or pour le simple plaisir de fanfaronner auprès de ses connaissances... Sachez toutefois qu'un prix Goncourt lycéen fait partie de ces auteurs manchots, ainsi qu'une belle Eurasienne au patronyme lacanien. Elle était d'ailleurs présente à Brive, et j'ai beaucoup ri à la voir minauder face à un admirateur qui lui déclarait, la voix vibrante d'émotion : "J'aime beaucoup ce que vous faites".

    Deux anecdotes piquantes pour en finir : un éditeur avait demandé à un rugbyman célèbre un livre de mémoire. Comme toujours dans ces cas-là, on a dépêché un "nègre" pour "accoucher" le futur "auteur". Lors de leur première rencontre, le sportif expose sa conception de l'ouvrage devant l'écrivain médusé : voilà, il voudrait faire un truc comme le bouquin de Bernadette Chirac, là, celui où elle donne son avis sur la vie, la mort, Dieu, la famille et la couleur des chaussettes de son mari, un machin profond, quoi. Il a fallu que notre homme déploie des trésors de patience et de diplomatie pour convaincre le rugbyman que euh, ben ce qu'attendait peut-être le lecteur potentiel, c'était plus des histoires de maillots mouillés et de troisième mi-temps totale folie que des considérations philosophiques sur le sens de la vie.

    Deuxième histoire : un académicien, qui a pour habitude de ne pas écrire ce qu'il signe (sans doute trop débordé par les travaux de l'Académie) téléphone à son écrivain-soutier : "J'ai lu mon livre. Félicitations, c'est tout à fait moi !" A ce stade-là, on peut carrément parler de schizophrénie...

    Bon, tout cela est bien joli, mais Marc Lévy, il écrit ses romans, lui ? Alors là, nous nous portons personnellement garant de l'honnêteté absolue du bestseller-man en la matière. Preuve indiscutable : si ses histoires étaient écrites par d'autres, elles seraient forcément mieux, beaucoup mieux torchées. Une autre immaculée pure et dure : Amélie Nothomb. Elle est d'ailleurs là, à quelques mètres de moi, sur le stand Albin Michel. A ses côtés, sa soeur qui a écrit, tenez vous bien, un livre de recettes intitulé "La cuisine d'Amélie". Une affaire de famille, en somme, au contenu à n'en pas douter tout à fait passionnant... Mais cela ne s'arrête pas là. A la gauche d'Amélie se trouve Tom Verdier. Qui c'est celui-là ? Le petit ami d'Amélie, tout simplement (oui, je sais, moi aussi, jusqu'à présent je pensais qu'Amélie Nothomb était un être asexué, ou alors se suffisant à lui-même, comme les escargots). On imagine facilement que sans le petit coup de pouce providentiel de l'écrivaine à succès, le roman – sans doute exquis - de ce joueur de poker plus ou moins professionnel serait probablement resté à jamais au fond d'un tiroir.

    Devant notre table passe une quantité impressionnante de badauds, en transit pour la planète Amélie. Du coup, c'est à peine s'ils jettent un oeil morne sur les livres qui s'étalent devant eux. Il faut dire que l'on ne fait pas beaucoup d'efforts pour retenir le chaland. Pas comme ceux d'en face, une maison d'édition régionale dont les auteurs se dépensent sans compter pour refourguer leur production. J'observe, fasciné, la tactique d'un vieux monsieur qui, les mains dans les poches, l’air de rien, se tient à un mètre de son emplacement. Dès que quelqu'un passe, il fond telle l’araignée sur sa proie, le dirige subtilement mais fermement vers son étal et commence à lui faire l'article. Rien que de le regarder faire, je sens la fatigue m'envahir. Je suis à deux doigts de piquer du nez lorsque Emilie vient nous faire un brin de causette. Elle vient de s'entretenir longuement avec Christine Devier-Joncourt qui est présente incognito sur le salon (et pour cause, depuis "la putain de la république" et sa fugace exposition médiatique, elle n'a plus rien fait). En fait, elle est à la recherche d'un éditeur jeunesse pour publier un roman illustré (par ses soins) se situant, selon elle, entre "J-K Rowling et J.R.R Tolkien", en toute modestie, bein sûr. Elle voudrait cependant le signer de son nom, car à son avis, il jouit encore d'une certaine notoriété. Imaginez le casse-tête pour le staff marketing d'une maison d'édition chargé de promouvoir un livre jeunesse écrit par "la putain de la république" ! Emilie lui a gentiment suggéré d’envoyer son manuscrit par la poste.

     

    L'après-midi s'étend, interminable... A 7heures moins le quart, les nerfs prêts de craquer, on quitte le stand. Au passage, Bettina Heinrichs m'interpelle : "Vous venez en boîte, ce soir ? Tout le monde y sera !" Ca serait avec plaisir. Reste à convaincre mes collègues, mais ça ne sera pas chose facile, car eux, des salons, ils en mangent toute l'année, alors le soir, c'est dodo. On verra bien...

    On a vu. Ou plutôt, on n’a rien vu du tout. Après le resto, plutôt très bruyant,  on avait tous la tête comme des citrouilles, avec une seule idée en tête : le lit (mais juste pour dormir). Je regrettais un peu ma soirée en boîte : j'imaginais les dizaines de tableaux croquignolets que j'aurai pu vous rapporter ici même...

    Une fois réfugié dans ma chambre, je réalise que je me suis trompé de jour pour le film coquin : samedi soir, c'est maintenant ! Chouette ! Ben non, pas chouette du tout. En fait, je suis réellement fatigué. Je me glisse sous les draps, le casque du mp3 sur les oreilles... Bang Gang...

     

    Et rideau !


    De notoriété publique, Antony Delon est un des plus mauvais acteur du monde.
    En revanche, c'est à n'en pas douter un brillant écrivain.



    Hervé Villard, en panne de Régécolor, mais pas d'inspiration.
    (A sa gauche, le crâne altier de J-L Debré, occupé à dédicacer un Kleenex)

     

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  • Le train s'arrête enfin dans un sifflement de ferraille (assez classique pour un train). Le spectacle qui nous attend à l'extérieur de la gare me soulève les tripes : à perte de vue, tout n'est que ruine, malheur et désolation. Quelle connerie la guerre, comme l'avait si finement observé le poète.

    Non, je plaisante.

    Pour sortir de la gare, nous devons emprunter un chemin encadré de barrières sur lesquelles s'agglutinent une cinquantaine de retraités, appareil-photo en main, l'œil clignant nerveusement dans le viseur, l'index frémissant prêt à s'abattre sur le déclencheur. On aime la littérature à Brive ! Ou du moins, les têtes connues de la littérature. Car des visages vaguement familiers, vaguement entrevus, d'accord, mais de vedettes : point. Pas de quoi la ramener lors de la soirée photo du club du 3ème âge. Du coup, les flashs restent en berne, et ce n'est pas aujourd'hui qu'on attrapera une conjonctivite.

    A l'extérieur, un type me tend un papier. Pensant qu'il veut un autographe, je m'en empare avec une joie à peine contenue et commence à chercher mon stylo. Mais non, il s'agit d'une délégation de cheminots de la CGT qui manifeste contre leurs conditions de travail.. Pris de court, j'empoche le tract, l'air penaud.

    Pas moins de quatre cars ont été affrétés pour transporter tous les éminents scripteurs parisiens à leur hôtel respectif, qui sont d'un standing très variable selon la magnificence et le prestige supposé de l'éditeur. Chez Gallimard, par exemple, on est logé dans une sorte de palace rococo. Chez Milan , on est à l'hôtel Ibis, ce qui reste très convenable. (Pour les éditions Chabossot, j'avais imaginé planter des tentes sur les bords de la Corrèze, mais l'idée n'a pu se concrétiser, faute de tente).

    Je m'installe à l'arrière d'un bus et observe les arrivants. En fait, les écrivains ne se démarquent absolument pas d'un groupe de touriste moyen embarquant pour le circuit des châteaux de la Loire, si ce n'est peut-être, le nombre surprenant de chapeaux en feutre qui ornent les têtes. Dans un virage en épingle à cheveux, j'aperçois avec effroi les trois cars qui nous précédent : et si d'un coup les conducteurs devenus fous écrasaient leur champignon respectif, et si tout le monde volait dans le décor ? C'est la littérature française et contemporaine dans sa presque intégralité qui s'en trouverait subitement anéantie. A cette vision d'horreur, je suis à deux doigts de tourner de l'oeil. Heureusement, l'engin vient de s'arrêter devant l'hôtel Ibis. Un petit groupe descend, je fais une pause au milieu de parking et empli mes poumons du bon air de la campagne, avant de me rappeler que nous nous situons en centre-ville. La halle Georges Brassens se trouve à 500 m de là, et le programme qui m'a été transmis par mail m'indique que nous y sommes attendus vers 16 h pour entamer la première séance de dédicace. Je prends possession de ma chambre, range les multiples tenues d'apparat que j'ai apporté dans mon énorme valise Samsonite dans une armoire de style "Mélaminé 1er", me brosse les dents, réajuste le noeud de ma cravate, puis pars enfin à la rencontre de mon large public.

    En chemin, une pensée m'assaille... Je n'ai toujours pas croisé mon Frédo... Qu'à cela ne tienne, l'inauguration officielle est à 19h, il sera forcément là pour serrer quelques louches et tapoter le crâne du préfet.

    Je fais mon entrée dans la halle Georges Brassens qui, en temps normal, accueille le fameux marché de Brive. Là, pas de canards, d'oeuf, de laitues ou de cochons, mais des stands, partout, avec des piles de livres qui encombrent les tables. Etonnant, non ? Je finis par trouver l'emplacement de Milan qui se situe dans l'espace réservé à la jeunesse. L'idée de passer trois jours au milieu d'abominables enfants hurleurs et capricieux ne m'enchante pas plus que ça, mais Emilie, la sémillante responsable marketing des éditions m'apprend qu'on m'a trouvé une petite place dans la partie "adulte", ce qui fait tout de même plus sérieux, et me propose sur le champ de m'y accompagner. Il s'agit d'un stand regroupant divers éditeurs, de ces "petites maisons" qui n'ont pas forcément les moyens d'envoyer tout un staff d'auteurs encadrés d'attachés de presse/gravure de mode pour ratisser les boîtes de nuit du coin (suivez mon regard...) Du coup, on trouve un peu de tout ici et le prix Médicis2008 Jean-Marie Blas de Roblès (Là où les tigres sont chez eux) côtoie sans plus de manière d'obscurs auteurs spécialisés dans le secret des Templiers et autres fariboles (dans le genre « méthode pour devenir un brillant écrivain »....).

    Je m'assois donc derrière ma table. Devant moi, une cinquantaine d'exemplaires de mon bouquin, à ma gauche un journaliste qui a écrit plusieurs ouvrages sur "le mystère de Rennes-le-Château", à ma droite Caroline Sers, une jeune romancière des éditions Buchet-Chastel qui compte déjà trois romans à son actif. Nous échangeons quelques paroles aimables tout en observant le public déambulant devant le stand, qui de son côté nous observe également. Curieuse impression d'être au zoo, côté bestiole... Reste à savoir quel type : grand fauve majestueux ou autruche ridicule. En parlant de grand fauve, j'aperçois à ma droite un groupe plus dense que les autres qui avance entouré d'une nuée de photographes se déplaçant à reculons avec force gesticulation.

    Serait-ce…?

    Je regarde ma montre (ou plutôt celle du voisin) : 19 h passées ! Il est donc là, forcément, dans l'oeil du cyclone. Je me lève : effectivement, j'aperçois le crâne outrageusement capilarisé de notre night-clubber national. Il avance d'un pas de maréchal cacochyme, l'oeil perdu, un sourire mièvre aux lèvres et un verre de... grenadine ou de vin rouge je ne sais pas exactement, à la main. J'ai l'impression d'assister au passage d'une étape du tour de France cycliste. Heureusement que ce n'est pas le cas, car Frédo aurait sans doute été contrôlé positif.

    Je m'explique.

    Dans le train qui nous a amenés jusqu'à Brive, figurait un wagon spécial réservé à l'usage exclusif des VIP, où l’on pouvait trouver bien évidemment notre ami, accompagné d'Amélie N et quelques autres du même acabit. Comme vous ne l'ignorez plus, ce tortillard est un véritable lieu de perdition pour quiconque aime goûter plus que de raison les plaisirs de Bacchus. Ce que n'a pas manqué de faire mon Frédo. Résultat : il s'est mis consciencieusement minable tout le long du trajet pour finalement atterrir (?) en gare de Brive saoul comme un petit cochon. Les organisateurs venus l'accueillir l'avaient drôlement mauvaise, d'autant que le choix de Beigbeider, maintenant que la municipalité avait basculé de droite à gauche lors des dernières élections, était loin de faire l'unanimité et le bonheur de tous. Car enfin quoi, l'écrivain jet-setter, même s'il avait commis la campagne de Robert Hue aux avant-dernières élections présidentielles, était encore loin d'épouser les oripeaux du parfait écrivain de gauche (sauf pour le caviar). Furibond, le staff a accompagné notre ami proseur incapable de mettre un pied devant l'autre à son hôtel, l'a abandonné les bras en croix sur son lit puis à tourné les talons.

    Mais c'était sans compter sur la puissance de récupération de la bête qui, à l'heure dite, était bel et bien présent pour se pavaner dans les allées du salon, accompagnée du maire et de quelques sommités locales terrorisées à l'idée qu'il gerbouille sur les micros au moment du discours inaugural. Mais finalement, tout s'est très bien passé. Et dès le soir même, Fredo était en boîte (enfin, dans LA boîte de Brive), où il a fait le "DJ" pour tous ses amis jusqu'à plus d'heures.

    De mon côté, la fin de journée a été nettement moins mouvementée. Aucune tendinite en vue, dans la mesure où je n'ai signé aucun livre. Le soir, l'équipe Milan s'est rassemblée pour manger dans un excellent restaurant (sans foie gras cette fois) puis chacun a sagement regagné sa chambre d'hôtel. Allongé sur mon lit et sentant l'inspiration monter, je me suis emparé de mon stylo et de mon calepin, puis j'ai écrit un roman jusqu'à 6 heures du matin. En fait, c'était mon intention initiale, mais j'avais perdu mon stylo, alors je me suis rabattu sur la télévision. « Chouette, me suis-je dit en me frottant les mains d’un air concupiscant, j'ai Canal+ et nous sommes samedi, à moi les délices du stupre et de la lubricité, à moi l'extase de la volupté, bref, à moi le film coquin !". Après avoir étudié longuement le fonctionnement de la télécommande, je tombe enfin sur ladite chaîne. En lieu et place des cochoncetés espérées, on avait droit à une sorte de clip publicitaire pour le yoga tantrique, visiblement commandité par une association gay californienne, sensé faciliter la compréhension du corps de l'autre afin de décupler les sensations lors de l'acte charnel. Pour ma part, je suis tout prêt à m'investir dans la compréhension du corps de l'autre, à condition cependant que l'autre en question ne porte pas de moustache.

    De toute façon, il était déjà bien tard. Un peu dépité, je suis rentré dans mes draps et j’ai éteins la lumière (ou le contraire, je ne sais plus).

    Le lendemain, une rude journée nous attendait.


     Tout comme Frédo, Sébastien Follin nourrit une véritable passion
    pour les excès cappilaires (et pour la littérature aussi, bien sûr).

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  • Suite à mon petit sondage, où une majorité s'est clairement dessinée pour que je rende compte en ce lieu de mon périple à la foire du livre de Brive-la-Gaillarde, je tiens à présent mon engagement (et ne félicite pas, au passage, tous ces gens qui pensaient -honte à eux - que Brive avait été rayée de la carte lors de la Seconde Guerre mondiale).
    Autant l'avouer tout de suite, le titre de cet article, s'il a pu éventuellement servir de cri de ralliement à quelques participants, ne présente que peu d'analogie avec ma réalité à moi (si ce n'est peut-être, rayon "folie furieuse", les 15 minutes durant lesquelles, dans la chambre d'hôtel, je me suis escrimé avec ma télécommande pour trouver Canal + ).
    Alors pourquoi un titre aussi fanfaron qu'éloigné de la réalité ? Tout simplement pour générer un max de visite et, par voie synchrone de conséquence, un max de com. Car si ces trois jours m'ont apporté un enseignement, c'est qu'il faut se montrer prêt à tout pour arriver à ses fins…
    Mais ne grillons pas les étapes, et prenons plutôt les choses là où elles ont débuté, c'est-à-dire à la gare d'Austerlitz.
    Persuadé comme d'habitude d'être terriblement en retard, j'arrive rougeaud et essoufflé aux abords du quai 21 où le fameux "train du livre" attend patiemment sa cargaison d'auteurs parisiens en tout genre. Je ne prête qu'une attention distraite à la cinquantaine de quidams occupés à discuter un verre de café dans une main et un croissant dans l'autre tout en battant de la semelle le sol bétonné, pour consacrer toute mon énergie à trouver une place assise.
    Je parcours donc les wagons déjà bien remplis d'individus plutôt volubiles et manifestement ravis de faire partie du voyage. Las, les rares tables libres sont toutes réservées, et mon côté optimiste prenant toujours le dessus dans ce genre de situation, je m'imagine déjà passer le voyage coincé à l'intersection de deux wagons, abrutis par le bruit des roues sur le ballaste et le claquement incessant de la porte des toilettes délivrant au passage son lot d'odeurs putrides. A force d'arpenter les allées, je finis toutefois par tomber sur une tablée pour ainsi dire déserte, à l'exception d'une place, occupée par un homme encravaté, aux allures affables de voyageurs de commerce. Après avoir reçu une courtoise bénédiction, je m'installe enfin. Quelques secondes plus tard, les deux derniers sièges sont pris d'assaut par deux dames qui, à peine le manteau quitté, comment à discuter entre elles. Le train s'ébranle finalement et bientôt le spectacle grisâtre de la banlieue parisienne exhibe ses reliefs puissamment sensuels sous mes yeux encore rougis de sommeil.
    Nous roulons depuis une petite demi-heure lorsqu'on nous propose un apéritif. Vin de figue ou vin de noix, tout cela n'est pas pour me déplaire, peu importe l'heure, et je m'empresse d'accepter le gorgeon. Mes trois compagnons de table déclinent pour leur part, et je me retrouve à siroter mon verre avec l'impression tenace d'un alcoolique anonyme venant de faire son outing. Dans la foulée, on nous apporte l'entrée. Je ne vous ferai pas le détail du menu, parce qu'à dire vrai, on s'en fiche un peu, vu que nous sommes sur un blog littéraire (notons juste au passage que le choux farci aux ris de veau et au foie gras, couplé au doux balancement du train, a un peu de mal à passer).
    Enhardi par mon vin de figue et un ou deux verres de bordeaux, je commence à lever le nez et à observer avec mon acuité légendaire les gens aux alentours. Certaines têtes me disent vaguement quelque chose, mais quoi exactement ? Heureusement, le "Guide de la 27e foire du livre de Brive" sorte de trombinoscope who's who est là pour me renseigner. Et quelle n'est pas ma stupéfaction de constater que ma modeste personne se trouve à quelques mètres de KENZA !!! Oui... Kenza... Vous ne voyez pas ? Le Loft... Mais enfin, si : le LOFT !!!! Si vous ne voyez vraiment pas, c'est que vous le faites exprès ou que vous n'y connaissez vraiment rien en littérature contemporaine (comme Kenza, quoi). Un peu plus loin, se trouve Denis Tillinac, un peu plus loin encore Jean-Louis Debré, très rock'n'roll avec son djin informe de jardinier du dimanche, porte-feuille en cuir marron dépassant de la poche arrière (ne me demandez pas ce qu’il a écrit…). Et puis juste à côté de moi, Bertina Heinrichs, auteur de "La joueuse d'échec". Pas de doute, on est bien dans le "train du livre" également appelé "le train du cholestérol" par ses contempteurs/détracteurs, on ne sait pas trop. Sans doute dans l'idée de tuer un peu du temps qui nous est imparti, le monsieur affable et encravaté juste devant moi décide d'engager la conversation. Il se trouve qu'il est l'éditeur de Kenza, la George Sand du vingt-et-unième millénaire citée plus haut, mais aussi de Jacques Pradel, qui vient de sortir "Saint-Exupéry, l'ultime secret ". Je m'étonne : quel rapport entre l'homme de la supercherie de Roswell (entre autres casseroles médiatiques) et l'aviateur français ? Réponse : Pradel aime beaucoup l'aviation, d'ailleurs il a son brevet de pilote de coucou et... voilà, quoi. Oui, mais quand même, mener une enquête pour retrouver le pilote de la luftwaffe qui a abattu Saint-Exupéry durant la guerre, c'est un sacré travail de fourmi, ça prend un temps fou non ? Oui, et c'est pour cela que le livre est cosigné avec un journaliste, Luc Vanrell. Pressentant que l'homme cherche à m'embobiner avec de vaines ratiocinations, je m'empare de la bouteille de Bordeaux disposée devant nous et menace de lui fendre le crâne avec s'il ne passe pas aux aveux. Il hésite, je le menace alors de lui commander une seconde part de choux farcis aux ris de veau et au foie gras, il abdique sans condition : en fait, le nom de Jacques Pradel sur une couverture est bien plus vendeur que celui d'un journaliste ignoré du grand public, aussi talentueux soit-il. Et puis signer un contrat avec l'ex-animateur télé, s'est s'assurer d'un service après-vente de haute volé, avec passage à la télé/radio, articles dans les journaux et tutti quanti. Non pas que l'homme fascine à ce point les médias: il en fait tout simplement partie depuis plusieurs décennies, et à ce titre, leurs portes lui sont grandes ouvertes...
    Pour être vraiment juste, on se doutait un peu de ce genre de pratique. Cela étant, en avoir la confirmation fait toujours plaisir.
    Mais tous ces bavardages m'ont presque fait oublier une des principales raisons qui ont motivé mon déplacement à Brive : rencontrer Frédéric Beigbeider pour qu'il puisse enfin me dire de vive voix tout le bien qu'il pense de moi. L'envie combinée de griller une cigarette et de satisfaire quelque besoin naturel me donne l'occasion toute trouvée pour partir à sa recherche. Un wagon... deux wagons... toujours pas de Frédo... Qu'à cela ne tienne, je m'arrête entre deux pour satisfaire mon besoin de fumée. Tout en allumant mon clope j'avise à deux pas un grand gaillard d'environ 195 centimètres : c'est Jean Teulé. Je lui fais aussitôt part de mon admiration pour son album de bande dessinée/reportage photo "Gens de France" auquel l'émission Streap Tease a tout piqué. Le bonhomme est très simple et gentil, il pourrait pourtant avoir la grosse tête avec la palanquée de bouquin qu'il vend depuis quelques années, mais non, il discute gentiment et me demande même la raison de ma présence dans ce train. Je lui parle de "Comment devenir", il fait "Ah oui ! Ah oui !" comme s'il l'avait lu, ce qui fait toujours plaisir même si d'évidence tout cela ne lui dit absolument rien. Et puis il ajoute : "C'est la première fois que vous prenez le train du cholestérol, alors ?" Et en désignant la drôle de cigarette qu'il tient à la main : "C'est aussi le train du pétard, parfois !". Vraiment sympathique.
    Mais tout cela ne me dit pas où est Frédéric Beigbeider...
    Je retourne à ma place. Le temps passe gentiment, et le haut parleur finit par annoncer une arrivée imminente en gare de Brive. Les choses sérieuses vont vraiment commencer...

     

    Suite au prochain billet.


    Où te caches-tu, mon Frédo ?

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