• Extrait du Traité d'aquoibonisme par l'exemple

     

    http://rlv.zcache.com/mooo_cow_coffee_cup_mug-p1680982339548645072l9gv_400.jpgCette semaine, une nouvelle collègue est arrivée. Elle s’appelle Nathalie, dispose d’un physique passe-partout qui s’adapte harmonieusement à notre environnement de travail. J’ignore tout des fonctions qu’elle va occuper. Mais je sais qu’elle vient de la Creuse et qu’elle nourrit une passion pour les vaches. Je le sais car elle l’a annoncé au café, dès son premier jour parmi nous. Pour preuve, elle a exhibé aussitôt son portable : il est blanc, avec de grosses taches noires. Il ressemble donc, pour ainsi dire, à une vache. Une vache rectangulaire et qui peut prendre des photos. Les collègues étaient soufflées. Je me suis dit : « Voilà quelqu’un qui sait s’imposer dans un groupe grâce à un positionnement fort reposant sur un concept original. » J’étais un peu dépité, aussi. Après une année de présence, je suis toujours incapable de retenir l’attention plus de quelques secondes et elle, avec ses vaches, décroche la timbale du premier coup. Il y avait quelque chose d’injuste dans ce constat, et cela m’a un peu déprimé. Ensuite, elle a parlé de la Creuse. Tout le monde s’en fout de la Creuse, sauf les gens qui en sont originaires. C’est justement le cas de Nicole. Pour arranger les choses, elles venaient toutes les deux, à peu de chose près, du même coin. Forcément, elle avait des choses à se dire. Les autres sont parties discrètement, prétextant un travail urgent, mais moi je suis resté, par curiosité. Mon hypothèse s’est rapidement vérifiée : le sujet était dépourvu d’intérêt pour peu que vous ne connaissiez pas Martin Brocquard, le boucher du village dont le commerce avait brûlé en 2003, ou la zone commerciale du Bois Tivert au sein de laquelle on pouvait trouver un magasin qui vendait des pots de peinture Avi 3000 à 60% du prix habituellement constaté. De toute évidence, la nouvelle s’était fait une alliée en la personne de Nicole. Mais dans le même temps, elle s’était pour ainsi dire auto exclue du groupe qui ne pouvait admettre – sa survie en dépendait - les sujets de conversations n écessitant des connaissances un peu trop pointues. En somme, elle s’était montrée fine stratège avec ses vaches, mais elle avait totalement merdé avec la Creuse. Elle devenait ainsi un sujet d’observation intéressant : comment allait-elle redresser la barre ? Allait-elle tout miser sur l’option « vache » quitte à passer pour une douce écervelée (ce qui n’est jamais de bon augure dans le monde du travail). Ou allait-elle s’enfoncer bêtement dans la narration d’anecdotes creusoises, au risque de se mettre tout le service à dos (y compris Nicole, qui aura vite compris où se trouvaient ses véritables intérêts) ?


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  • On connaissait la chik’lit, littéralement littérature pour les poulettes, on connaissait moins la littérature écrite par une dinde. Pour ma part je viens de découvrir cette exception culturelle en visionnant la vidéo ci-dessous.

    Oksana est, comme chacun le sait, une « star du X ». Mais on a beau être une experte du tourniquet japonais, on n’en possède pas moins une véritable sensibilité littéraire, puisque Oksanna vient de sortir son deuxième roman. Afin de nous en vanter les mérites, elle est interviewé par « l’Observateur de l’Avesnois » (qui n’a jamais mieux mérité son nom). En toute franchise et liberté, elle nous parle de son roman, en commençant par un petit résumé au sein duquel j’ai relevé quelques phrases laissant subodorer que si elle écrit aussi bien qu’elle ne parle, cet opus est assurément un audacieux et ébouriffant chef d’œuvre.

     […] pour sauver l’esclavage des gens qui ne peuvent plus avoir accès à l’eau […]

    […]Il y a tous les problèmes qu’ils veulent défendre […]

    « Si cet ultimatum n’est pas respecté au bout de 10 jours, paradoxalement à ça ils feront sauter la planète. »

     J’avoue que je n’ai pas compris tous les tenants et aboutissants de cette tumultueuse épopée, sauf que bientôt « on sera 9 milliards d’habitants sur terre » (oui, car il s'agit d'un "thriller écologique").

    On apprendra ensuite quelle est la force irrépressible qui l’amène à noircir des pages et des pages, le soir au fond de sa chambrette, au lieu de s’adonner à de savantes galipettes sous l’œil de techniciens impassibles :

    « C’est mon côté provoc’ qui me conduit vers la littérature ».

    Cela dit, elle nous avoue qu’elle n’en n’a pas pour autant délaissé son ancien métier (qu’elle a choisi, lui aussi, guidée par son « côté provoc’ »).

    Bon, on ne peut pas lui donner tort d’assurer ses arrières en continuant d’exercer un vrai travail dans une branche sérieuse et fiable.

    La littérature est un domaine si aléatoire.


    "J'adore montrer mes idées !"

    PS : Le journaliste de "l'Observateur précise que le roman a été coécrit par Gilles Prou. Je suis un peu déçu car il a probablement tiré le style d'Oksana vers le bas.

     

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  • Le manque de temps est l’un des principaux arguments que les prétendants à la littérature avancent lorsqu’il s’agit d’expliquer pourquoi ils sont bloqués depuis 5 ans sur le milieu du second chapitre de leur grand œuvre, précisément au moment où Tatie Olga découvre Brutus, l’épagneul breton du voisin, la queue coincée dans le grillage du poulailler. Et lorsque je parle des arguments qu’ils avancent, c’est bien sûr une façon de s’exprimer puisqu’en général, personne ne songe à leur demander où en sont leurs travaux d’écriture, dans la mesure où tout le monde s’en fiche (sauf peut-être Brutus, qui commence à trouver le temps long, sans parler de cette douleur à la queue de plus en plus insupportable).

    La solution à ce problème vient – enfin – d’être apportée à la très récente foire du livre de Bruxelles par Nicolas Ancion, jeune romancier liégeois de 39 ans. En 24h chrono, et sous la surveillance aiguisée du public (sans doute un peu moins vers 3 heures du matin), il a réussi à écrire un polar intitulé «Une très petite surface», dès à présent disponible en téléchargement sur le Net.

    Jeunes postulants à la gloire littéraire les pieds empêtrés dans le tapis du deuxième chapitre, vous savez ce qu’il vous reste à faire : vous enfermer à double tour dans votre chambrette avec pour seul compagnon un ordinateur en état de marche et 30 litres de café. Vingt-quatre heures plus tard, vous tiendrez entre vos mains ébahies (oui, les mains peuvent s’ébahir, c’est même assez courant) le fruit de vos efforts, que vous n’aurez plus qu’à adresser aux plus grands éditeurs (qui l’attendent déjà en se rongeant les ongles d’impatience).
    Et puis surtout : Brutus vous en sera éternellement reconnaissant (sauf s’il meurt à la fin).

     

    PS1 : J’ai lu quelques pages du roman en question (pas celui avec Brutus, l’autre) et je dois avouer que c’est assez bluffant, compte tenu du temps imparti. Bien sûr, certains tatillons ne manqueront pas d’observer que l’ouvrage ne compte que 84 pages, que c’est écrit bien gros et qu’il serait plus juste en l’espèce de parler de longue nouvelle. Les tatillons ne sont jamais contents.

    PS2 : Les tatillons (toujours eux) avanceront que cet « exploit » n’est pas nouveau, puisqu’il a déjà été accompli en 1927 par Georges Simenon, écrivain prolixe s’il en est.

    Les tatillons auront tort. Si l’affaire (Simenon devra écrire un roman sous les yeux du public, enfermé dans une cage de verre) est bien conclue entre Eugène Merle, directeur de plusieurs journaux parisiens et l’écrivain, elle ne réalisera pourtant pas, pour des raisons qu’on ignore (pourtant il y avait une somme rondelette à la clé). L’épisode dit « de la cage de verre » marquera pourtant les esprits et sera directement versé au compte de la légende simenonienne, à tel point que plusieurs journaux ont cru bon relater l’événement alors qu’il n’a jamais eu lieu. 


    http://www.cyberpresse.ca/images/bizphotos/435x290/200911/27/127418-enfermes-ancienne-cage-singes-homme.jpg 

    Amélie Nothomb travaillant sur son prochain roman 
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