• Aux yeux des auteurs autoédités, les maisons d’édition seraient le Grand Satan. Les pires rumeurs circulent à leur sujet : elles s’ingénieraient à snober les auto-édités, pire : elles ourdiraient en secret de terribles complots pour tenir les pauvres malheureux à l’écart du gâteau éditorial. Pourquoi ? Mais parce qu’elles se sentent menacées de disparition face à ce tsunami de créativité, de grand style et de bon goût que représente la horde sans cesse grandissante des écrivains indépendants !

    Et puis de toute façon, les éditeurs ne servent à rien, sinon à humilier, du haut de leur ridicule piédestal germano pratin, les géniaux écrivains en devenir qui ont la faiblesse de leur confier leur manuscrit, en leur adressant une anémique et méprisante lettre de refus « standard ».

    Qu’à cela ne tienne : les auteurs auto-édités, fort de leur talent auto-proclamé, vont leur montrer de quel bois ils se chauffent ! Parce que franchement, éditer, publier et diffuser un bouquin, à l’heure de l’internet roi, rien de plus facile ! Pas besoin de ces crétins suffisants qui ne pensent qu’au profit, se fichent de la « vraie littérature » et censurent les vrais talents !

    Preuve supplémentaire de leur inutilité : de plus en plus d’auteurs ne passent même plus par l’étape avilissante de la lettre de refus standard, et se lance directement dans la publication, via amazon, kobo et autres. Car ce n’est plus qu’une question d’années, voire de mois – regardez les Etats Unis, toujours précurseurs – pour que l’ebook à 1,99 euros triomphe et renvoie une bonne fois pour toute les éditeurs-exploiteurs aux oubliettes de l’histoire. Directement du producteur aux consommateurs, voilà comment vont se dérouler les choses dorénavant ! Et on se passera bien de ces suceurs de sang qui s’engraissent sur le dos des pauvres auteurs.

    Oui, mais non.
    Car contrairement à ce que beaucoup s’imaginent, les éditeurs servent à quelque chose.

    Et leur première qualité consiste à faire le tri parmi la cohorte de clampins qui s’imaginent qu’écrire un livre, c’est remplir 250 pages de caractères times new roman en 12. Et rien que pour ça, ils méritent largement d’exister. Parce que non, tout n’est pas publiable, tout n’est pas lisible.

    Ensuite, quand un éditeur a décidé de vous publier, se met en place un travail éditorial conséquent. Le directeur de collection discute avec l’auteur, lui suggère des améliorations, car il est rare qu’un manuscrit soit parfait du premier coup (malgré ce que peuvent en dire les amis ou la famille de l’auteur, qui ne sont pas vraiment objectifs en la matière). Et je dis bien suggérer, car l’auteur reste libre de ça création, contrairement à ce qu’on entend trop souvent. Non, l’éditeur n’est pas un castrateur, un censeur de la créativité. Il cherche juste à rendre un manuscrit le plus efficace possible. Et vous savez quoi ? Eh bien la majorité du temps, il a parfaitement raison. J’en ai fait l’expérience : toute les remarques qu’il m’a faite sur mon manuscrit avant publication étaient pertinentes. Dingue, non ?

    Ensuite, votre manuscrit passe entre les mains d’un correcteur, qui va traquer les fautes d’orthographe, mais aussi toutes les tournures malheureuses, les répétitions, les lourdeurs. Et va vous les soumettre (sauf les fautes, bien sûr).

    Ensuite, l’éditeur vous adresse des projets de couverture, réalisés par un graphiste professionnel, et vous laisse, là encore, la responsabilité de choisir.

    Quand votre livre est imprimé, l’éditeur organise sa diffusion auprès des libraires, via un diffuseur (Volumen, Harmonia Mundi, etc). C’est le nerf de la guerre, car sans une bonne diffusion, votre livre ne se vendra jamais. C’est pour cette raison que cette étape représente environ 50% du prix du livre, pas moins. Un éditeur sans un diffuseur puissant n’est pas un éditeur digne d’intérêt. C’est dur à dire mais c’est ainsi.

    Lorsque votre livre est enfin commercialisé, vous êtes mis entre les mains d’une attachée de presse (pourquoi « une » ? Parce que le métier est essentiellement féminin, allez savoir pourquoi… mais c’est ainsi). Sans elle, vous n’aurez aucune visibilité médiatique, qui passe principalement par les émissions de radio et les salons, dans une moindre mesure par les dédicaces en librairie.

    Toutes ces personnes qui interviennent sur votre livre ne sont pas des amateurs. Il s’agit de leur métier, et en général ils le font bien. Ils sont payés pour ça. Et puis il y aussi une chose : tous, ils ont envie que votre livre se vende, il en va de leur job.

    Alors il faudrait arrêter de penser que les éditeurs ne servent à rien. Bien sûr, dans le tas, il y en a des mauvais, des qui ne pensent qu’à faire des « coups », des qui publient du médiocre sans intérêt. Mais ce n’est pas la majorité, dans la multitude présente en France (http://www.sne.fr/adherent/les-editeurs.html).

    Et puis il serait peut-être bienvenu de faire preuve d’un peu d’humilité en cessant de comparer ce qui n’est pas comparable : non un auteur auto-édités n’est pas une maison d’édition. Non, il ne peut être à la fois écrivain, directeur de collection, maquettiste, commercial, attaché de presse. Il est, dans le meilleur des cas, juste écrivain, et pour le reste, il se débrouille comme il peut, en faisant appel aux bonnes volontés de son entourage, amateurs dévoués bien souvent, mais rarement professionnels.

    Le cauchemar ultime : un paysage éditorial d’où les éditeurs auraient disparu, définitivement. Ne resteraient alors que l’océan immense de l’auto-publication, à perte de vue ; des centaines de milliers d’auteurs, des millions d’ebooks, parmi lesquels le pauvre lecteur désemparé devrait naviguer à vue, à la recherche désespérée d’un peu de lecture qui corresponde à ses attentes, enfin…

     

    Vade retro éditeurs ?

     Un éditeur s'occupant de son auteur (mythologie auto-éditéiste)

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    3 commentaires
  • Dans le cadre de son exploration du rayon "jeunesse" des bibliothèques municipales, Jean François Coppé (Tonton Jean François, comme l'ont surnommé affectueusement les enfants) a découvert de nouvelles perles dont il a tenu à nous faire part. Merci, Tonton Jean-François !

    Les conseils lecture de Jean François Coppé

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