• Amazon, mon amour

    Je viens de recevoir mon chèque d’amazon pour le mois de mai et, confortablement installé dans mon canapé en cuir de vachette retourné, je me mets à rêver de ce que je vais bien pouvoir faire de ces 6,78 euros. Voyons… Pourquoi ne pas acheter une nouvelle baguette de pain, la dernière en date commence à prendre une teinte verdâtre qui pourrait laisser à penser qu’elle ne va pas tarder à devenir impropre à la consommation… Et en plus, il me resterait de la monnaie pour acheter des bonbons, et ça, c’est cool ! Mais j’hésite avec un magnifique T-shirt de chez Primark fabriqué au Bangladesh par des enfants asthmatiques… Bref, tous les mois c’est pareil : je ne sais pas quoi faire de tout cet argent que m’envoie amazon, juste rétribution pour ces tripotées d’ebooks vendus à des lecteurs chaque jour plus passionnés, à en juger par la multitude de commentaires laudateurs qui ornent les pages de mes ouvrages telles de mirifiques guirlandes de noël sur le sapin au soir du 24 décembre. Et je me remémore avec émotion, une grosse larme en équilibre sur le bord de chaque paupière, les débuts de cette merveilleuse aventure.

     C’était il y a un an, il y a un siècle, il y a une éternité. Non, en fait, calculs faits, c’était plutôt il y deux ans en gros. Écrivain au chômage suite à mon licenciement (abusif) des éditions Milan, j’errais telle une âme en peine à la recherche d’un support digne de mon statut pour y déposer ma prose (murs d’usine désaffectés, cloisons de toilettes au sous-sol d’un domino pizza, bref tout endroit me donnant la possibilité de toucher au coeur un lectorat attentif et bienveillant).

     Et puis j’ai entendu parler d’amazon KDP, de sa facilité d’usage, de ses marges mirobolantes. Je dois vous avouer que j’ai longtemps hésité avant de me lancer, m’adonnant à une comparaison minutieuse des avantages et inconvénients des uns et des autres. Et puis, je ne sais plus s’il s’agit d’une inspiration divine ou de l'appât du gain, mais j’ai fini par me décider : amazon et moi, dorénavant, ça serait à la vie à la mort. J’allais donc accoler mon nom pour les siècles des siècles à cette modeste entreprise nord américaine qui méritait bien un petit coup de pouce de ma part pour enfin se frayer un chemin au milieu de la jungle capitaliste qui mène notre monde (A ce jour, je n’ai d’ailleurs reçu aucun mail de remerciement de la part de Jeff Bezos).

    Vite, il me fallait un livre à publier. Et là, nouvelle inspiration divine : on annonce la sortie dans 2 mois de “50 nuances de grey”, et vu le tabac qu’il fait aux États Unis, il n’y pas de raison pour que la ménagère française de moins de 50 ans et plus ne s’adonne pas, elle aussi, aux délices des tenues latex boudinées et des fessées cul nu dispensées par un bellâtre milliardaire. Je décide donc d’en écrire une parodie, espérant ce faisant profiter de la vague médiatique qui ne manquerait pas de submerger journaux, magazine et émissions télé, toujours partants comme un seul homme pour tous parler en même temps d’un sujet VRAIMENT ORIGINAL.

     C’est ainsi que “50 nuisances de Glauque” sort sur amazon, deux semaines avant la traduction française de son illustre modèle. Dès lors, je consulte toutes les dix minutes mon tableau des ventes, désespérément vide, jusqu’au jour ou… Bingo ! Une vente. Je suis déjà en route pour dévaliser le rayon champagne de l’Intermarché du coin lorsque je réalise que c’est moi qui ai acheté l’exemplaire en question. Mais bon, pas grave, une vente reste une vente. D’autres finissent par arriver (des vraies, cette fois), au compte-gouttes. A dix unités vendues, je perçois comme le début d’un frémissement, et je me dis alors qu’il serait dommage de ne pas surfer sur ce formidable engouement que je sens poindre au loin (j’ai l’odorat très développé). Il me fallait donc le plus vite possible une nouvelle publication à proposer à mes insatiables lecteurs. Ça tombait bien, j’avais sous la main un texte sur lequel je travaillais depuis 10 ans par intermittence, ajoutant ceci, enlevant cela : “l’aquoibonisme ou la petite dépression larvaire comme hygiène de vie”. Je tenais enfin l’occasion d’en produire une version définitive, que je m’empressais de mettre en ligne. Mais cette fois-ci, aucun frémissement perceptible, ni même une seule vente, et ce pendant des mois. De toute évidence, cela n’intéressait personne (en deux ans, j’ai dû faire 20 ventes, et récolter 2 commentaires, de personnes sympathiques et attentionnées que je salue au passage : coucou).

    Peut-être que le thème ne parlait à personne ? Peut-être que ce n’était pas assez vendeur ? Peut-être pas bon du tout ? Après avoir sorti encore quelques ebooks qui rencontraient tous, et avec une unité qui faisait plaisir à voir, le même insuccès, je décidais de changer ma stratégie d’épaule: j’allais écrire quelque chose de fédérateur, qui parlerait au plus grand nombre, un thème auquel personne ne pouvait rester insensible, accompagné d’une couverture qui donnerait automatiquement l’envie de se plonger dedans. J’optais donc pour les bébés, pour lesquelles j’écrirai un guide où seraient présentés tous les aspects de la société dans laquelle ils venaient d'être introduits. Pouvait-on rêver de cible plus large ? Tout d’abord, les bébés (bon ok, ils ne lisent pas) ensuite leurs parents, grands-parents, et pour finir, tous les gens qui avaient eu l’occasion une fois dans leur vie soit d’être un bébé, soit d’en côtoyer un de près. Ça faisait du monde ! Eh bien, vous me croirez ou pas, mais malgré une campagne promotionnelle à faire passer celles des équipementiers sportifs de la coupe du monde de foot pour une annonce du Bon Coin, eh bien ça n’a pas décollé.

    Alors quoi ? Les gens s’en foutent, des bébés ?  Les gens n’ont pas de cœur, c’est ça ?

    Suite plus tard

     

    Amazon, mon amour"
    "Crotte de bique ! J'ai oublié d'envoyer
    un bon d'achat de 10 euros pour remercier Aloysius !"

     

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  • Commentaires

    1
    kodama
    Vendredi 20 Juin 2014 à 17:11
    Ah ma zone!
    2
    Samedi 21 Juin 2014 à 10:24

    Le succès des plus grands et les plus grands succès sont toujours posthumes. Songez-y avec bonheur jusqu’à votre trépas et en attendant, n’hésitez pas à venir lâcher votre joie sur mon blog, c’est gratuit.

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    3
    vera sayad
    Samedi 21 Juin 2014 à 20:36

    Coucou! ;-)

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