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Analyse de texte : "Hélène" de Roch Voisine
Quoi de mieux pour appréhender l’insondable mystère de la création et, tant qu’on y est, les sinueux arcanes de l’écriture, que l’analyse méticuleuse d’un grand texte de la littérature française ? (Ne vous fatiguez pas à répondre, personne ne vous écoute).
J’avais initialement pensé aux « Misérables », mais c’était un peu long, aussi me suis-je rabattu sur « Héléne », le chef-d’œuvre inégalé du plus grand poète hockeyeur canadien de tous les temps, à savoir Roch Voisine.
Commençons sans plus attendre s’il vous le voulez bien (si vous ne le voulez pas, attendez encore un peu, mettons 30 minutes. Au-delà, inutile d’insister, passez à autre chose).Héléne
Le titre laisse à penser que la chanson s’adresse à une jeune personne de sexe féminin. La suite confirmera cette impression.
Seul sur le sable les yeux dans l'eau
Quelques mots suffisent pour planter le décor, installer une ambiance, et on visualise instantanément Roch, agenouillé sur le sable, à la recherche de ses yeux tombés dans l’eau, on ne sait à la suite de quelle malencontreuse manœuvre.
Mon rêve était trop beau
Quel était donc ce rêve mystérieux ? Explorer les fonds marins sans mouiller son maillot de bain en jetant ses yeux dans l’eau ? A ce stade du récit, toutes les supputations sont permises, et l’auditeur,fasciné, se perd en conjectures.
L'été qui s'achève tu partiras
A cent mille lieux de moi
Roch nous remet bien vite dans le droit chemin en glissant un indice capital. Il semblerait donc que le rêve trop beau concerne très directement une personne qui selon toute probabilité, pourrait être la Hélène du titre. Difficile cependant de l’affirmer avec certitude puisqu’il utilise le tutoiement. Un moment j’ai pensé qu’il s’adressait à moi, mais ce n’est pas possible, je n’ai jamais fréquenté Roch Voisine en été. Mettons alors qu’il s’agisse bel et bien d’Hélène, sans doute une surveillante de plage ou une vendeuse de beignets à la criée qui, une fois la saison terminée, prend l’avion pour retourner dans sa maison (j’ignore précisément ce que font « 100 000 lieues », mais ça doit être drôlement loin, d’où « ’avion » et non pas « 103 Peugeot » ou « pédalo » ).
Comment oublier ton sourire ?
Roch a raison. On peut oublier tout un tas de choses, comme de remettre des sous dans le parcmètre, de prendre sa liste de course pourtant mise en évidence par un énorme magnet « Vache qui rit » sur la porte du frigidaire, de récupérer sa belle-mère à la sortie des WC sur un parking d’autoroute un jour de grand départ en vacances, on peut tout oublier, sauf un sourire (surtout si la personne a une feuille de salade coincé dans les incisives).
Et tellement de souvenirs
Pour les souvenirs, Roch fait sans doute allusions aux beignets à moitié prix, ou aux leçons de natation à l’œil dont il a pu bénéficier tout au long de la saison estivale.
Nos jeux dans les vagues près du quai
Je n'ai vu le temps passerOn ignore tout de la nature de ces activités ludiques, mais on peut imaginer, vu que le terrain de jeux se situe « près du quai » qu’il s’agissait principalement d’éviter les galettes de mazout qui pullulent généralement à ces endroits. On comprend dès lors qu’il n’a pas vu le temps passer, d’autant que les réjouissances devaient probablement se poursuivre avec une longue séance de décrottage en règle des doigts de pieds maculés de pétrole et autre composant chimiques hautement toxiques.
L'amour sur la plage désertée
Le fait que Roch précise une nouvelle fois que la plage était vide de tout touriste en short et en tongs nous conforme dans l’idée d’une récente marée noire, peu propice, comme chacun le sait, aux rassemblements estivaux. Cela prouve, par ailleurs, la force de l’amour qui unit ses deux êtres. Car il faut beaucoup s’aimer pour accepter de se rouler dans le goudron tout en faisant mine d’apprécier l’expérience.
Nos corps brûlés enlacés
Evidemment, cette abnégation dictée par l’amour ne va pas sans quelque dommage collatéral.
Comment t'aimer si tu t'en vas
Dans ton pays loin là-basLà, Roch pose la question essentielle, qui taraude tout amoureux digne de ce nom. Comment aimer quand l’autre est parti, au travail ou au pain, et a fortiori lorsqu’il se trouve à plus de 100.000 lieues de là ? Techniquement cela paraît difficile, même si les progrès de la technologie et des mœurs combinés apportent un début de solution : web cam hot, sex-phone, etc. Pour sa part, Roch n’apporte aucune réponse (car, rappelons-le, il est tout occupé à chercher ses yeux tombés au fond de l’eau).
Hélène things you do make me crazy bout you
Pourquoi Roch introduit-il soudainement dans son texte l’usage d’une langue étrangère ? Effet gratuit ? Simple fanfaronnade de l’artiste désirant faire étalage de son parfait bilinguisme ? Pas du tout, Cette pratique audacieuse a de toute évidence pour fonction de « crypter » un tant soit peu des propos sans doute jugés un peu trop polissons par leur auteur. Une traduction s’impose : « Hélène, les trucs que tu fais me rendent fou à ton endroit ». On l’aura compris, la dénommée Hélène a tout d’une sacrée gourgandine pour laquelle, on peut le supposer, le tourniquet bulgare et la brouette tonkinoise n’ont plus de secret. Et l’on comprend mieux dès lors la réticence de notre ami hockeyeur à l’idée de la voir partir.
Pourquoi tu pars reste ici j'ai tant besoin d'une amie
Visiblement, Roch ne s’est absolument pas préparé à une abstinence qui semble pourtant aussi inéluctable que prévisible . Là où l’on réalise la pureté et la profondeur de ses sentiments, c’est qu’il n’a même pas l’idée de penser que des vendeuses de beignets, il y en a encore un paquet jusqu’à la fin du mois de septembre, et des drôlement girondes, en plus. Pas certain cependant que toutes acceptent de se rouler dans le mazout.
Hélène things you do make me crazy bout you
Voir plus haut. (Cette Hélène a vraiment l’air de valoir le coup)
Pourquoi tu pars si loin de moi
Là où le vent te porte loin de mon cœur qui batEn bon poète, Roch est persuadé qu’Hélène, pour rentrer chez elle, va se poster à un endroit bien dégagé avec ses valises, et attendre que le vent vienne la chercher pour la déposer devant sa cage d’escalier. Dans la vie réelle, les choses ne se passent pas comme ça, ce qui est dommage d’ailleurs, car avec le vent pas de problème d’attente interminable à la douane de l’aéroport. Pas de Duty free non plus, il est vrai.
Hélène things you do make me crazy bout you
Voir plus haut (Bon sang ! Mais cette Hélène est un véritable démon !).
Pourquoi tu pars reste ici reste encore juste une nuit
Visiblement, il suffit d’une petite nuit supplémentaire pour que Roch fasse définitivement le tour de la question et qu’il n’y revienne plus. Pour Hélène cette demande doit être aussi humiliante que décevante, elle s’attendait tout de même à un peu plus de classe de la part d’un hockeyeur canadien. En fait, nous supputons, car présentement la chanson ne dit pas quelle fût la réaction d’Hélène. Au lieu de cela, Roch préfère parler de lui, encore et encore,et pleurnicher complaisamment sur sont sort. Et vu que son imagination est plutôt limitée, il recommence tout au début :
Seul sur le sable les yeux dans l'eau
Etc, etc, etc.
Roch en vérité n’est qu’un bel égoïste (doublé d’une grosse feignasse).Hélène, je t’en prie, si tu me lis, entre vite en contact avec moi pour me raconter comment tout cela s’est terminé. As-tu cédé aux impérieux désirs de cet homme sans scrupule ? Comment s’est passé le voyage de retour?As-tu pensé à acheter deux cartouches de cigarettes et un litre d’alcool fort au Duty Free de l’aéroport ?
Roch cherche ses yeux
Tags : roch, helene, sans, part, d’un
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Commentaires
1AudeJeudi 22 Mai 2008 à 16:32Répondrec'ke vous z'avez manké hein kan même !19le citateurJeudi 17 Novembre 2011 à 16:09J'ai toujours dit : "Quand un vrai génie passe dans le monde, on le reconnaît à cette marque : Tous les sots se soulèvent contre lui" Bon ok, Mister voisine est loin d'être un génie donc...20LilianeJeudi 17 Novembre 2011 à 16:0921Moi-MeMJeudi 17 Novembre 2011 à 16:0922Claude MichaudetJeudi 17 Novembre 2011 à 16:0923anywellJeudi 17 Novembre 2011 à 16:0924stephJeudi 17 Novembre 2011 à 16:0925kakaJeudi 17 Novembre 2011 à 16:0926victoriaJeudi 17 Novembre 2011 à 16:0927Moi-MeMJeudi 17 Novembre 2011 à 16:0928DavidJeudi 17 Novembre 2011 à 16:0929CélineJeudi 17 Novembre 2011 à 16:0930Hélène (bis)Jeudi 17 Novembre 2011 à 16:09Aaaaaaaarrrrrrrrgggggghhhhhhhhhhhhh!!!!!! TRO BON...31AnneJeudi 17 Novembre 2011 à 16:09Merci Aloÿsius d'être de retour avec ce chef d'oeuvre de la critique littéraire. Vous nous dévoilez le sens de ce grand texte dans une lecture post-structuraliste qui remet en cause toutes les approches derridiennes proposées jusque là. Je vous suggèrerais d'appliquer une telle lecture à "Thaï Na Na" de Kazero. Vous connaissez? Un lai filant une habile métaphore qui m'avait échappé à sa sortie, quand j'avais huit ans. Merci encore, bien à vous, cher AC.32Maudit-bicJeudi 17 Novembre 2011 à 16:09Puisque tu as dit que tu partais, je ne dis rien.33DavidJeudi 17 Novembre 2011 à 16:09
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