• Avis sur texte : Claude Mourkarzel - nouvelle

    J'ai 64 ans et je suis d'origine libanaise. Jusqu'en 2004, je n'avais écrit que du courrier commercial et administratif. Dès la retraite, encouragé par le benjamin de la famille, je me suis mis à écrire quelques courts textes autobiographiques et un peu de poésie.

    - Voici un souvenir d'enfance :
     


     C'était en 1950...

     

    J'allais sur mes sept ans. C'était en 1950, à Kankan en Guinée (française), par une de ces chaudes nuits de saison sèche où la température avoisinait le 40° C.
    Dans la cour, en plein air, notre père avait fait installer des plateformes en bambou où, enfants, nous dormions par groupes de deux où trois. Les deux grands, Sami et Annie, sur l'une, Michel, Irène et moi sur l'autre puis Brigitte dans son berceau. Quatre poteaux de bois, entre lesquels étaient tendues des tringles de fils de fer, supportaient les grandes moustiquaires qui nous protégeaient de toutes les bestioles de la nuit.
    Irène, active et souvent téméraire, qui supporte bravement la douleur physique, a toujours eu peur du noir et de l'orage. Elle dormait près de moi et je devais lui tenir la main, pour la rasséréner, pour qu'elle puisse s'endormir.

    Le petit déjeuner, au petit matin, quand il y avait un semblant de fraîcheur, était à chaque fois une petite fête. Nous avions l'impression de pique-niquer, là, entre les fleurs et le jardin potager.

    L'éclairage était assuré par une lampe à pétrole sous pression. Ses 500 lux fournissaient une lumière suffisamment vive dans un rayon de trois à quatre mètres. Pour les chambres et les déplacements, une lampe "tempête" suffisait.

    Une main me caressait le front, j'entendais doucement prononcer mon nom. Ouvrant les yeux, je vis, penché sur moi, mon père qui me réveillait... chut !... Etonné, je regardais tout autour, ne comprenant pas ce qui se passait.
    Sami, prompt à bondir, comme d'habitude, repoussait les moustiquaires de côté pendant qu'Annie se frottait les yeux. Ghazi rechignait un peu...

    - Qu'est-ce qu'y a... qu'est-ce qu'y a ?... Irène, un peu effrayée, venait de se réveiller elle aussi.
    - Chut ! chut !
    ... Ne pas réveiller maman, ni Brigitte.
    Il devait être près de deux heures du matin.

    Nous venions de comprendre. S'allongeant entre nous, Annie au creux d'une épaule et Ghazi au creux de l'autre, notre père, sur le dos, nous montrait le ciel du doigt.
    C'était une de ces nuits africaines qu'aucune lumière parasite ne venait troubler. Et là-haut, devant nos yeux écarquillés, en une immense jonchée de diamants, la voie lactée, scintillant de tous ses feux, nous offrait le plus prodigieux des spectacles.
    Le sourire jusqu'aux oreilles, immobiles et émerveillés, nos yeux débordant d'étoiles, nous avions l'impression d'assister à un miracle.

    - Vous voyez là-bas, chuchotait notre père, c'est la croix du sud, et là, presque au-dessus de nous, ce grand chariot, c'est la Grande Ourse, et aussi ce petit chariot, la Petite Ourse...

    Notre imagination, en mille péripéties, vagabondait du Lion au Scorpion et de l'Aigle au Dragon...
    Un bonheur immense nous emplissait. Inconsciemment, nous comprenions que notre père venait de nous faire le plus merveilleux des cadeaux. J'ai encore en mémoire ce sentiment de tendresse que j'éprouvais pour lui.

    Aujourd'hui encore, chaque fois que je lève les yeux vers la voûte étoilée, je me souviens !

    Abidjan, Le 20 avril 2005
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  • Commentaires

    1
    Mercredi 19 Mars 2008 à 18:53
    Vagant
    C'est un bien joli texte. Il aurait été préférable d'éviter la répétition du "pour" dans ", pour la rasséréner, pour qu'elle puisse s'endormir."
    2
    Dimanche 14 Novembre 2010 à 14:27
    @nna

    Je ne souhaite me pencher sur la syntaxe, d'ailleurs en ai-je le droit lorsque qu'à la lecture de votre souvenir, je ne garde que le rêve qui s'en échappe, grandiose et paternel comme celui pour lequel j'ai été privé. Votre père est un dieu.

    Merci pour cette délicieuse balade, ou plutôt ce voyage étranger....

    3
    violaine
    Jeudi 17 Novembre 2011 à 16:10
    violaine
    J'aime bien, mais je trouve que l'emploi de l'imparfait rend le texte très lourd, et l'histoire s'éloigne beaucoup du lecteur. Pourquoi ne pas utiliser le présent ?... Une main me caresse le front, j'entends doucement prononcer mon nom. Quitte à revenir au passé vers la fin du texte... bonne continuation
    4
    élodie
    Jeudi 17 Novembre 2011 à 16:10
    élodie
    Bonjour, j'ai trouvé se texte magnifiquement rédigé, on a presque envie de regarder le ciel avec vous et votre père bon courage pour la suite et bonne journée
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