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Avis sur texte : extrait de nouvelle - Robert Dorazi
Le texte : un extrait d'une nouvelle qui fera partie d'un recueil de textes écrits par des auteurs 'lulu' du groupe SFFF. Le principe du recueil est simple. Chaque nouvelle (20000 a 60000 signes) ainsi que la premiere phrase devra être : Et si...
Cette nouvelle n'est pas à proprement parler un texte de science fiction, à peine un texte d'anticipation, ce qui d'ailleurs ne ressort pas de l'extrait présenté ici.
L'auteur :
J'habite en ce moment à Tayport, un petit village non loin de St Andrews en Ecosse. Je n'ai commencé à écrire (des textes de fiction s'entend) que récemment et je serai ravi de recevoir quelques critiques constructives sur cet extrait.
— Et si tu me lisais une histoire ? demanda Cyril.
Protégé par Génétikman, le super-héros dont l’effigie était imprimée sur la couverture, Cyril ne craignait personne. Les deux mains croisées derrière la tête, il fixait son père.
Jack Kovac fit une grimace et leva les yeux sur l’étagère de la chambre. Elle était encombrée de livres de toutes tailles. C’était surtout Caroline, la mère de Cyril, qui les achetait.
— Tu peux lire ces livres tout seul.
— Mais papa, j’aimerais que tu en lises un pour moi. Pour une fois.
Jack approcha une chaise du lit.
— Je vais plutôt te raconter une histoire. Ce sera plus intéressant.
Il s’installa aussi confortablement que possible sur la chaise. Il ne lui fallait jamais très longtemps avant de s’endormir quand il racontait une histoire à son fils.
Au petit matin, après un petit déjeuner comme ils les aimaient tous les deux, c’est à dire un petit déjeuner constitué de ce qui traînait dans le frigo et qui ne sentait pas trop mauvais, Jack conduisit Cyril à son école, empruntant le même chemin qu’il parcourait déjà plus de vingt ans auparavant.
D’abord la rue des Saules. Jack l’avait souvent descendue à pied avec ses amis, renversant ici et là quelques poubelles avant de détaller vite fait.
Mince ! J’ai encore oublié de sortir les poubelles ce matin.
Il prit à gauche après le kiosque à journaux, et longea la rue des Grands Ormes.
Cette rue n'avait pas beaucoup changé depuis le début des années deux mille. Même le vieux Bartoldi, qui devait approcher les quatre vingt ans, habitait toujours la même bicoque, celle où Jack avait embrassé une fille pour la première fois. Elle s’appelait Brigitte. C’était le 13 juin 2014. Il s’en souvenait très bien. C’était le jour de la naissance de sa sœur.
— Il faudra que je pense à son anniversaire. On n’a pas tous les jours vingt ans, dit-il à haute voix.
Il s’arrêta au feu rouge et s’aperçut que Cyril le regardait d’un air étonné.
— C’est bientôt l’anniversaire de tante Martine.
— Mais papa !
Le feu passa au vert.
— Je sais, je sais. Ne fais pas attention, dit Jack.
Il arriva au bout de la rue du 13 Février et arrêta sa voiture devant un bâtiment circulaire gris et bleu. Il laissa le moteur tourner.
— On est arrivé, dit-il. N’oublie pas ton sac. Et n’embête pas tes profs avec des questions trop difficiles pour eux !
Caroline attendait devant l’école. Après s’être assuré qu’elle viendrait rechercher Cyril, Jack prit la direction du bureau.
Une dizaine de minutes plus tard il poussa la porte du commissariat où il travaillait. Plus précisément il poussa la porte de la petite unité à laquelle il appartenait. Le bureau des Stupéfiants électroniques, le BUSTE comme l’appelaient, pour se moquer, les autres membres de la division.
Jack était à peine assis à son bureau qu’un homme qui s’habillait chez XXL entra sans s’annoncer. Sa chemise, à moitié sortie de son pantalon, figurait une publicité ambulante pour les laveries automatiques.
— Leboulanger nous cherche, dit-il dans un bâillement. Y paraîtrait qu’il est furax. Eh Kovac ! On est dans l’pétrin… Leboulanger… Dans l’pétrin. T’as saisi la blague ?
— J‘ai saisi, j’ai saisi. Deux ou trois autres comme celle-là et tu pourras passer à la télé. Et puis tu pourrais changer de fringues de temps en temps, Galdini. Ça se fait, tu sais !
— Ah d’accord ! J’ai compris. T’as r’vu ton ex ? C’est ça, hein ?
— C’était mon week-end de garde. Bon sang Galdini ! Mon gosse a sept ans, il lit des bouquins que même Caro trouve difficiles à comprendre. Hier soir il m’a fait remarquer que je lui avais déjà raconté la même histoire la veille de son sixième anniversaire, que la voiture volante était une Peugeot blanche, pas une Renault bleue, que je m’étais planté dans les numéros d’immatriculation et que la copine du héros s’appelait Chantal et pas Crystal. Cyril a une mémoire photographique, il a un Q. I. à quatre chiffres et moi je travaille ici avec Karen et toi !
— Leboulanger nous attend toujours, répéta Galdini. Et il est furax.
— Leboulanger est toujours furax ! Qu’est-ce que c’est cette fois-ci ? Un Père-Noël a piqué un sac de bonbons ? Une vieille a pété les plombs et elle a fait un strip-tease en pleine rue ?
Cette fois les choses étaient autrement sérieuses. Et Leboulanger était vraiment furieux. Cette fois il y avait un cadavre ! Et la victime était bien connue !
— Qui c’est ce Gérard Lamande ? demanda Galdini.
— Je le crois pas ! répondit Karen, l’élément femelle de l’équipe dont le tour de poitrine à lui seul l’aurait qualifiée pour travailler au BUSTE. Qu’est-ce que tu fous de tes soirées Galdini ? Tu zieutes pas la télé ou quoi ? Purée ! Gérard Lamande c’est celui qui a gagné la finale de Debilestory. Bon sang, tu devrais t’instruire de temps en temps. J’arrive pas à le croire. Lamande a cané. J’avais voté pour lui jusqu’au bout. J’avais jamais entendu quelqu’un raconter des histoires aussi nulles. Il a écrabouillé tous les autres candidats.
— C’est bon ? Vous avez terminé Karen ? demanda Leboulanger.
Karen avait terminé et secoua la tête de dépit.
— Pour en revenir à notre affaire, Boss, je vois pas bien, sans jeu de mot, en quoi cette affaire nous concerne, dit Jack. Si c’est un meurtre c’est le boulot de la Crim et si c’est un suicide… Enfin je veux dire, ce Lamande était pas une lumière. Il a bien pu s’envoyer en l’air avec un truc normal.
Karen lança un regard noir à Jack, qui s’en moquait comme de sa première chemise.
— S’envoyer en l’air, répéta Leboulanger. Ouais, c’est le cas de le dire. Mais Lamande n’avait pris aucun truc normal, comme vous dites, Kovac. Le labo a analysé tout le sang que ce gars avait encore dans ses veines. Et après une chute de treize étages, il n’en restait pas lourd !
— Le treizième étage ? Eh Boss, ça lui aura pas porté bonheur ! déclara Galdini avant d’éclater d’un rire qui fit trembler toute sa bedaine. Oh mince ! J’suis vraiment en forme ce matin.
Leboulanger laissa échapper un soupir. Mais il fallait bien qu’il fasse avec les officiers qu’il avait, Galdini compris ! Il tâtonna sur sa gauche puis ouvrit un tiroir d’où il sortit un objet.
— On a retrouvé ça dans l’appartement, dit-il en jetant une sorte de livre plastifié sur la table devant lui. Je me suis laissé dire que c’est un des nouveaux modèles. Le dernier cri en matière de livre électronique. Il était encore activé quand on a retrouvé le corps.
Tags : —, c’est, jack, leboulanger, tete
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Commentaires
1robert doraziDimanche 5 Août 2007 à 18:29Répondre3vatrengJeudi 17 Novembre 2011 à 16:104vatrengJeudi 17 Novembre 2011 à 16:105aloysius ChabossotJeudi 17 Novembre 2011 à 16:10Comment dire ? Eh bien en fait, il n'y a rien à dire, dans la mesure où tout y est : le récit (du moins l'extrait qui nous est donné ici) est très bien mené, avec des zones d'ombres bien amenées qui excitent la curiosité du lecteur, et de vous possédez un sens du dialogue remarquable. Alors juste : bravo !
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