• Avis sur texte : extrait de roman - Martin Luçon

    Extrait d'un récit moyenâgeux, "Le vengeur qui ne savait pas"

    Il avançait, appuyé sur son épieu-béquille, courbé sous le poids des deux énormes jambons et du sac de viande à moitié fumés. Il se sentait un peu fatigué, comme on l'est toujours après une longue marche, mais avait bien moins mal qu'il ne l'avait craint quand il s'était mis en route dans la matinée. Il se remémora les journées précédentes, un peu fâché d'avoir quitté si vite son terrain de chasse... Non, c'était la décision la plus sage. Elle n'était pas si loin, sa rude journée de l'avant-veille, où il avait failli mourir.
    Il était revenu auprès de la carcasse du sanglier après avoir lavé sa plaie dans l'eau glacée. Pourquoi ce second évanouissement ? Il devait en démêler les causes. Plus que la douleur, c’était la faim. Il avait perdu trop de sang. Seule la bonne viande gorgée de sa vigueur sauvage lui rendrait ses forces. Sortant son frottoir, il avait enflammé un petit bûcher et fait griller un beau morceau juteux avant de le dévorer à moitié cru, tant l'appétit lui tordait les entrailles. Aussitôt après, il s'était endormi, serrant sa proie contre lui comme une femme aimée, laissant le feu s'éteindre.
    Au matin, bien restauré, reposé, il avait monté une broche pour y cuire d'abord, y fumer ensuite, les meilleures parts du solitaire. C'était bon de voir sa chair brunir sous l'ardeur du brasier. Le sain en suintait, coulait des cuissots, dégouttait dans les flammes, y brûlait. Son grésillement discret parlait plus au ventre qu'à l'oreille.
    Il avait rassemblé près de lui, en un grand tas, les feuilles jonchant le sol. Il avait pris soin d'écarter celles dont la fumée gâcherait la viande. Il n'en avait pas eu assez. Il avait continué à marcher et à en ramasser, jusqu'à être satisfait de la taille de la pile. Il devait soumettre la chair prompte à se corrompre à un fumage rapide. Il l'avait commencé sans tarder. Cette opération l'avait occupé jusqu'au soir. Il était loin d'en être satisfait. Ainsi traitée, elle se conserverait une demi-lune au plus... assez pour retourner au village, et à son ennui. Avec quel plaisir, sinon, serait-il resté jusqu'à la chute des dernières feuilles. Il était allé dormir. Il se lèverait tôt le lendemain si la douleur ne le reprenait, le tenant éveillé une partie de la nuit.
    Il n'avait pas souffert. À son réveil, le soleil était déjà haut. Cela faisait un moment qu'il marchait, sifflotant et soliloquant pour se donner du cœur au ventre. La seule perspective de revoir son village n'aurait suffit à pousser ses pas.
    Il ralentit. Quel était son probable avenir ? De ce monde qu'il rêvait de fouler, il ne verrait jamais qu'un petit carré de terres, du puy aux aulnes jusqu'aux bosquets autour de son village. En fait de prouesses, ses plus nobles seraient la mise à mort de sangliers ou de vieux loups mités. Rien de digne ne l'attendait ! Il végéterait toute sa vie, comme son clan, sans exploits à accomplir, sans l'espoir d'être un jour célébré, ou honni, mais au moins, dans le bien, dans le mal, que son nom soit grand !
    C'était son destin, déjà tout tracé. Il devrait s'y résigner, commencer à s'y habituer. Seul un cataclysme pourrait en<script type="text/javascript"> </script> briser la ligne.
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  • Commentaires

    1
    Lundi 6 Août 2007 à 00:30
    Marc Galan
    Là, c'est un genre littéraire que j'aime bien. Donc, un a priori favorable. Je n'ai trouvé ni fautes d'orthographe, ni erreurs de ponctuation manifestes. La description du héros et de son attitude semble réaliste. Rien de surhumain, juste quelqu'un qui, comme on dit, ne s'écoute pas trop. La conclusion est forte. On attend le cataclysme en question.
    2
    Mardi 7 Août 2007 à 12:53
    robert dorazi
    Telle qu'elle est ecrite, cette phrase pourrait faire penser que la broche sert a cuire et a fumer cette viande. Le plus simple serait de dire: Au matin, bien restaure, repose, il avait monte une broche et cuit les meilleures parts du solitaire avant de les fumer." De meme, la phrase "ilavait rassemble pres de lui, en un grand tas,..." pourrait facilement etre raccourcie (rassembler en un tas pourrait simplement etre traduit par entasse, et les feuilles jonchant le sol par feuilles mortes (en general se sont celles qu'on entasse). "il n'en avait pas eu assez...jusqu'a etre satisfait... C'est un peu long et n'apporte pas de nouveaux renseignements. Si vous ecrivez "Il avait entasse suffisamment de feuilles en eliminant celles dont la fumee gacherait la viande" c'est aussi instructif (dire qu'il en entasse assez suffit a montrer qu'il a peut-etre marche pour les recuperer). Une fois cuite, la viande met beaucoup plus de temps a pourrir. Elle n'est pas vraiment si prompte a se corrompre.
    3
    Mercredi 8 Août 2007 à 10:26
    Cassy
    Bonjour bonjour !! Je travail sur un projet en ce moment qui réunis plusieurs texte pour les publier en un recueil, a des fins caritatives (UNICEF, WWF , ARC , Ni putes ni soumises, Rêves) . Chacun peut envoyer son document, pour faire partie des sélectionnés qui seront dans le livre ! Pour plus d’informations http://www.dessinemoiunehistoire.fr (La page est en cours de préparation, pardonnez moi la froideur du site ^^) Merci de votre participation !!!
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    4
    Jeudi 16 Août 2007 à 12:29
    Vagant
    J’ai quelques questions et suggestions formelles : « Elle n'était pas si loin, sa rude journée de l'avant-veille, où il avait failli mourir. » En lisant cela, j’ai l’impression que le fait de mourir est anecdotique pour le protagoniste. J’aurais écrit : « Elle n'était pas si loin, sa rude journée de l'avant-veille : il avait bien failli mourir ! » « Il était revenu auprès de la carcasse du sanglier après avoir lavé sa plaie dans l'eau glacée » : Quelle plaie ? Celle du protagoniste ou celle du sanglier ? « Pourquoi ce second évanouissement ? » Ce n’est pas très clair dans le contexte. Peut-être l’extrait est-il trop court, à moins que le protagoniste soit « revenu à lui auprès de la carcasse du sanglier » ! « Sortant son frottoir, il avait enflammé… » Je ne suis pas convaincu par le participe présent suivi par le plus-que-parfait. J’aurais plutôt écrit : « Après avoir sorti son frottoir, il avait enflammé » ou conformément au passé simple utilisé au début (avec « remémora ») : « Il sortit son frottoir et enflamma… ». Il faudrait peut être revoir la concordance des temps. « L’appétit lui tordait les entrailles. » Ne serait-ce pas plutôt la faim ? « Le sain en suintait. » Serait-ce le sang qui suintait ? « Il avait rassemblé près de lui […] les feuilles jonchant le sol. » J’aurais écrit : « Il avait rassemblé près de lui […] les feuilles qui jonchaient le sol. » « Il avait pris soin d'écarter celles dont la fumée gâcherait la viande. » Cela ne me semble pas très clair. J’aurais été plus précis ici : « Il avait pris soin d’écarter certaines feuilles du feu : en se consumant, leur fumée aurait gâché la viande »
    5
    georges
    Jeudi 17 Novembre 2011 à 16:10
    georges
    Je trouve cela vraiment bien mais, mais cela n'engage que moi et ne constitue en aucun cas un jugement de valeur. J'aurais, par exemple, au lieu de la phrase originale : "Au matin, bien restauré, reposé, il avait monté une broche pour y cuire d'abord, y fumer ensuite, les meilleures parts du solitaire". préféré : "Au matin, bien restauré, reposé, il avait monté une broche pour d'abord y cuire, et ensuite y fumer, les meilleures parts du solitaire. Qu'en penses-vous ?
    6
    Beaujean
    Jeudi 17 Novembre 2011 à 16:10
    Beaujean
    Et si maintenant, à moins que de nouveaux extraits n'arrivent, on faisait son "tiercé". Savoir les trois textes les plus appréciés. Quoique, puisque nous sommes en France, on pourrait faire un tiercé inverse (les moins aimés). Il y aurait plus de participants, à mon humble avis.
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