• Avis sur texte : Julien Bruno - Début de roman

    L’aube est un moment – sinon le moment – où les esprits s’éveillent, vierges de toute pollution cognitive, de nouveau prêts à affronter les épreuves d’un jour nouveau. Il en est ainsi pour la grande majorité des espèces vivant en ce monde.

    Mais pour d’autres, ce court instant de transition où le départ des astres laisse au Soleil la faveur de régner sur un monde grouillant de vie, marque la fin de toute activité physique et mentale. C’est dans cet ordre – ou désordre ! - que va la vie de Boo.

     

    I - (titre)

     

                Une lumière vive assaillit son esprit ; ce matin là, les brumes annonçant la venue du jour ne résistèrent pas longtemps à l’assaut des rayons du soleil. Mais la lueur intense et agressive n’était pas la seule cause de sa veillée. Car Boo était décidé. Il savait. Il savait que le moment propice était venu, et il était bien décidé à en profiter.

                A ses côtés, Pixel, son compagnon de maison, s’endormait doucement. Ce flemmard d’adolescent ne risquerait pour rien au monde de chambouler son rythme de vie ! Un rythme bien rodé au demeurant, quoique très banal… manger, dormir… et rien ! Mais Boo n’était pas de ces rats là, car pour ce petit être, la vie ne pouvait pas se limiter à ces fonctions triviales. D’autres valeurs bien plus nobles, bien plus importantes aux yeux du jeune adulte méritaient son intérêt. Et c’est en ce but qu’il quittait le plus silencieusement du monde la petite cahute de plastique – jaune et bleue – qui leur servait de dortoir.

                Bruissements de petits pas… Devant lui s’ouvrait à présent l’espace vide de leur cage. Vide, oui, mais de rats seulement ! Car si l’agitation nocturne avait désormais fait place au calme le plus absolu, le domaine de Pixel et Boo restait toujours aussi peuplé, encombré de milles et uns restes de repas – graines de tournesol, riz soufflé, légumineuses, croquettes pour chat, pattes, et d’autres… - de jouets en tous genres, et meublé de cabanes de cartons.

                A sa gauche se trouvait l’unique étage de leur territoire : un quart de cercle en plastique accroché aux barreaux, à mi-hauteur de cage. Ce promontoire était surmonté d’une petite litière d’angle, dont la fonction première n’avait pour une fois pas échappé aux petits rongeurs…

                Empruntant le chemin de plastique gris, Boo se trouva en quelques enjambées – si tant est que les rats aient des jambes - au bord du vide le séparant du sol. S’il ne voulait pas faire de bruit, il savait qu’il ne devait pas agir comme il avait l’habitude de le faire : tout simplement se laisser tomber de l’étage et heurter vingt centimètres plus bas la litière de son généreux postérieur, dans un nuage festif de copeaux de lin !

                Aussi choisit-il d’accéder au sol par les parois. La technique était bien rodée. Il devait s’agripper aux barreaux de la cage, à la verticale, tête vers le haut, afin de ne pas capoter cul par-dessus tête, et descendre un à uns les longs câbles métalliques. Il s’exécuta, non sans quelque appréhension ; car désormais, Boo n’était plus très loin de son but. Il allait pouvoir exprimer une part de lui-même, qui le poussait inexorablement à agir.

                Il jeta un rapide coup d’œil sur sa droite, où trônait maintenant la Porte ; le principal moyen d’accès au dehors était un carré de barreaux articulés, dans la face découverte de la cage. C’est par ce trou d’Hommes que les rongeurs recevaient régulièrement leurs repas, ou se trouvaient extraits de leur lieu de vie pour être un temps enfermés dans de petites boîtes aveugles. Mais ce n’était pas cet élément équivoque qui faisait en cet instant l’objet de son intérêt. Non. Boo ne pensait qu’à une chose. Attraper la touffe de poil bleu qui jaillissait - inconsciente et provocante – d’un angle du Mur.

                Cette touffe appartenait à Minus, le gros mâle bleu. C’est avec ce rat que Boo s’était une fois battu, et avait été ridiculisé par la force bien supérieure à la sienne de son aîné. Depuis ce jour, les trois mâles avait vécu séparés par une double paroi de verre et de métal, solide et hermétique : le Mur. Mais le jeune albinos n’avait jamais digéré cette défaite humiliante et, il ne savait pas pourquoi, quelque chose au fond de sa petite conscience de rongeur le poussait à obtenir vengeance. Il n’avait pu supporter de découvrir sa faiblesse de cette façon. Mais il n’avait été qu’un jeune adolescent. Suffisamment fort et désormais décidé, il pouvait, sinon prétendre vaincre son adversaire, lui infliger une juste correction.
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