• Avis sur texte : nouvelle - Sylvaine Rinaldi

    Une courte nouvelle poétique :


    Avril ou le sculpteur de brume

    Il sculptait  la brume du matin. A l’heure où le sol sue et s’évapore. Il n’entendait à ces moments précis que le glissement subtil de ses doigts sur les volutes humides. Des formes diluées et fantasmagoriques se dessinaient puis se délitaient aussitôt descendu le clair midi qui anéantissait tout.
     L’artiste passait tout le reste du jour à se demander comment contempler son œuvre en plein zénith. La main sur le front, penché sur sa table il songeait à sa chère aube regrettant amèrement les heures embrumées où son âme exaltée dictait à ses doigts ses intimes secrets.
    De guerre lasse, il prit la fatale décision de graver sur la pierre ses fantômes de brume.
     Le premier coup porté lui éclata sauvagement les tympans et ne lui parvinrent plus que les sons mats de sa détermination.
     Le deuxième coup porté entama sa vision et il ne distingua plus jamais que les silhouettes imprécises de ses créanciers.
    -Pourquoi t’obstiner lui susurra à l’oreille, la brume délaissée.
     Bien sûr il ne l’entendit pas et l’artiste maudit porta le troisième coup qui le fit disparaître en une nuée de minuscules éclats de lui-même.
     La brume, distraite un court instant par un jeune rayon solaire obstiné  qui tentait de percer sa couverture blême, oublia tout à fait l’artiste ainsi répandu.

    Partager via Gmail Yahoo!

    Tags Tags : , , , ,