• Comment rafler la mise en écrivant un roman : la méthode Bala

    C’est bien beau d’être édité, mais encore faut-il, pour que le bonheur soit complet, que le livre se vende. Pour arriver à leur fin, bon nombre d’écrivains ont recours à des astuces éculées qui ne trompent plus personne depuis belle lurette : vaines polémiques fabriquées de toutes pièces, déclarations tonitruantes sur quelque sujet sensible et, last but not least, squattage éhonté des plateaux télé, de l’émission culinaire au journal de 20 heures.

     

    Krystian Bala a pour sa part élaboré – à son corps défendant, précisons-le - un procédé dont l’ingéniosité laisse pantois. Sachez toutefois que si vous êtes tentés de suivre son exemple, il vous faudra faire montre d’une patience à toute épreuve, d’un certain sang-froid et d’une dose de bêtise somme toute conséquente.

     

    Voici donc l’histoire.

     

    En 2000, le torchon brûle entre Krystian et sa femme. Non contente de lui servir des nouilles à l’eau un repas sur deux, elle s’adonne aux joies de l’amour physique avec un autre que lui. Krystian a beaucoup de mal à accepter cette situation, d’autant qu’il n’y a même pas de ketchup à la maison pour agrémenter ses pâtes. Aussi décide-t-il de suivre sa femme, affublé d’une fausse barbe et de lunettes de soleil. Bien que sa filature soit régulièrement entravée par les badauds qui, persuadés d’avoir affaire au guitariste de ZZ Top, lui demandent des autographes, il réussit néanmoins à identifier son rival, un homme d’affaires polonais de Wroclaw (j’ignore absolument tout de cette petite ville sans aucun doute charmante, mais ce genre de détail insignifiant fait toujours bien dans un article).

     

    Le mari bafoué est bien décidé à donner une bonne leçon à ce paltoquet, mais, doté dès son plus jeune âge d’un naturel doux et affectueux, il n’a jamais pu se résoudre à faire lui-même du mal à autrui. Aussi engage-t-il des tueurs à gages chargés de faire passer le goût de la polissonnerie à l’homme d’affaires priapique. Krystian ayant opté pour la « formule complète – satisfait ou remboursé », le malheureux amant est enlevé, torturé pendant trois jours et finalement jeté à l’eau (alors qu’une bouée de type « Canard » lui avait toujours été nécessaire pour accomplir quelques brasses). Résultat : il meurt.

     

    Une fois débarrassé de son encombrant rival, Krystian tente de reconquérir son épouse volage à grand coup de bouquet de marguerite et de restau chinois (formule gastronomique). Malgré les efforts dispensés, la belle reste impassible, et finalement, c’est le divorce.

     

    Bien sûr, la justice polonaise émet quelques soupçons à l’encontre de notre ami, mais faute de preuve, son inculpation tombe à l’eau (sans mauvais jeu de mots, vous me connaissez). Tout un chacun plongé dans une situation identique sombrerait vraisemblablement dans l’alcool, la drogue ou le tiercé. Krystian, pour sa part, se contente d’écrire un roman qui va relater dans les moindres détails toute cette sordide histoire. Malin comme un singe, il change le nom des protagonistes afin de brouiller les pistes, et envoie le manuscrit à une maison d’édition, qui le publie en 2003. De l’art d’accommoder les restes, en quelque sorte.

     

    Comment a-t-on a eu vent des ressemblances entre l’affaire Bala et le roman, je ne saurais vous le dire avec précision (explication plausible : un juge aurait lu le livre, ou un greffier, ou le gardien du palais de justice de Wroclaw). Toujours est-il que la procédure est rouverte illico presto, et cette fois-ci, Krystian en prend pour son grade : 25 ans fermes !

     

    Cette incroyable histoire va-t-elle faire exploser les ventes du roman ? Il est encore trop tôt pour le dire, mais c’est une probabilité qui doit être envisagée sérieusement.

     

    Une chose est sûre : notre romancier va faire des envieux chez ses codétenus avec tous les kilos d’orange qu’il va pouvoir s’offrir grâce à ses droits d’auteur.

     

    Pour autant, cher auteur en devenir, est-il vraiment nécessaire de se laisser aller à de telles extrémités pour accéder à la notoriété ?

     
    Prenez plutôt exemple sur Patricia Parry qui, si elle truffe ses romans de cadavres salement amochés, n’en reste pas moins une personne sociable, équilibrée et digne de confiance.

     

     

    Krystian Bala : "J'ai dû merder quelque part, mais où ?"

     

     

         (source : Patricia Parry/AFP)

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  • Commentaires

    1
    Samedi 13 Octobre 2007 à 23:05
    clem
    Il en a de bonnes celui-là ? Où a t-il pu m. ? C'est bien fait pour lui. Il aura les droits d'auteur à sa sortie. Aujourd'hui, pour se faire de la publicité, nous avons internet. Je verrai si c'est efficace quand mon livre sortira, chez Atelier de presse. Connaissez-vous ? C'est un nouvel éditeur d'après ce que j'ai lu sur sa lettre et qui a accepté mon manuscrit, un récit. Clémentine Séverin
    2
    Dimanche 14 Octobre 2007 à 09:52
    Malvina
    Cette histoire est fascinante et pourrait faire l'objet d'un roman non ? (rires) Je serai curieuse de connaitre la réaction de l'éditeur après cela ....
    3
    Dimanche 14 Octobre 2007 à 09:59
    Béatrice
    Comment savez-vous que je suis digne de confiance? Ah, ah, ah, ah, ah! (rire méphistophélique)
    4
    Dimanche 14 Octobre 2007 à 13:58
    David
    A mon avis, il a dû mal choisir les noms de ses personnages ou alors il aura oublié la mention "toute ressemblance avec des personnages réels, etc..." Personnellement, ça fait dix ans que je fonctionne comme ça et j'ai jamais eu d'ennui... Ca et le fait de ne pas être publié...
    5
    Lundi 15 Octobre 2007 à 08:53
    Nath
    Géniale cette histoire ! Mais pas très malin, il faut bien le dire. Il y avait tout de même une chance qu'un jour, qq'un fasse le rapprochement, non ? Bien tenté.
    6
    Seb
    Lundi 15 Octobre 2007 à 13:57
    Seb
    J'avais déjà lu cette histoire sur divers sites (y compris celui de Patricia) mais racontée par Aloysius Chabossot, elle prend une saveur exquise (le ketchup, peut-être ?) Enfin, je dis ça, mais, chez Patricia aussi, c'était très bien raconté... (de l'art de se raccrocher aux brins d'herbes de la rive pour ne pas sombrer...) Par ailleurs, cette mésaventure de l'écrivain qui mélange écrire sur un meurtre et le commettre réellement me rappelle aussi quelque chose de très personnel. Mais je ne peux pas en dire plus pour l'instant...
    7
    Lundi 15 Octobre 2007 à 21:47
    Bon_sens
    Qui a dit que le crime ne paie pas ?
    8
    Mardi 16 Octobre 2007 à 18:07
    Vagant
    Si je publie un roman sur mes adultères et que ma femme le lit, qu'est-ce que je risque ? Une certaine notoriété familiale, sans doute... Ah bon ? Je n'ai aucune chance d'être publié ? Ouf !
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    9
    Samedi 20 Octobre 2007 à 00:10
    Caroline
    C'est normal si cette histoire me fait mourir de rire? Je trouve ça forcément glauque pour l'amant, mais si ce type est coupable, dieu qu'il est stupide!
    10
    Lundi 5 Novembre 2007 à 17:34
    Pierre
    Je viendrai lire plus en détail cet espace une autre fois...
    11
    kristelle
    Jeudi 17 Novembre 2011 à 16:10
    kristelle
    Bonjour Aloyssius Voilà un petit commentaire hors sujet : Pouvez-vous me donner des renseignements sur "La société des écrivains" ? (Fiabilité) Ils me demandent une participation financière aux frais d'édition du manuscrit que je leur ai envoyé. J'ai reçu un contrat très détaillé m'expliquant comment les tâches seront réparties. Ils se chargent de tout (impression, promotion, distribution...) Moi, je dois tout de même payer près de 2000 euros. Qu'en pensez-vous ?
    12
    NX l
    Jeudi 17 Novembre 2011 à 16:10
    Peut-être qu'il n'a pas commis ce crime, mais en avoir entendu parlé (forcément puisqu'il s'est fait soupçonné) lui aura donné l'idée d'écrire ce roman. Si c'est le cas, c'est malin ! De toute façon, ce n'est pas très grave : si ça n'avait pas été ça, il aurait sombré dans la drogue et l'alcool...
    13
    SYLVAINE RINALDI
    Jeudi 17 Novembre 2011 à 16:10
    SYLVAINE RINALDI
    Ce mari attentionné a-t-il écrit son roman à partir du crime ou bien une petite idée de roman lui trottait-elle dans la tête avant de commettre son forfait? Dans les deux cas, bien sûr, le résultat est le même, il n'y a que la névrose qui change, donc crime passionnel récupéré par un égo surdimensioné, ou crime de psychopathe calculateur. Cest vrai que cela ferait un bon sujet de polar! Une pensée émue tout de même pour la pauvre femme qui aurait sans doute préféré être l'héroïne d'un livre de Marc Levy.
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