• De l’influence de la télévision sur l’envoi de manuscrit

    Vu hier soir (normalement je devrais écrire « j’ai vu… », mais je ne peux  résister à la tentation de me faire passer pour un diariste distingué,  ce genre de personnage qui a « vu » la veille au soir des choses extravagantes et dont le plaisir secret – qui peut s’apparenter à  la masturbation –est d’en retranscrire les moments les plus pétillants dans un style où le détachement feint le dispute à l’élégance raffinée)
    Donc, vu hier soir « Les sœurs fâchées » sur France 2, en short sur mon canapé avec un bol de chipsters à portée de main (bon, ça calme tout de suite)
    Loin de moi l’idée de me recycler dans la critique de cinéma dont la blogosphère regorge d’abondance (« trop cool ce film, et les effets spéciaux trop forts » etc). Je me contenterai juste de dire que ce long métrage est de toute évidence trop cool, bien que souffrant manifestement d’un budget « effets spéciaux » comparable au PIB de l’Ouzbékistan.
    Une fois les considérations cinéphiliques  réglées, abordant enfin le vif du sujet : « Les sœurs fâchées » est, pour tous les auteurs en devenir, une véritable incitation à envoyer des manuscrits aux maisons d’édition.
    Je m’explique.
    Catherine Frot (enfin, son personnage), provinciale bon teint telle que l’imagine le petit monde du cinéma (anticoupe de cheveux, vêture fonctionnelle, accent du terroir et naïveté à tout crin) « monte à la capitale » avec un double objectif : revoir sa sœur qu’elle a un peu perdue de vue (autant dire que cet objectif, du moins dans le cadre restreint de ce modeste article, ne retiendra pas plus avant notre attention), et se rendre au rendez-vous que lui a fixé un éditeur.
    Et c’est là, bien sûr que ça devient intéressant. Vous l’avez compris, même si vous n’avez pas vu le film (si vous l’avez vu et que vous n’avez toujours pas compris, consultez au plus vite) : Catherine, esthéticienne au Mans, a écrit un manuscrit qu’elle a aussitôt envoyé aux maisons qui comptent sur la place de Paris. Résultat : un entretien chez Grasset (on voit la plaque en cuivre sur la porte, briquée de frais au Mirror) dont l’objet véritable semble échapper à tous les protagonistes (mais en fait, c’est pour le suspense !)
    Voilà qu’arrive le dernier tiers du film et nous retrouvons  notre Catherine, toujours aussi empotée, enfin reçue par ce que l’on pourrait identifier comme un directeur littéraire (raies sur le côté, veste pied-de-poule, foulard autour du cou), lequel lui fait, après quelques politesses d’usage (« les onze personnes du comité de lecture ont aimé votre roman. Enfin non : certaines l’ont adoré ! »), signer un contrat en bonne et due forme, là, sur le coin du bureau.
    Imaginez un peu le bonheur de notre amie mancelle ! Et la surprise des auteurs en devenir qui frisent la crise d’apoplexie devant leur petit écran : Ainsi donc, ça se passe comme ça ! Crénom, mais c’est donc pas aussi compliqué qu’on le dit alors ! Evelyne, sors-moi mon manuscrit pendant que je réserve mon billet de train pour Paris ! Comment ça lequel ? Mais « Le rossignol se cache pour chanter » ! J’en ai pas écrit d’autre de toute façon…
    Gageons que dans les jours qui viennent (et les mois prochain, pour ceux qui, portés par une folle espérance, ont commencé le premier chapitre hier soir) les éditions Grasset  et consorts vont devoir faire face à une arrivée massive de manuscrits qu’ils ne sauront, comme d’habitude, pas où ranger.
    Bien fait pour eux !


    catherine-frot.jpg "Toi aussi, deviens un auteur publié et célèbre grâce à Grasset"

     
    EDIT : Faut-il y voir un lien de cause à effet ? Le blog a reçu aujourd'hui deux fois plus de visite que les jours précédents. Dingue, non ?

    Partager via Gmail Yahoo!

    Tags Tags : , , , ,
  • Commentaires

    1
    Mardi 11 Septembre 2007 à 08:22
    arpenteur
    Merci de m'avoir fait rire de si bon matin. Par contre, je sais pas pourquoi, pas spécialement envie de voir le film... Ne réalisez jamais des bandes-annonces...
    2
    Mardi 11 Septembre 2007 à 09:40
    Marc Galan
    C'est vrai que si on l'avait vu passer dans les locaux de la française des jeux recevoir un chèque pour avoir gagné au loto, la fin aurait été infiniment plus crédible. Sinon, question réalisme, sylvie exagère, mais si peu...;-)))
    3
    Mardi 11 Septembre 2007 à 10:01
    Justin Hurle
    J'ai déjà envoyé un manuscrit partout où, partout on ne répond jamais !... Et jamais, du reste, on me les a renvoyés ces manuscrits... Lesquels n'étaient d'ailleurs qu'une pure copie de "La Stratégie du bouffon" de Serge Lentz... Alors, soit les directeurs de pub sont très forts d'avoir compris la supercherie, soit ils sont nuls à chier car Serge Lentz est un écrivain sans pareil. Ou est-ce un peu les deux ? Non : aucun d'eux ne ma signifié : "Hé ! Tête à cons ! C'est Lentz qu'à écrit ça !". Qu'en pensez-vous mon cher maître ?
    • Nom / Pseudo :

      E-mail (facultatif) :

      Site Web (facultatif) :

      Commentaire :


    4
    Mardi 11 Septembre 2007 à 10:38
    Excellent ! J'ai passé un excellent moment à le lire. Excellent, vraiment.
    5
    Mercredi 12 Septembre 2007 à 10:20
    Béatrice
    Sympathique lecture de bon matin! Je me souviens avoir vu ce film au cinéma et avoir beaucoup aimé ce passage où on lui dit: "Certains n'ont pas aimé, ils ont adoré!". Vous croyez vraiment que c'est exagéré? Ah, ah, ah!
    6
    Vendredi 14 Septembre 2007 à 08:03
    linka
    Mince, quelqun l'a déjà dit...mais curieusement, moi aussi j'ai une envie de chipsters là (à 8 heures du mat...) ;) Comme d'habitude, un réel plaisir de vous lire, suis de bonne humeur pour la journée.
    7
    Lundi 17 Septembre 2007 à 18:30
    Antoine
    Là, vraiment, oui, il y a matière à débat !! Honnêtement, comment pouvez-vous manger vos chipsters dans un bol ? Je n'imagine pas déguster ces petites saletés sans entendre, chaque fois que ma main les empoigne, le cri glissant du sachet aluminium plastifié se plaignant que je l'écartèle.
    8
    Mercredi 19 Septembre 2007 à 09:01
    Lois de Murphy
    Morte de rire ! Il n'empêche que cette phrase lancée par l'éditeur j'ai adoré l'entendre, comme d'autres aiment les fins heureuses dans les contes de fées, ce que cette scène représente d'ailleurs, ni plus, ni moins... Ceci dit Grasset va sûrement s'en bouffer les Montblanc :o)
    9
    Célia
    Jeudi 17 Novembre 2011 à 16:10
    Célia
    Bonjour, Merci à vous ! Je suis tombée ici par hasard en cherchant des blogs de critiques ou chroniques littéraires et je tenais à vous féliciter pour votre verve expérimentée, votre ironie. Il n'est pas facile de me dérider : j'ai été lectrice pour deux maisons d'édition jeunesse pendant deux ans et je me souviens d'avoir fait un stage au service manuscrits d'une maison d'édition. Le problème, c'est que la plupart des textes envoyés sont ce qu'on peut appeler "lénifiants", pesants ou trop clichés. Je pense que vous pourriez faire une liste des clichés à éviter avec l'humour qui vous caractérise, ça aiderait pas mal de gens. Enfin, c'était juste une suggestion... Je vais passer pour une ennemie ici. Je voudrais aussi conseiller un livre publié chez Gallimard justement sur ce sujet : Première ligne...
    10
    Hervé-Philibert le j
    Jeudi 17 Novembre 2011 à 16:10
    Hervé-Philibert le j
    Ben moi ça ne m'a pas décoincé la plume. Par contre, j'ai envie d'un bon bol de Chipsters tout à coup. Une lubie. Si ça se trouve j'attends un bébé.
    11
    Sévy
    Jeudi 17 Novembre 2011 à 16:10
    Sévy
    Cher Aloysius, je suspecte votre petit questionnaire à gauche de mon écran d'être la véritable cause de ce redoublement d'attention ; questionnaire auquel je vais d'ailleurs m'empresser de répondre !
    12
    stef
    Jeudi 17 Novembre 2011 à 16:10
    stef
    Pour vous répondre, Aloysius; c'est la dure loi du web. Merci quand même. Pour vos rhumatismes, je vous conseille un massage au "Baume du Tigre." C'est comme John Coltrane, c'est bon pour tout les maux.
    13
    Dominik
    Jeudi 17 Novembre 2011 à 16:10
    Dominik
    Traumatisé par les renvois systématiques des éditeurs, avec la formule d'encouragement et de politesse adéquate, j'ai tapé "Comment écrire un roman" sous Google, et me voilà débarquant sur ce blog... La lecture de ton texte m'a fait sourire. Tellement de fois, je me suis vu, moi aussi, assis devant Mr Grasset et son troupeau de lecteurs-experts, attendant tout tremblant la phrase-clé : "J'aime beaucoup votre travail." Au lieu de cela, j'espère bientôt finir une magnifique sculpture en papier maché réalisé entièrement avec les lettres de refus des éditeurs. A bientôt, camarade
    14
    Sylvia
    Jeudi 17 Novembre 2011 à 16:10
    Sylvia
    Eh bien, ça fera pour Grasset plus de manuscrits à ne pas lire ! Je découvre en tout cas, à la lecture de l'article, que le cinéma américain, où le héros sauve le monde en 24 heures, est finalement plus réaliste que le cinéma français.
    15
    Beaujean
    Jeudi 17 Novembre 2011 à 16:10
    Beaujean
    Ils en recevront plus que d'habitude. Ils s'abstiendront de les lire ni plus ni moins que d'habitude.
    16
    stef
    Jeudi 17 Novembre 2011 à 16:10
    stef
    vous etes en forme, cher Aloysuis!
    Suivre le flux RSS des commentaires


    Ajouter un commentaire

    Nom / Pseudo :

    E-mail (facultatif) :

    Site Web (facultatif) :

    Commentaire :