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Incroyable mais vrai : un diplôme pour devenir écrivain !
Fureter sur le net présente un indéniable intérêt : on y apprend des choses folles. Par exemple, je viens de découvrir que pour devenir un auteur à succès, le talent d’écriture (et une certaine chance) ne suffisait pas. Que dis-je ? C’est même tout à fait superflu.
Non, le plus important, c’est d’obtenir un « diplôme en rédaction » moyennant la réussite à certains examens (qu’on imagine redoutable) et accessoirement la modique somme de 689 euros (payable en 12 fois – on a les soucis des petits budgets). Au risque d’en décevoir plus d’un (qui commençaient à tailler leurs crayons en vue de les passer au plus vite, ces fameux examens) je ne fournirai pas l’adresse du site qui se propose de vous ouvrir les portes du paradis à si bon compte, si l’on peut dire. Loin de moi l’idée de vous priver d’un tel bonheur, mais je n’ai aucune envie qu’une meute d’avocats aux dents aiguisées comme des lames de guillotine ne me tombent dessus sous le fallacieux prétexte que, par quelques pernicieuses remarques habilement disséminées au gré de ma prose, j’aurais attenté à l’intégrité morale du fameux site, par ailleurs en tout point remarquable.
Sachez toutefois qu’il suffit de taper dans un célèbre moteur de recherche les mots « Comment devenir un brillant écrivain » (eh oui ! Le monde est petit) pour que la fameuse chose apparaisse dans toute sa splendeur, à la seule position qui lui revient de droit : la première.
Mais entrons plutôt dans le vif du sujet : que nous propose ce site ? Un cours de rédaction, astucieusement divisé en quatre modules visiblement plus excitants les uns que les autres (pour vous donner une idée, le premier module se nomme « introduction »). Mais ce n’est pas tout ! Au cours des cours (oui, je sais, l’expression est un peu lourde, mais je n’ai pas encore eu le temps de m’inscrire) l’heureux abonné recevra de merveilleux cadeaux, dont le plus frappant reste sans doute « le cartable rigide pour vos leçons » qui doit vraisemblablement représenter 90% du prix demandé à l’auteur avide de succès.
Poursuivons notre voyage au pays des écrivains riches et célèbres grâce à un diplôme et allons batifoler gaiement du côté du « Mot de la directrice ».
D’entrée de jeu, notre amie pose la seule question qui mérite d’être posée : « Vous êtes-vous déjà demandé s'il vous était possible de gagner de l’argent avec votre stylo ? » Fichtre, voilà un questionnement direct et franc du collier qui amène à réfléchir. Voyons, je me souviens de la fois où, installé sur un trottoir passant de la ville de Vierzon, j’ai tenté, un peu à la manière des charmeurs de serpents, de faire onduler mon stylo au son de ma flûte à six trous, dans le but plus ou moins avoué de récolter quelques piécettes afin de me rincer le gosier au troquet du coin. Résultat : je suis resté désespérément à jeun, et ai terminé ma soirée au poste en compagnie de personnes qui ne l’étaient guère. Donc, oui, j’ai déjà essayé, mais je ne suis pas sûr de vouloir recommencer. Mais aussitôt la directrice de me rassurer : « Pas besoin d'être exceptionnellement doué, intelligent ou de connaître sa langue à fond. » Voilà une excellente nouvelle ! Je me reconnais pour ma part totalement dans ce portrait-robot, et je suis bien certain de ne pas être le seul (n’est-ce pas ?).
Le cœur léger, je m’en vais à présent faire un tour du côté des « commentaires des étudiants », ces gens donc, qui en échange d’une minuscule poignée d’euros, sont devenus du jour au lendemain des auteurs à succès. Et là c’est une véritable ribambelle de winners qui défilent sous nos yeux ébahis. Tenez, il y a par exemple Christel Benoît (comment ? vous ne connaissez pas Christel Benoît ? Votre mauvaise fois me révulse !) qui nous compte dans un style luxuriant l’orgasme qui l’a traversée de la tête au pied lorsqu’elle a appris que le magazine (tenez-vous bien) « Filles d’aujourd’hui » allait publier –dans un délai qui reste incertain – son récit « Ma chasse aux souvenirs ».
Bon, il y en a une pleine page dans le même genre, que des auteurs célèbres qui se perdent en congratulations pour cette mirifique école du succès. Tenez, encore une : Célestine Turcotte (il faut absolument jeter un œil sur la photo) : « Mon objectif a été atteint. J'ai publié comme pigiste pour une revue.» Il est clair que cette école vous aide à concrétiser vos rêves les plus fous.
Précisons que vous avez le droit, pour le même prix, à un suivi personnalisé dispensé par des tuteurs qui vous soutiennent et vous conseillent dans vos efforts. Mais qui sont ces professeurs détennant le fabuleux pouvoir de créer des auteurs à succès ? On imagine évidemment des stars internationales de l’écriture comme, je ne sais pas moi, Guillaume Musso, ou Marc Lévy, pas moins. Bon, disons-le franchement : au premier coup d’œil, la liste des stars internationales laisse un peu perplexe. Lorsqu’on clique sur la bio de chacun d’eux, on apprend par exemple que Sylvie Vézina a écrit « huit titres d'une collection abordant les problèmes de santé de façon naturelle, en plus de trois livres de recettes. »
Oui, bon, très bien…
On découvre par ailleurs que Claire Lang a gagné « le concours de nouvelles du Village du Livre de Fontenoy-la-Joûte en 2001 ».
Oui, pas mal….
On note encore que Chantal Haupt « s'intéresse à de nombreux secteurs intellectuels : elle est auteure de poèmes, de nouvelles et de romans (par exemple Le Pouvoir des eaux, ou les Tulipes d’Istanbul, parus en France »)
Le pouvoir des eaux... C’est en effet assez bluffant.
Quant à Pierre Baril, c’est le « big boss multimédia » de la boîte , qu’on en juge : « Depuis plus de 30 ans, Pierre fait carrière dans le monde journalistique et de l'écriture. Critique d'Art au journal Le Nouvelliste, réalisateur à la télévision au Québec et à Radio-Canada international, son conte pour tous, Camille, l'enfant à l'arbre a été salué par la critique. »
Je ne sais pas pour vous, mais moi, à ce moment précis, j’ai sorti mon carnet de chèques. (Précisons toutefois qu’une recherche minutieuse sur le net aboutit bien à un Pierre Baril, artiste peintre de son état... Quant au fameuxconte salué par la critique, impossible d'y trouver la moindre allusion. Ce qui prouve quoi ? Ce qui prouve tout simplement que les tuteurs de cette sympathique école sont dotés d’une modestie qui force littéralement le respect. Prenez-en un peu de la graine , bande de petits prétentieux !)Très bien… Je suppose à présent que vous savez précisément ce qu’il vous reste à faire…
(Soyez gentil : j’aimerai tellement qu’un auteur à succès, ne serait qu’un, je ne suis pas difficile, fréquente enfin ce blog.)
Si j'aurais su, je m'aurais pas cassé la nénétte et je m'aurais inscrit.
Tags : qu’un, c’est, succes, reste, d’un
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Commentaires
1K.RineMardi 11 Décembre 2007 à 20:23RépondreCher Aloysius Chabossot, Ce que vous racontez de cette école est fort amusant. Toutefois, je tiens à dire qu'il existe au moins une école d'écriture sérieuse. Elle offre des cours dispensés par des écrivains de renom, délivre un diplôme qui a permis à plusieurs écrivains de se faire publier, certains sont même devenus des nouvelles célébrités du monde littéraire! Seul inconvénient: Cette école se trouve en Allemagne et s'adresse aux germanophones... Il s'agit du Literaturinstitut de Leipzig où ont enseigné Sten Nadolny, Norbert Hummelt et d'autres écrivains contemporains reconnus (vous ne les connaissez peut-être pas, mais croyez-moi sur parole). Juli Zeh, dont on peut lire des oeuvres traduites en français, est issue de cette école. Pour la petite histoire, cette aventure a commencé au temps de la RDA. C'était l'Institut Johannes R. Becher, la plupart des écrivains qui ont compté dans l'après-guerre y avaient étudié. Après la chute du mur, il a été fermé, puis rouvert et débarrassé de l'idéologie socialiste. Il existe une sélection à l'entrée (sans parler du financement du cursus): Il faut envoyer des extraits de ses textes, la proportion de candidatures retenues doit à mon avis pas excéder les 5%. En revanche, on a par la suite droit à des séminaires de Littérature, de Technique d'Ecriture, à des Travaux Dirigés, tout cela pour préparer un travail de fin d'études: Un récit, peut-être aussi un recueil de poèmes ou une pièce de théâtre, je ne sais plus. Bien sûr, le succès littéraire n'est pas garanti. Ni même la publication. Selon certains journalistes, le style des écrivains diplômés est efficace, sobre, personnel bien sûr, mais on y reconnaît un ton, une marque de fabrique. L'institut uniformiserait-il l'expression littéraire? C'est une question à laquelle je ne puis répondre. Quel intérêt de parler de tout ça? Un écrivain en herbe très déterminé pourrait être tenté d'apprendre l'allemand, de décrocher le dipmôme et de jouer ensuite d'une image d'écrivain français exilé ayant choisi l'Outre-Rhin par affinité: ça pourrait intéresser les journalistes! (Pour moi, c'est malheureusement trop cher...)
Je recherche un ecrivain de contes pour enfants pour notre site internet.
Connaitriez vous des personnes interessées ?
Merci16PasserbyJeudi 17 Novembre 2011 à 16:09
Il s'agit d'une critique, parue en 1995 dans un journal d'Ottawa, du conte « salué par la critique » de Pierre Baril, Pierre Baril étant celui que vous qualifiez de « Big Boss multimédia de la boîte ».
Extrait de votre note :
« Précisons toutefois qu’une recherche minutieuse sur le net aboutit bien à un Pierre Baril, artiste peintre de son état... Quant au fameux conte salué par la critique, impossible d'y trouver la moindre allusion. Ce qui prouve quoi ? Ce qui prouve tout simplement que les tuteurs de cette sympathique école sont dotés d’une modestie qui force littéralement le respect. »
Je pourrai par ailleurs peut-être servir de cobaye et chercher à obtenir ce diplôme en rédaction afin de vérifier s'il me permettra de laisser des commentaires plus limpides. Rassurez-vous toutefois, je ne compte pas insister plus longtemps mais plutôt continuer à apprécier vos écrits de façon plus discrète.17PasserbyJeudi 17 Novembre 2011 à 16:0918PasserbyJeudi 17 Novembre 2011 à 16:09
Une nouvelle maison d'édition outaouaise vient de lancer sur le marché son premier roman, lui-aussi empreint d'un beau message humaniste. Ouvrons d'abord une parenthèse pour saluer bien haut cette initiative périlleuse de la part des deux fondateurs de «La vache volante», nom donné à leur petite maison par Robert Pellerin et Robert Vienneau, de Hull, fin de la parenthèse... Écrit par Pierre Baril, Camille, l'enfant à l'arbre est un petit album illustré de 32 pages au ton, ma foi, assez touchant, sur l'attachement d'une fillette quadraplégique envers un érable de sa cour.
Cet arbre est son unique confident, son soutien, son copain de jeu. Aussi, sa disparition plongera-t-elle la fillette dans un abîme de désespoir. Avec le temps, elle découvrira que même mort, l'arbre continue à vivre, dans son coeur d'abord, mais aussi dans la chaleur que ses bûches diffusent, dans le papier réalisé à partir de ses fibres.
Belle parabole sur la vie qui se poursuit au-delà de la mort, le récit de Pierre Baril souffre toutefois d'une surcharge d'images, pas toujours heureuses, trop souvent superflues, qui réduisent la force du texte et viennent entraver sa fluidité.
Épuré, simplifié, ce texte-là aurait été une perle.
Il se contente d'être un diamant mal poli.19PasserbyJeudi 17 Novembre 2011 à 16:0920DimitriJeudi 17 Novembre 2011 à 16:0921luluJeudi 17 Novembre 2011 à 16:0922sophieJeudi 17 Novembre 2011 à 16:09J'ai omis de préciser que je suis très heureuse d'avoir trouvé ce site, merci beaucoup d'y publier autant d'articles interressants.23sophieJeudi 17 Novembre 2011 à 16:09Bonjour, je cherchais des informations sur le web lorsque,j'ai eu la chance de tomber sur votre blog. Je n'ai pas encore eu le temps d'en découvrir toutes les pages,mais compte tenu de ce que je viens de lire, je pense que je vais me garder un peu de votre humour peu commun(malheureusement) pour le reste de la semaine. Comme une sorte de shoot ponctuel (pardon pour la comparaison douteuse...) Je m'interroge êtes- vous un jeune doué dans l'art de la critique pertinante ou bien un homme ayant beaucoup d'experience dans le domaine de l'écriture et de la critique? Etes-vous Fredéric Beigbeder?24Angelique EleanoreJeudi 17 Novembre 2011 à 16:0925NegatifJeudi 17 Novembre 2011 à 16:09C'est vrai qu'on la sent, la qualité. Et profond. Car je sais pas vous, les enfants, mais de belles phrases avec une quarentaine de virgule et sept parenthése, ca me donne follement envie de m'inscrire, moi. Aprés Celine, voici Lang! "les langues étrangéres, toutes les langues, la fascinent depuis toujours". Moi, je dis: Beaudelaire n'a plus qu'à se cacher en bas du sol, et bientot ce sera au tour de notre ami Marc Levy de plier sous la force de Claire lang. A noter sur cette page, un certain art de la broderie: "À présent, après avoir publié plus de 35 nouvelles et articles, ainsi que deux romans-feuilletons, elle se réjouit d'avoir le privilège d'accompagner les études de nos etudiant(e)s en partageant sa passion des mots, sous toutes leurs formes, de toutes provenances." >> De la part d'une prof de maternelle, c'est un art de l'ellipse d'une nudité parfaite! Merci pour ce charmant lien, monsieur Chabossot. Hugo me regarde de loin, désormais.26SévyJeudi 17 Novembre 2011 à 16:0927DanJeudi 17 Novembre 2011 à 16:0928Sylvaine RinaldiJeudi 17 Novembre 2011 à 16:0929MOINE YvesJeudi 17 Novembre 2011 à 16:0930MalvinaJeudi 17 Novembre 2011 à 16:09Voyons mon cher Aloysius, pensiez-vous vraiment que j'allais vous dénoncer ? :D Bon, en effet, cela vaut le détour (enfin si j'ose dire) ce site. Marketing identique à celui des fameux compléments alimentaires. Cela ne m'étonne pas !31MalvinaJeudi 17 Novembre 2011 à 16:0932JohanJeudi 17 Novembre 2011 à 16:09
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