• J'ai rien vu mais je dirai tout à Michel Lafon

    La nouvelle est tombée sans crier gare sur mon téléscripteur : Jean-Louis Courjault s’apprête à sortir un livre !  Ma première réaction a été de m’exclamer : “Chouette alors ! “ car je fais partie de ceux pour qui la parution d’un ouvrage, quelle que soit sa nature, ne peut être que synonyme d’allégresse incontrôlée et de réjouissance sans fin. Jean-Pierre Pernaud écrit un dictionnaire des métiers oubliés ? Picrate à gogo !  Justin Bieber s'attelle à sa biographie ? Big Mac à volonté ! Régine nous raconte ses années ménopause ? Lignes de coke pour tout le monde !

    Passé un petit moment d’euphorie tout à fait légitime,  j’ai eu toutefois une seconde réaction : “Mais qui est Jean-Louis Courjault ?” J’étais d’autant plus circonspect que la sonorité de ce nom prononcé à voix haute ne provoquait en moi aucun des réflexes pavlovien qui assaillent généralement mon être à l’audition d’un patronyme fleurant bon le strass et la paillette : salivation abondante, tremblements compulsifs, truffe humide (et j’en passe). Faites d’ailleurs le test par vous-même : dans la liste suivante, où se trouve, selon vous, l’intrus :

    -Lady Gaga

    - Loanna

    - Maradonna

    - Carlita

    - Jean-Pierre Courjault

    Alors ? Edifiant, je ne vous le fais pas dire.

    Bien évidemment, je n’allais pas en rester là. Mettant à profit ma sagacité coutumière, je suis parti à la recherche de renseignements sur ce fameux  JL... Eh bien figurez-vous qu’il s’agit de l’époux légitime de cette femme qui, probablement pour de solides raisons pratiques mais dont le fondement nous échappe encore un petit peu, avait déposé dans la partie "congélateur" de son frigo 3 nouveaux nés qui, hélas, n’ont pas survécu à l’expérience.  Une bien triste mésaventure que la presse, avec un sens de la formule qui l’honore et qui contribue à sa grandeur, n’avait pas tardé à désigner comme “l’affaire des bébés congelés”.

    Rappelons que JL, lors du procès, a dit et répété, concernant les étranges coutumes de conservation de sa femme, qu’il n’avait rien vu, rien entendu, bref, qu’il ne s’était jamais douté de rien.

    D’où mon questionnement légitime : qu’est-ce que peut bien raconter, durant 250 pages, un témoin qui n’a rien vu ? C'est un peu comme si Marcel Lupiot, domicilié en Meuthe-et-Moselle, entreprenait de nous narrer dans les moindres détails le 11 septembre 2001 à Manhattan, alors qu’à cette date précisément, il était cloué sur un lit d’hôpital suite à une malencontreuse chute de tracteur. Ou comme si Bigeard écrivait un manuel des bonnes manières. Ou Nicolas Sarkozy un traité de syntaxe. Ou Benoît 16 un manuel d’éducation sexuelle. Ou Marc Lévy un roman.

    Malgré ce paradoxe, il faut bien se rendre à l’évidence : le livre sortira bien le 30 septembre, chez Michel Lafon, et ça va s’appeler : “Je ne pouvais pas l’abandonner”. Heureusement, le grand éditeur a daigné lever un voile sur le mystère du contenu : "Il [JL] raconte notamment comment il s'en est voulu de n'avoir rien vu, comment il a rencontré des experts du déni de grossesse pour tenter de comprendre et pourquoi il soutient sa femme". 

    Et là, bien sûr, tout devient clair.

    Première partie : JL raconte son fascinant quotidien d’avant le drame avec sa femme Véronique, sans omettre de rappeler toutes les deux pages que vraiment, il ne voit rien mais ce qui s’appelle rien.

    Deuxième partie : Tandis que sa femme est en prison, JL rencontre des “experts en déni de grossesse”. Là, prévoir une compilation de tous les articles parus depuis deux ans dans la grande presse sur le sujet.

    Troisième partie : c’est le quart d’heure émotion, on sort les violons  et on écoute JL nous raconter qu’il aime toujours sa femme et que malgré des défauts qu’on ne peut nier ( notamment une sous estimation de l’espérance de vie du bébé en milieu polaire) c'est pas la mauvaise fille, dans le fond.

    Effectivement, le compte y est : nous avons bien nos 250 pages remplies jusqu’à la marge de vide abyssal, prêtes à être servies à une poignées de gogo en mal de sensation faitdiversiennes et nauséabondes !

    Mais gaffe, mon Michel ! Tu n’es plus dans le coup ! Car le témoignage de JL risque de faire pâle figure comparé à l’affaire de Villers-au-Tertre : 8 bébés enterrés dans le jardin, et un mari qui a tellement rien vu que JL, à côté, il passerait pour un voyant extralucide.

    Mais si ça se trouve, avec le sens de l’édition qu’on lui connaît, Michel Lafon a déjà signé un contrat en béton avec le mari. Le bouquin pourrait s’appeler “Je ne pouvais pas l’abandonner 2 - le retour”

      courjault.jpg

    JL travaille déjà sur son nouveau livre : "Je suis le fils caché de Georges Marchais"

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  • Commentaires

    1
    Mardi 10 Août 2010 à 15:56
    clementine

    Il n'a rien vu, car il a intégré ce drame comme un secret qui repose sur la mot. Et un tel secret devient aveugle. Voilà, le livre est refait... Lol. 

    Le monde de l'édition chez L. est plus qu'affligeant.. 

    bonne journée

    clem

    2
    Mardi 10 Août 2010 à 16:39
    lillie lutin

    Oulala ! Que vous êtes méchant Aloysius ! (je le suis aussi, je me marre ...) Mais ça m'inquiète : que faut-il écrire pour trouver grâce à vos yeux ?

    3
    Mercredi 11 Août 2010 à 13:10
    bertfromsang

    sa femme aurait été contacté par le seuil, pour la publication éventuelle d'un ouvrage, dans la fameuse collection expliqué à... titre provisoire de l'objet: la congélation du nourrisson expliquée à ma fille (celle qui reste...)

    4
    Dimanche 22 Août 2010 à 06:09
    paletuvier

    Et dire que pendant ce temps là, il y a des wannabes qui attendent avec impatience de se faire éditer

    5
    plume
    Jeudi 17 Novembre 2011 à 16:08
    plume

    "ou marc Levy un roman" dites-vous. Pour le premier, et dernier pour ma part, livre de cet auteur que j'ai lu, je suis entièrement d'accord. Mais pourquoi, pourquoi...en vend-il autant ? le pistonnage évident du début n'est pas une raison...

    6
    LNdeuxtrois
    Jeudi 17 Novembre 2011 à 16:08
    LNdeuxtrois

    LOL eructai-je telle une prépubère boutonneuse.

     

    Cela me rappelle Grasset à sa commande à Philippe Besson de "l'enfant d'octobre". Joli foutage de gueule pour le lecteur qui ne savait pas ce qu'il en était.

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