• J'envoie mon manuscrit par la Poste : la lettre d’accompagnement

    Un jeune ami à moi, fringuant chef de service dans une prestigieuse compagnie d’assurance, et heureux auteur d’un roman fraîchement sorti de son Macbook flambant neuf, m’a récemment demandé conseil sur cette fameuse lettre d’accompagnement jointe au manuscrit.

    Ma réponse a été la suivante (vous remarquerez au passage l’aisance avec laquelle je m’exprime à l’oral) :

    « Sachant que les lecteurs des maisons d’édition, dans la plupart des cas, ne passent que quelques minutes sur un manuscrit, vous pensez bien qu’ils ne vont pas, en plus, perdre leur temps à lire une longue tartine où le pauvre écrivain tente de démontrer tant bien que mal à quel point son roman est formidable, intéressant et novateur. Car si c’est le cas, le monsieur sera assez grand pour le découvrir par lui-même. Si ce n’est pas le cas, il réalisera très vite l’abîme qui sépare vos vantardises calligraphiées et la piteuse chose dactylographiée que vous lui soumettez. Ainsi vous vous couvrirez de ridicule, ce qui n’est jamais agréable, même à distance »

    A ces propos, mon jeune ami s’est longuement massé le menton tout en soulevant le sourcil droit, puis s’est exclamé : « Dans ce cas, inutile de joindre une lettre !»

    Eh bien ! Curieusement, si. Je sais que ça peut paraître curieux, voire un peu absurde, mais s’il n’y a pas de lettre, vous passerez pour un malpoli, un mal élevé, un arrogant pire que François Hollande : le manuscrit n’a pas encore été ouvert que vous êtes déjà mal barré.

    La solution : faire court, pour ne pas lasser. Une dizaine de lignes tout au plus, où vous pourrez bien mettre ce que vous voulez (voir explication plus haut) dès lors que le propos est sensé et cohérent.

    Erreurs à ne pas faire toutefois :

    -          Joindre un CV : ce serait catastrophique. Pensez-vous vraiment que votre CDD de 6 mois en tant que manutentionnaire au Carrefour de Pithiviers puisse intéresser un éditeur ? Ou que votre pratique de l’anglais, se situant à un « niveau scolaire » éveille en lui une quelconque étincelle d’intérêt ? Va-t-il être fasciné d’apprendre que durant vos heures perdues vous n’aimez rien tant que de taquiner le goujon en bord de Seine ?
    La vérité est que tout le monde se fiche de votre cursus professionnel, ce qui compte, c’est l’écrit.

    -          Joindre une photo : tout le monde se moque de savoir à quoi vous ressemblez. Et pour celles et ceux qui pourraient être éventuellement tentés de jouer sur leurs charmes naturels en glissant dans l’enveloppe une illustration avantageuse de leur anatomie, sachez que pour être édité, il n’existe pas de « promotion canapé ». Car, après quelques moments de félicité bien vite passés, devinez qui devrait se farcir les invendus de « Mes vacances dans le Cotentin » ?

    -          La liste des refus essuyés chez les éditeurs concurrents : si le but est d’attendrir, oubliez tout de suite : la pitié ne marche jamais en affaire. Et puis franchement, c’est un peu comme si un cuisinier en recherche d’emploi envoyait aux recruteurs la liste des clients qu’il a précédemment empoisonnés.

    -          Un synopsis : c’est une idée très à la mode chez les auteurs en devenir. Mais dans quel cerveau atrophié a-t-elle bien pu germer, je l’ignore. De grâce, ne confondons pas roman et scénario ! Depuis quand une histoire résumée sur quelques lignes peut laisser présager d’une écriture, d’un style, d’un souffle, d’une originalité ? Imaginez Marcel Proust envoyant le synopsis de A la recherche du temps perdu : « Le jeune Marcel se souvient de son enfance avec nostalgie. Une fois adulte, il fréquente des salons, rencontre des gens variés. Des histoires d’amour se nouent, parfois ». Et pourquoi pas un « pitch », pendant qu’on y est ?

    -          Deux bons de réduction pour Euro Disney : on n’achète pas un éditeur.

    -          Des menaces à peine voilées : un éditeur n’a peur de rien.

     

    J'envoie mon manuscrit par la Poste : la lettre d’accompagnement

    Et soignez votre écriture, pas comme ce cochon de Marcel.

    Partager via Gmail Yahoo!

  • Commentaires

    1
    Bertine Orwell
    Mercredi 1er Février 2012 à 09:31

    Bon, c'est décidé, je n'écris pas de roman et j'envoie juste une lettre aux éditeurs ...

    2
    Naoki38
    Jeudi 2 Février 2012 à 16:20

    Je commence dès à présent la mise en propre de la lettre jointe en illustration. Son contenu m'interpelle. Je reviens dans une dizaine de jours une fois terminé.

    3
    Samedi 18 Février 2012 à 12:24

    Oui, mais Marcel... ça a fini par marcher !!!

    Bon, en gros : on ne dit rien... tout au plus remercie-t-on de bien vouloir lire le bouquin... on est cordial (mais pas trop : on n'est pas pote avec le lecteur ), on reste concis (histoire de ne pas lui flanquer la frousse avec des phrases à la Proust), on est dynamique (les auteurs maudits ne font plus d'effet...)

    ... Mais... c'est tout moi, ça !!! Ah moi les cascades de "oui", les rivières de contrats ! (on peut rêver ? ça c'est permis !)

    4
    Samedi 18 Février 2012 à 12:26

    Heu... et on SE RELIT... on évite les fautes : "*à moi, les cascades...."

    5
    Dimanche 19 Février 2012 à 14:25

    Est-ce qu'on parle de ses précédents best-sellers? Les chiffres de vente et tutti quanti?

    6
    Lundi 20 Février 2012 à 16:29

    Franswa, si vous êtres déjà l'heureux auteur d'une impressionnante liste de best sellers, une simple photo dédicacée de vous fera largement l'affaire !

    7
    Lundi 20 Février 2012 à 16:30

    Cécile, vous avez tout compris ! Prévenez-nous dès que vous avez signé le contrat !

    8
    Lundi 20 Février 2012 à 18:26

    Justement, la photo, en noir et blanc ou en couleurs?


    Plus sérieusement, doit-on évoquer ses précédents ouvrages chez un micro-éditeur par exemple?


    J'imagine que si on a vendu 12 exemplaires, pas besoin de le dire. Mais la question c'est à partir de combien ça peut nous servir d'en parler (100, 200, 500, 1000!)?  A quel point ça peut encourager un éditeur à s'intéresser au manuscrit?

    9
    Lundi 20 Février 2012 à 19:46

    Franswa, à moins d'avoir vendu quelques dizaines de milliers de vos précédents ouvrages - auquel cas vous êtes déjà connu, quoi qu'il arrive - inutile de spécifier votre précédente production. En aucun cas cela ne peut jouer en votre faveur, au contraire. En fait, l'éditeur (consciencieux) s'intéressera avant tout à votre manuscrit, pas vraiment à votre carte de visite (sauf bien sûr si vous bénéficiez d'un "visibilité médiatique" déjà établie, du genre "j'ai participé à Secret story 24" !).
    Hélas, je ne plaisante pas... 

    10
    Lundi 20 Février 2012 à 21:47

    D'accord, message reçu! Le petit monde littéraire est donc décidemment une exception!


    Sur le principe je suis d'accord, le manuscrit doit être roi... mais de là à ne rencontrer que des éditeurs consciencieux!

    11
    Martien delbavard
    Mardi 21 Février 2012 à 01:07

    Voilà qui tombe à merveille, car je suis justement en plein processus de harcèlement des éditeurs. Hélas je n'ai guère eu de chance jusqu'ici: l'un s'est récemment étouffé après avoir mangé mon manuscrit (meurtre ou suicide, on ne sait pas trop) tandis que les plus coriaces me filent entre les doigts, l'un arguant d'une dépression nerveuse pour me renvoyer lâchement mon travail, l'autre prenant prétexte d'une diarrhée cataclysmique pour réserver à mes feuillets l'usage le moins noble. "Pitié, nooooon!" lisais-je hier d'un de ces pusillanimes imprimeurs, sans nul doute effarouché par les fulgurances de mon universel génie.

    Mais vous vous êtes, je crois, précedemment fendu d'un article laudateur à mon sujet. Aussi est-ce à vous que je m'adresse, cher Aloysius, ami des arts et mécène prodigue, pour publier à vos frais mon incommensurable chef-d'oeuvre, lequel ne saurait rester inédit sans compromettre gravement la littérature mondiale. Un chef-d'oeuvre dont je dévoile ici, devant vos yeux ébahis, un extrait virtuose:

    "En ces aubes bleuâtres, décaties et vermoulues où je croupissais, ruminant ma fange sans la rendre, la délivrance divine fulgurait parfois en mon sein. Dans mes transverses ténèbres croissaient psalliotes, lycoperdons et clitocybes, polypes coeliaques et vénéneux développant rondeurs molles et oaristys borborygmiques au milieu des délétères diverticules et des miasmatiques fistules. Mais jéjunum circonvolu et iléon révoluté rivalisaient d'héroïsme et bientôt l'excrétion avait lieu, splendide production d'un organisme artiste des os iliaques au métatarse."

    Où je parle, si besoin est d'éclairer davantage cette prose lumineuse où Proust est dépassé, de mes difficiles défécations matinales.

    Inclinez-vous donc devant le flambeau, médiocres! Et admirez votre Dieu...

    12
    Mercredi 22 Février 2012 à 09:04

    Cher Martien, on a envie d'en savoir plus sur votre chef-d'oeuvre. Quel en ets le pitch ? Y trouve-t-on quelques moment olé-olé qui pourrait attirer le chaland et faire monter les ventes ?

    13
    Martien delbavard
    Jeudi 23 Février 2012 à 18:19

    Un pitch? Martien Delbavard, un pitch? Allons, ne concédons rien à la médiocrité contemporaine qui se contente petitement de raconter des histoires qui tiennent debout. Non, mon formidable chef-d'oeuvre est soutenu par le style, et rien que par le style. Le mien consistant à dire le moins avec le maximum de mots, si possible des mots rares hérissés de x et de y. Le contre-pied de la concision et de la précision en somme. C'est en cela que je suis un révolutionnaire.

    N'en doutez plus, cher Aloysius, vous misez sur le bon cheval, et même sur un fier étalon, si je puis me permettre cette métaphore un peu leste.

    14
    Johan M
    Jeudi 23 Février 2012 à 19:20

     

    La lettre de motivation doit contenir 10 lignes. Mais c’est énorme !

     

     

     

    Je peux vous écrire des romans de 300 pages, mais je HAIS les lettres de motivation.

     

     

     

    Enfin, je vais essayer…

     

     

     

    Madame, Monsieur

     

     

     

    J’ai le plaisir de vous faire partager TITRE (pour les lecteurs de ce blog : ce n’est pas le titre de mon roman), mon dernier roman.

     

     

     

    En vous souhaitant une excellente lecture.

     

     

     

    Cordialement

     

     

     

    SIGNATURE (pour les lecteurs de ce blog : il ne s’agit pas de mon nom)

     

     

     

    Oui, mais ça fait pas 10 lignes.

     

     

    Je dois envoyer une lettre manuscrite ou compuscrite (je déteste écrire au stylo) ?


    Sérieux, je ne sais vraiment pas quoi écrire sur cette ******** (grossièreté autocensurée) lettre.

    15
    Vendredi 24 Février 2012 à 11:09

    Cher Johan, l'exemple que vous citez me paraît convenir parfaitement : sobre, sans détour. Pourquoi en faire plus ?

    16
    Vendredi 24 Février 2012 à 11:11

    Cher Martien, vous m'avez convaincu ! Envoyez-moi votre chef d'oeuvre, je vous envoie en retour les contrats (mirobolants) en pdf !

    Vite vite, petite ligne ADSL : la fortune n'attend pas !

    17
    tigrouxx
    Samedi 4 Avril 2015 à 14:35

    n'écotez pas ce type qui prétend tout savoir sur lemonde de l'edition, il a tord. Bien sur que si, un synopsis est néccessaire, pas tojours, mais souvent, et cela à la demande des éditeurs, justement. Quant au CV, figurez-vous que par exemple, Odile Jacobe, ledemandez lors des envois de manuscrit.  Idem, pour la lettre d'accompagnement, pour certains éditeurs, cela est un plus, pour d'autre ce n'est pas indispensable... à bon entendeurs, salut!

    18
    Mardi 7 Avril 2015 à 15:53

    Salut !

    Suivre le flux RSS des commentaires


    Ajouter un commentaire

    Nom / Pseudo :

    E-mail (facultatif) :

    Site Web (facultatif) :

    Commentaire :