• Lancement en fanfare de « Comment devenir un brillant écrivain… »

    Samedi après-midi, je me suis rendu à la grande librairie parisienne « Gibert Jeune » afin de constater si mon opuscule s’y trouvait en bonne place (ou plus modestement, s’il s’y trouvait tout court).
    Pour l’occasion, je m’étais adjoint la présence rassurante – quoique parfois un peu encombrante -de mon frère Théophraste (il faudra un jour que je vous parle de lui plus en détail).

     

    Ainsi flanqué de cet incomparable soutien, j’explorais un par un les rayons, l’œil aux aguets, la narine frémissante, mais toujours emprunt de cette dignité dont Victor Hugo en exil a fait sa marque de fabrique lorsqu’il posait seul, cheveux aux vents et regard perdu sur son rocher de Guernesey. On ne pouvait hélas pas en dire autant de Théophraste qui exsudait de tout son être une euphorie brouillonne et tapageuse frisant la camisole de force, soulevant chaque pile de livre avec une précipitation hystérique comme un enfant excité soulèverait un par un les galets de la plage à la recherche d’un hypothétique crustacé, ponctuant chacune de ses déceptions (et elles furent nombreuses) d’un cri déchirant et lugubre. Résultat, nous fûmes assez rapidement pris en filature par deux vigiles au physique imposant qui nous observaient de loin, les sourcils froncés, tout en chuchotant dans leur talkie-walkie avec des airs de conspirateurs tchétchènes.
    A l’issue d’une longue quête qui serait tout à fait fatigante de narrer ici, nous finîmes toutefois par atteindre le Saint Graal, que les employés de la maison avaient modestement disposé sur une table émanant de toute évidence d’un magasin d’origine suédoise bien connu. Le livre était bien là, en cinq exemplaires, occupant un angle et menaçant à chaque instant de tomber dans le vide sous la pression des autres opuscules peuplant tant bien que mal le même espace confiné. En contemplant ce désolant spectacle, je ne pus m’empêcher de penser au « Radeau de la Méduse » et je me dis in petto, tout en massant pensivement ma barbe auguste, que l’affaire n’était pas gagnée.
    C’est alors que Théophraste, qui se pique d’être un commercial de génie, tout ça parce qu’il a vendu pendant 3 semaines des chaussettes sur un marché de banlieue, m’empoigna par les épaules et entreprit de me crachoter dans les oreilles l’idée qui venait de traverser son esprit embrumé. Voilà, me dit-il en substance, il suffit de se poster à côté de la table, et de faire semblant de lire un exemplaire du livre tout en riant à gorge déployée. Cet habile stratagème* ne manquerait pas, selon lui, de piquer la curiosité du chaland qui dès lors n’aurait de cesse de s’emparer du chef-d’œuvre ainsi mis en lumière et de courir à la caisse ventre à terre. Théophraste était visiblement très satisfait de son idée, comme en témoignaient la suractivité globulaire de ses yeux et le mince filet de salive qui s’écoulait de chaque côté de sa bouche purpurine. Je m’empressai toutefois de tempérer son ardeur en émettant quelques réserves sur l’efficacité du projet, dont « à la louche » j’évaluai les chances de réussite à un peu moins d’une sur un million. Tandis qu’il se lamentait bruyamment de mon manque d’enthousiasme sous l’œil de plus en plus soupçonneux des deux vigiles, j’entrevis un quidam qui baguenaudait autour de la sainte table, puis qui contre toute attente s’empara de mon livre et s’abîma aussitôt dans la lecture de la quatrième de couverture. Au bout de moins de temps qu’il n’en faut à une Ferrari pour parcourir un cent mètres, il reposa l’objet d’un air carrément dédaigneux et poursuivi son chemin au milieu des rayons, la mine goguenarde et le pas innocent. C’en fut évidemment trop pour Théophraste dont l’émotivité de demoiselle combinée à une capacité de pondération comparable à celle du taureau débouche parfois sur des réactions inconsidérées. Après avoir pris un élan raisonnable, il sauta sur notre infortuné ami, le plaqua au sol et commença à lui marteler le crâne de ses deux poings velus. C’est précisément le moment que choisirent les vigiles pour intervenir. Hurlements, tables renversées, os qui craquent sinistrement, femmes enceintes qui s’évanouissent : la suite de l’histoire s’avère un peu confuse à narrer. J’imagine qu’entre-temps le directeur du magasin, soucieux de la bonne tenue de son établissement avait alerté les forces de l’ordre puisqu’une cohorte de cerbères uniformisés a rapidement fait irruption sur les lieux du chaos avant que de s’emparer sans la moindre délicatesse de nos personnes pour nous déposer lourdement dans une fourgonnette garée en bas du boulevard.

     

    Nous passâmes donc, mon frère et moi, le reste de la journée et toute la nuit au commissariat du Vème, dans une sorte de cellule dépourvue du confort le plus élémentaire mais en contrepartie plaisamment fréquentée. Nous fîmes ainsi la connaissance de Gustave, un homme charmant quoiqu’un peu négligé et dont le dernier moment de lucidité devait remonter à l’élection de René Coty. Il y avait également Madame Gisèle, une femme d’un certain âge dont la contemplation du maquillage nécessitait le port de lunettes de ski, avec laquelle nous avons longuement disserté sur l’affaire des surprimes américaines et de sa désastreuse influence sur l’économie mondiale.

     

     En résumé, j’ai passé un excellent week-end.

     

    Pour ce qui est des ventes du livre, j’ai appris de source sûre que Stéphane Lavaud s’en était procuré un exemplaire. J’ignore toutefois s’il l’a payé ou plus simplement volé. Mais qu’importe, c’est un excellent départ.

     
     
     
     

    * private joke

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    Le celèbre magasin est depuis ce week-end fermé pour rénovation.
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  • Commentaires

    1
    Mercredi 9 Janvier 2008 à 16:24
    titeplume
    Bien bonne année à vous !! Bien contente de voir qu'encore, vous allez nous régalez de vos bons mots. Dites-moi cher Monsieur, et si on veut l'acheter ce bouquin, on s'adresse où?? Je me permet de voler votre adresse pour mettre un lien sur mon blog... vous n'y voyez pas d'inconvénients j'espère? Au grand plaisir de vous lire à nouveau...
    2
    Mercredi 9 Janvier 2008 à 16:35
    Blairaude A
    Bon je vais regarder dans la librairie la plus proche de chez moi si je vois ce chef d'oeuvre, et promis je vais rire à gorge déployée pour attirer le lecteur.
    3
    Mercredi 9 Janvier 2008 à 20:26
    stef
    Comment? Vous ne m'avez pas reconnu? C'était moi, Stephane Lavaud, le fameux quidam qui s'est emparé quelques instants de votre ouvrage. J'étais là pour en voler un autre exemplaire afin d'obliger Gibert Jeune à le recommander. Si on le vole, c'est qu'il est bien et s'il est bien, il faut avoir un grand stock. Voyant les deux vigiles qui vous suivaient, j'ai préféré la jouer discret et m'éloigner en sifflotant, l'air de rien. C'était sans l'intervention de votre frere... Sérieusement, loin de moi l'idée d'offenser vos géniteurs mais franchement, "Théophraste", c'est quoi ce nom? Même dans les livres de S.F, personne ne possède un tel patronyme.
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    4
    Jeudi 10 Janvier 2008 à 20:31
    arpenteur
    Voilà en effet un week-end tout à fait intéressant. Du Jeune Gilbert à la Vieille Gisèle, quel périple...
    5
    Seb
    Vendredi 11 Janvier 2008 à 07:21
    Seb
    Quel "habile statagème" commercial, cette nuit au violon. Tout de suite, ça donne un petit air d'écrivain sulfureux qui attire les foules. Et puis, ça laisse le temps de faire de la réclame auprès des compagnons d'infortune. Gisèle et Gustave ont sûrement foncé chez Gibert dès qu'ils en sont sortis. Il n'y a donc qu'une chose à dire : "Merci Théophraste".
    6
    Mardi 15 Janvier 2008 à 23:44
    Patricia P.
    Oui, brillant, cher Aloysius! Que voilà un sens du marketing remarquable! Houellebecq est enfoncé! Bonne chance et au plaisir de lire votre plume caustique!
    7
    Mercredi 16 Janvier 2008 à 10:55
    Don Lo
    A des gens qui se demandaient sur un foum si le livre était aussi drôle que le blog, j'ai répondu que ce n'est pas possible car vous n'auriez pas l'outrecuidance de nous servir en papier du bête copier/coller. J'ai bien fait ?
    8
    Mercredi 16 Janvier 2008 à 17:31
    Bon_sens
    Très drôle... Je ne le volerai pas, je l'achèterai. Je me demande bien et ce très sérieusement comment s'est passé le démarrage des ventes ?
    9
    Jeudi 17 Janvier 2008 à 18:33
    Don Lo
    Désolé pour le retard de cette réponse, Cher Aloysius, mais après tout mon roman à moi aussi sort en librairie demain (Aria des Brumes, le saviez-vous ? la dispensable pub est ici : http://lorenjy.wordpress.com) Donc le forum de joyeux lurons littéraires s'appelle "A vos plumes", et se situe ici : http://avosplumes.xooit.com/index.php On parle de vous dans la rubrique "tout et rien" (ce qui vaut mieux que "rien tout court") Bon succès à vous, et à moi, y a pas de raison !
    10
    Dimanche 20 Janvier 2008 à 20:55
    Daniel Fattore
    L'ouvrage figure en bonne place sur les rayonnages de la FNAC de Fribourg, en Suisse. Je ne l'ai pas (encore) volé, y'a des contrôles.
    11
    Vendredi 25 Janvier 2008 à 21:52
    Daniel Fattore
    Vous avez de la PRESSE: La Liberté, journal de Fribourg, vient de consacrer un article à votre livre (et accessoirement à votre site) dans sa page Jeunes. Donc si votre éditeur vous annonce que vous avez un petit pic de popularité en Suisse, vous saurez pourquoi.
    12
    Dimanche 10 Février 2008 à 10:29
    bouklifa
    bonjour a vous toute cette histoire ça peu faire l'objet d'un roman c'est vraiment bien raconté pour le magasin fermé pourquoi alors avoir laissé votre livre a l'intérieur il fallait le vendre a l'extérieur a partir d'aujourd'hui dimanche bonne continuation a +
    13
    Lundi 11 Février 2008 à 22:30
    socrate
    Franchement, ce devait être un beau week end car, chacun sait que la cellule est un haut lieu de méditation. La prochaine fois, Aloysius, il faudra y aller seul. C'est beaucoup plus enrichissant. Ceci dit, je lis ton bouquin. Intéressant. Par certains aspects il me rappelle "Ecrire" de Jean Guenot.
    14
    any
    Jeudi 17 Novembre 2011 à 16:09
    any
    Ayant découvert il y a seulement quelques jours votre existence et votre site dont le contenu mais aussi celui des liens m'a bien fait marrer, j'étais ravie d'apprendre que vous aviez publié une méthode originale et pleine d'humour pour apprenti-écrivain. J'ai commandé immédiatement votre livre en étant sûre de me régaler. Las, au lieu de la terre promise, je découvre un ouvrage très "light" malgré le nombre imposant de pages car la fonte est grosse et les interlignes importants; ainsi que des commentaires se voulant très drôles mais se révélant seulement caricaturaux ou même franchement injurieux envers une certaine catégorie de gens dont je n'ai aucune honte à dire que je fais partie, mais mon discours aurait été le même si ce n'avait pas été le cas. Je n'ai lu pour l'instant que quelques pages, mais je ne suis pas sûre d'aller jusqu'à la fin et je songe déjà à le revendre. Quelle déception. Au fait, il y a une faute d'orthographe dans votre page.
    15
    Line
    Jeudi 17 Novembre 2011 à 16:09
    Line
    Bonjour Aloysius Chabossot, Sur le programme des dédicaces du Salon du Livre 2008, vous êtes inscrit le 16 mars à 17h00. Cette information est-elle exacte ? Par ailleurs, j'ai comme l'impression que votre ouvrage se vend bien, à plusieurs reprises le site Amazon a affiché "plus que x exemplaires (réapprovisionnement en cours)". Félicitations, je vous souhaite un succès bien mérité (je suis à ma 2ème lecture de votre livre, la 1ère fois je l'ai dévoré d'une seule traite, cette fois j'en fais un support de méditation, pour en extirper la quintessence) Bon après-midi, Line
    16
    Line
    Jeudi 17 Novembre 2011 à 16:09
    Line
    Votre livre est très agréable à lire ; le partage de votre expérience engendre de nombreuses réflexions chez le lecteur et s'il s'agit de personnes ignorant tout du "monde de l'édition", les voilà désormais munies d'un bagage qui ne peut être considéré comme une invitation au voyage : vous incitez au réalisme plutôt qu'au rêve, avec un humour léger et délicat. Vous n'évoquez pas le cas des écrivains portés à l'introspection, vivant entourés de bibliothèques remplies d'ouvrages d'auteurs anciens, lus et relus, préférant la lecture aux mondanités ? Pour avoir su concrétiser la publication du thème de votre blog : bravo ! Tous mes voeux à votre nouveau-né et bonne continuation sur votre site. Très cordialement.
    17
    salamone giuseppe
    Jeudi 17 Novembre 2011 à 16:09
    salamone giuseppe
    J'ai oublié, bonne après-midi M Chabossot, et bonne réussite pour votre livre.
    18
    salamone giuseppe
    Jeudi 17 Novembre 2011 à 16:09
    salamone giuseppe
    Est-ce un bien ou est-ce un mal qui va me tordre ces envies celébrissimes, de pouvoir me confronter aux pages romanesques. A la narration sans faille. Au plaisir de donner au lecteur cette dose boulimique et indiscutable d'émotions qui le poussera à vouloir nous connaître, à nous toucher. Pour mieux qu'il décelle en nous et en lui même, la nature profonde de ce que nous sommes réellement. Si je pouvais et sans a priori ou d'état d'âme, définir la part de célébrité humaine que cache chacun de nous, je la symboliserais linéaire et futile comme les rêves. La hargne de devenir célébre et comme un brin de folie qui s"empare de nos bons et mauvais caprices. Beaucoup de chance et de ténacité doivent nous habiter, pour faire face à toutes les tempêtes que les individus déclenchent, pour mieux vivre, pour mieux disent-ils mourir. Basta, basta non so piu cosa dico. Basta! j'ai commandé votre livre j'espère découvrir en lui un peu plus de talent, un peu plus de remède qui me guideront à paraître moins illettré que je ne le suis.
    19
    Sonkoy
    Jeudi 17 Novembre 2011 à 16:09
    Sonkoy
    C'est excellent ... Merci à vous Aloysius. Quel bon moment, j'ai passé à lire ce petit extrait, du pur caviar. Je vais de ce pas m'empresser d'aller acheter cet or noir, qui à n'en pas douter sera beaucoup moins coûteux, que celui qui fanfaronne encore dans les rayons de nos supermarchés, malgré les fêtes terminées.
    20
    Gregory Jeckelmann
    Jeudi 17 Novembre 2011 à 16:09
    Gregory Jeckelmann
    Bonjour à tous et spécialement à Monsieur Chabossot. Je ne me suis jamais manifesté, mais cela fait un bail que je me connecte régulièrement sur ce site pour voir si une mise à jour a été faite. Et qu'elle n'a pas été ma surprise lorsque mon libraire FNAC attitré m'a conseillé un livre intéressant et j'ai tout de suite tilté. ALOYSIUS CHABOSSOT! N'arrivant pas à contenir ma joie, je dévore ce livre en un week-end et harcèle mon responsable de la Page Jeune (1 page tous les vendredis dans La Liberté, journal de Fribourg) pour qu'il case l'article que je me suis empressé d'écrire. Mon insistance a porté ses fruits et l'article dont parle Daniel Fattore (commentaire ci-dessous) a paru. Je doute par contre qu'une croissance considérable des ventes soient de mon fait. Vous ne le devriez qu'à votre talent dont je ne suis que l'humble messager. J'espère que vous avez eu l'occasion de lire mon article et que celui-ci vous a plu. Au plaisir de vous lire, Gregory
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