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Par Aloysius-Chabossot le 5 Avril 2010 à 15:55
Je reprends donc mon analyse, là où je l’avais laissée.
J'me balade dans les grandes surfaces
J'ai pas assez mais faut payerSoit un Damien Saez se baladant dans une grande surface. Pris d’une soudaine fringale, il s’empare d’un paquet de barquettes « Trois châtons » et d’une canette de Coca-cola « Zéro », pour un total de 2,20 euros. Sachant que notre imprévoyant chanteur ne possède en tout et pour tout au fond de ses poches que 95 centimes d’euros, pourra-t-il franchir les caisses sans provoquer le courroux des vigiles ? Sa détermination à payer – et ce malgré un manque de liquidité avéré -suffira-t-elle à amadouer les cerbères à la solde de la grande distribution ? Vous argumenterez vos réponses, et poserez les opérations qui vous auront menées à votre conclusion.
Je cours au gré des accessoires
Et des conneries illimitéesSi, au hasard d’une de vos pérégrinations en grande surface, vous tombez sur un type courant à perdre haleine au rayon « Conneries illimitées », ne vous inquiétez pas davantage, il s’agit tout simplement de Damien Saez qui fait ses courses. Si vous êtes d’un naturel bienveillant, vous pouvez éventuellement lui refiler en douce quelques centimes d’euros afin qu’il puisse enfin assouvir son envie de barquettes trois chatons sans risquer la correctionnelle. Mais il n’est pas certain qu’il accepte votre aumône : Damien est un rebelle.
Les gens parlent mal les gens sont consLà encore, ma grand-mère aurait été en parfaite communion d’esprit avec notre poète, du moins en ce qui concerne la première partie de son assertion. Pour ce qui est de la seconde, elle se serait probablement abstenue, de peur de se retrouver en flagrant délit de contradiction avec la première. Mais ma grand-mère n’a jamais rien compris à la poésie.
Cela dit, Damien se montre très courageux, car « les gens », ça fait tout de même beaucoup de monde si on y réfléchit bien. D’autant qu’à la réflexion, il semblerait, selon toute logique, que ce vaste groupe d’individus englobe de fait tous les fans de Damien. Et même…même… NON !!!!
Au moins tout aussi con que moiSI !!!! Damien en personne ! Non seulement notre irascible ménestrel se positionne ouvertement dans le camp des cons, mais en plus, il se place à leur tête, en se définissant, dans une sorte d’éclair de lucidité autocritique, comme leur mètre-étalon à tous. Toutefois, dans un accès de pudeur et de modestie mélangées, il ne s’autorise pas à s’en proclamer le roi.
A se faire mettre à s'faire baiserJe connais mon Damien, quand il commence à utiliser un langage cru faisant explicitement référence au sexe, c’est qu’il est très en colère
Sûr à s'faire enfanter
Des bébés par des hologrammesOn comprend mieux son irritation : il est bien gentil, cet hologramme, mais est-ce lui qui va payer les frais d’accouchement ? (Rappelons que Damien n’a que 95 centimes d’euro en poche).
Des mots d'amour par satelliteUne fois j’ai reçu un mot d’amour par satellite, mais après vérification je me suis rendu compte qu’il s’agissait de Raël me proposant d’entrer dans sa secte moyennant une ponction mensuelle de 99% de mon salaire. J’ai refusé, il parait que la cantine n’est pas terrible, et les chambres sont sales.
Mais ces connards ils savent pas lireSouvenez-vous : les gens sont cons. Or les connards ne savent pas lire. Donc les gens ne savent pas lire. Damien étant un gens, il ne sait pas lire. Et s’il ne sait pas lire, il ne sait pas écrire non plus. Mais ça, on l’avait déjà compris depuis longtemps.
Ils savent même pas se nourrir
Des OGM dans les biberons
Ouais c'est tant mieux ça fera moins con
Quand ils crèveront en mutation
Des grippes porcines sur des cochonsDamien met ici le doigt (ou toute autre partie un tant soit peu oblongue de son anatomie) sur un sujet important : la mal bouffe. Tel un Jean-Pierre Coffe sous cocaïne, il dénonce avec rage l’enchaînement macabre qui nous conduit tous au néant en passant par d’abominables souffrances : au début, inconscient qu’on est, on met des OGM dans notre biberon, et on se retrouve quelque temps plus tard avec une bonne grippe porcine de derrière les fagots. Pour ma part, une telle perspective me glace les sangs, et me donne envie d’arrêter le biberon dès aujourd’hui. . Heureusement, Damien panse nos plaies par anticipation en nous assurant que le moment venu, « ça fera moins con ». Bon, je n’ai pas tout compris, mais peut importe après tout : il ne faut jamais cracher sur une occasion de faire moins con, surtout lorsque c’est Damien qui propose.
Oh non l'homme descend pas du singe
Il descend plutôt du mouton
Oh non l'homme descend pas du singe
Il descend plutôt du moutonOui, vous avez bien lu (ne dites pas le contraire, ça serait vraiment faire preuve de mauvaise volonté vu que c’est écrit deux fois). Damien glisse négligemment au détour de sa chanson une révélation qui va révolutionner toute l’histoire de l’humanité, pas moins. Fruit de longues années de recherches en laboratoire, notre chanteur est en mesure de nous révéler les véritables origines de l’homme. Et soudain, la vérité nous apparaît, aveuglante dans toute son éclatante évidence : Les preuves d’un coup se bousculent, innombrables : Ne dit-on pas : frisé comme un mouton ? Et n’a-t-on pas, tout comme nos ancêtres bovidés, des ongles ? Ne nous exclamons-nous pas face à une évidence par trop avérée : « Bééééé oui ! » ?
Il parait qu'il faut virer les profs
Oui, pourquoi ça serait toujours aux élèves de se faire virer ?
Et puis les travailleurs sociaux
Les fonctionnaires qui servent à rien
Les infirmières à 1000 euros
Faut qu'ça rapporte aux actionnaires
La santé et les hôpitauxDamien président !
Va t'faire soigner en Angleterre
Va voir la gueule de leur métroEt pour ma part j’ajouterai : va te faire soigner dans le métro en Angleterre, et là, tu vas comprendre.
Faut qu'on se fasse une raison
On a loupé nos transactionsLà, j’avoue encore que, malgré trois nuits de chatroulette intensif (et une rencontre avec un Darth Vador exhibitionniste affublé d’un sabre laser incrusté à même le corps), je n’ai pas bien compris le sens de ces vers.
On s'est laissé prendre le cul
Par nos besoins nos religionsLà, éventuellement, on pourrait probablement trouver un début de sens, s’il n’y avait la présence de ce « cul », sans doute là pour assurer la rime avec « religion ».
Il faut foutre les portables aux chiottes
Et des coups d'pioche dans la téléOui, mais pas tous en même temps, sinon ça va tout boucher, et alors là on sera drôlement embêté, vu qu’on pourra même plus appeler le plombier. Pour la télé, vu que tout le monde ne dispose pas d’une pioche à portée de main, pourquoi ne pas la casser en lui donnant de violent coup de portable ? On ferait ainsi d’une pierre deux coups, et on éviterait les problèmes de canalisation.
Faut mettre les menottes
A chaque présentateur du JTC’est une belle idée, mais qui reste hélas symbolique, vu qu’aujourd’hui, les présentateurs du JT ne tournent plus les pages avec leurs mains, ils ont un prompteur. Cela dit, vu qu’une ligne plus haut on a tous cassé nos télés, les présentateurs peuvent bien présenter leur journal avec un cabillaud coincé entre les fesses, on s’en fiche pas mal.
J'accuse !
Au mégaphone dans l'assemblée
J'accuse ! J'accuse ! J'accuse !
Au mégaphone dans l'assembléeDonc Damien accuse, mais pas n’importe où : dans un endroit hautement stratégique, là où il faut si bon vivre, le mercredi après-midi, après un bon gueuleton bien arrosé, lorsque l’esprit de nos députés s’avachit mollement entre les vapeurs d’alcool et les remugles d’entrecôte sauce marchand de vin.
Dommage, si je n’avais pas tout récemment cassé ma télé à coup de portable, j’aurai guetté son apparition sur la Chaine parlementaire.
"J'accuse", c'est "l'homme pressé" de Noir désir en moins bien avec
des paroles pourries chantées par une chèvre qui aurait le nez bouché"
Un fan
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Par Aloysius-Chabossot le 1 Août 2008 à 10:08Vous êtes des milliers chaque jour à me demander de réintégrer sur ce blog deux chansons qui avaient fait il y a quelques mois de cela une rapide apparition dans le "Blog-it Express".
Ayant reçu, au milieu des supplications quelques menaces de morts, et n'étant pas d'un naturel très courageux, j'ai donc décidé d'accéder à la demande générale.
Nous avons tout d'abord Jean Dupont avec "Titi reviens".Qui est Jean Dupont ? J'ai tenté de mener ma petite enquête, et je suis allé sur les pages blanches. Il en existe 37 à Paris. Peut-être que notre Jean est un de ceux-là ? Peut-être qu'il s'agit d'un pseudo ? ("Jean Dupont" est l'exemple de recherche donné par les pages blanches...). Bref, le mystère reste entier...
En attendant, il reste son chef-d'oeuvre, "Titi reviens" charge virulente et acide contre la société de consommation qui marquera d'une pierre blanche la chanson française dès que tout le monde l'aura au moins entendue une fois.
Ensuite, Urbanus, jeune belge barbu, nous propose une balade buccolique avec sa fiancée, qui finira hélas tragiquement (la balade et la fiancée). En ce qui concerne l'accompagnement musical, on est dans la lignée des grands slows de l'été haut-de-gamme, comme "Hôtel California", "Capri, c'est fini" ou "les roses blanches".
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Par Aloysius-Chabossot le 21 Juillet 2008 à 14:31Dans la série « Ecrire de la littérature de qualité en s’inspirant des grands textes fondateurs de la variété française», nous allons aujourd’hui tout particulièrement nous pencher sur le délicat problème de la concision. En effet, quel écrivain en devenir n’a pas rêvé de produire un jour, en lieu et place de sa logorrhée habituelle, des phrases simples, carrées, dépourvues de fioritures et qui vont directement au but ? Qui n’a pas un instant caressé le doux rêve de devenir le Ernest Hemingway breton, le Raymond Carver picard ou le James Cain ariégeois (en fonction de son lieu d’habitation) ?
Oui, mais comment procéder ?
Ca n'a pas l'air facile, on dirait.
Heureusement, Jean -François Maurice est là.
En guise de démonstration, et dans un premier temps, nous vous présentons ci-dessous une histoire toute simple, telle qu'elle serait probablement racontée par un auteur en devenir plus ou moins débutant.
Quand je coupe le moteur , le thermo de la Laguna affiche ses 55° au compteur. Ca doit faire à l'aise du 28 degrés à l'ombre, ça. Une heure ! Une heure qu'on a tourné comme des mouches dans cette putain de principauté monégasque rien que pour trouver une place. Un caprice d'Agnès, encore. "Allez, on va à Monaco, parait que c'est trop beau, le rocher, les immeubles, la plage !"
En descendant vers la mer, nos tongs fondent à moitié sur le bitume tellement le soleil cogne sans distinction. C'est trop ! Sur la plage, on voit même pas le sable tellement il y a de serviettes avec des corps luisants de toutes les formes couchés dessus, des parasols bigarrés qui font au loin comme des boutons sur une peau pas saine. Je regarde Agnès avec mon air de coker. "Allez c'est pas grave, on est seuls au monde puisqu'on s'aime, tous les deux !". Je m'accroche à cette idée de toutes mes forces en marchant comme un funambule entre les serviettes, au milieu des râleries de ceux qui étaient là avant... Plus de place ! C'est complet ! Comme le métro aux bonnes heures, quoi.
On finit par trouver un lopin de sable ridicule où on s'échoue, pauvres naufragés à bout de force. Je m'étale sur ma serviette chichement déployée et ma tête va se coller aux pieds d'un gros allemand écrevisse juste derrière moi. Je jette un oeil à Agnès, elle ferme un peu les yeux, le soleil est si haut. Elle est drôlement appétissante avec son petit maillot de bain acheté en solde chez Etam. J'oublie toutes les paires d'yeux qui doivent nous mater à ce moment précis et je caresse ses jambes... On dirait que mes mains brûlent sa peau, ça fait bizarre... Je dis : "Agnès, Agnès..." mais elle me coupe en posant son index sur ma bouche puis elle me sort "Ne dis rien, embrasse-moi quand tu voudras, je suis bien, l'amour est à côté de toi". Je sais pas trop ce qu'elle veut dire par là, mais elle a raison sur un point : on est bien. Si seulement le teuton juste derrière pouvait arrêter de prendre mon crâne pour un paillasson, ça serait parfait. Tranquille, je m'allume un clope et souffle la fumée vers l'azur. Ca râle tout autour : empoisonneur, pollueur, y'a des enfants ici ! Ils commencent à me gonfler tous autant qu'ils sont ! J'écrase mon mégot dans le sable bouillant et sans transition j'embrasse Agnès à pleine bouche. "C'est dingue, je lui dis, tes lèvres ont le goût d'un fruit sauvage, parole !"
- Et toi t'embrasses comme un cendrier froid !
J'apprécie pas trop la comparaison, vengeance ! Et je lui grimpe dessus, en tout bien tout honneur, juste histoire de taquiner un peu.
- Oh oh ! On dirait que l'amour est au-dessus de moi !
Je comprends enfin cette histoire d'amour à côté puis maintenant au dessus ! Tout ça m'excite drôlement, faut bien avouer ! J'accentue le frotti-frotta, je fourre mon nez dans ses cheveux blonds qui font comme une vague qui m'emporte déjà. Le mercure continue de grimper et on commence à vraiment bien s'amuser quand une main s'abat sur mon épaule. Je me retourne : deux types en costume de flics monégasques, ray-ban sur le nez me pointent leur index sur le crâne : "Vous vous croyez où ?". L'autre attend même pas la réponse, de sa poche arrière de pantalon il sort une souche de pv de , un crayon qu'il humecte d'un coup de langue salace : "Nom, prénom, profession...".
L'amour est au-dessus de moi...
***
Voici à présent et en musique la même histoire, racontée par Jean François Maurice, maître de l'esquive narrative, virtuose de l'ellipse s'il en est .On admirera avec quelle aisance il élude les détails triviaux et les digressions sans intérêt pour ne garder que la quintessence romanesque de cet épisode monégasque :
Un minimum de mots pour un maximum d'émotions :
JF Maurice, le Coca Zero du style
11 commentaires -
Par Aloysius-Chabossot le 18 Juin 2008 à 14:59
Cette analyse de texte se situe en droite ligne de l’article précédent consacré à « Hélène » du barde canadien sur patins, Roch Voisine.
Et si le prénom change, il s’agit là encore d’un cri d’amour désespéré et poignant jeté en pâture à l’auditeur égaré, tout à la fois confident et succédané occasionnel de l’être fraîchement disparu. Une magistrale leçon d’écriture au service des sentiments les plus purs.En 1965, Christophe, jeune éphèbe blond et moustachu lance un cri déchirant à la face de la France gaullienne, trop affairée à acquérir machine à laver et autre moulin à café électrique pour s’imbiber des fulgurances poétiques qui transcendent le texte.
Au mieux, « Aline » servira à ses débuts de prétexte ambulatoire aux couples d’adolescents rougeauds tentés par le stupre estival en bord de plage, au pire elle épaulera des années plus tard les réminiscences nostalgiques de bandes de quadras chauves et siliconés (selon le sexe) en offrant à leur gorge parcheminée par la cigarette et le whisky coca un refrain facile à se remémorer avec 3,5 g d’alcool dans le sang.
Il était donc grand temps de rendre justice à cette chanson dont l’écoute, 42 ans plus tard, ne laisse de nous interloquer par la richesse de sa profondeur, à moins que ce ne soit le contraire.L’histoire, contée à la première personne, laisse à supposer que Christophe lui-même s’adresse à l’auditeur en lui confiant ses déboires.
J'avais dessiné sur le sable
Son doux visage qui me souriaitImaginons la scène : le chanteur, la moustache pleine de sable doré, nonchalamment accroupi, dessine un visage avec un bâton qu’il a sans doute trouvé dans les dunes, là où en général les gens accomplissent les divers besoins que la nature leur impose. Il n’a pas encore précisé l’objet de ce portrait, mais on se doute bien qu’il ne s’agit pas d’un ornithorynque (d’autant qu’un ornithorynque, étant donné la configuration de son orifice buccal, a beaucoup de mal à sourire). Cela dit, nous ignorons si vous avez déjà essayé de dessiner sur le sable un doux visage qui vous souriait, mais sachez que si d’aventure vous tentiez l’expérience, la chose qui en résulterait aurait bien peu de chance de vous soutirer la moindre émotion – si ce n’est un rire nerveux. Aussi il semblerait que Christophe soit un artiste, un vrai, une sorte de Caravage du sable mouillé, ou alors qu’il a plus simplement besoin d’une bonne paire de lunettes. Mais laissons de côté ces considérations futiles, car le drame s’annonce…
Puis il a plu sur cette plage
Dans cet orage, elle a disparuOui, déjà, en 1965, les étés étaient pourris, et on ne pouvait vraiment pas faire confiance à Météo France. Notre ami en fait l’amère expérience, et c’est avec les yeux emplis d’horreur qu’il voit l’œuvre d’une vie disparaître sous l’effet d’une pluie aussi dévastatrice que cruelle.
Les amis du vérisme feront sans doute remarquer qu’il aurait été plus simple et sans doute plus crédible que le doux visage disparaisse sous l’effet de la marrée montante.Il est vrai que le réalisme y aurait gagné en intensité. Mais au détriment de l’expression poétique, car la marée, on le sait bien, évoque plus sûrement les odeurs de moules avariées mêlées aux visions déprimantes de vieilles tongs orphelines flottants sur l’écume douteuse que le doux visage d’un amour perdu. Sans compter que Christophe, en laissant bêtement recouvrir sa création par l’eau montante comme un vulgaire gamin de 5 ans avec son château de sable, serait sans doute passé pour un imbécile aux yeux de son auditoire. Ce Christophe est vraiment trop fort !
Mais poursuivons…
Et j'ai crié, crié, Aline, pour qu'elle revienne
Le poète fou de douleur ne tient plus ses nerfs et nous assistons à ce que les médecins psychiatres appellent « un pétage de plomb en direct ».
Loin d’imaginer le pathétique de la situation, le chanteur imagine qu’en criant un prénom féminin choisi au hasard, son dessin va se reformer comme par enchantement. C’est évidemment une regrettable erreur d’appréciation, sans doute redevable aux 5 Gins-Martini qu’il s’est envoyés peu de temps auparavant au bar de la plage.
Et j'ai pleuré, pleuré, oh! j'avais trop de peine
Là on pourrait penser que notre ami Christophe manque un peu de dignité. Et on aura raison : c’est un véritable comportement de lopette. Espérons seulement qu’un maître nageur ne se trouvait pas dans les parages à observer la scène, sinon on n’ose imaginer le calvaire qui fut celui du chanteur pendant le reste de ses vacances (les maîtres-nageurs sont très cancaniers).
Je me suis assis près de son âme
Mais la belle dame s'était enfuie
Là, Christophe a totalement lâché prise avec le réel. Refusant l’évidence, il préfère imaginer que sa création s’est enfuie à toute jambe. S’il avait su garder son sang-froid, notre ami aurait compris qu’un doux visage dessiné dans le sable avec un bâton n’a pas de jambes et qu’il lui est donc par conséquent impossible de s’échapper. (Et quand bien même elle aurait des jambes, permettez-moi de vous dire que la mobilité reste très limitée si elles sont en sable).
Je l'ai cherchée sans plus y croire
Et sans un espoir, pour me guider
Nous apprenons où Christophe a passé le reste de ses vacances : sur la plage, occupé à marmonner des paroles incompréhensibles tout en errant sans logique apparente, les jambes lourdes et les bras ballants. C’est une scène particulièrement déchirante, surtout si l’on considère le prix exorbitant des locations saisonnières.
Et j'ai crié, crié, Aline, pour qu'elle revienne
Et j'ai pleuré, pleuré, oh! j'avais trop de peine
Parfois, pour varier les plaisirs monotones que procure une marche sans but sur une plage déserte sans rencontrer l’ombre d’un vendeur de chichi, Christophe se remet à crier, puis à pleurer, parfois les deux en même temps.
Je n'ai gardé que ce doux visage
Comme une épave sur le sable mouillé
On sent que notre ami est enfin sur le chemin de la rémission et qu’il reprend un peu du poil de la bête : certes le visage reste doux, mais c’est une épave ! Par l’entremise d’un subtil glissement sémantique, le transfert s’opère doucement entre l’objet de tous les amours et l’indifférence un tantinet dégoûtée. L’auditeur se surprend à nourrir quelque espoir concernant notre ami : un retour à la vie normale, ou pour le moins un retour sur la route goudronnée qui mène au centre-ville. Peut-être même pourra-t-il récupérer une partie du loyer de sa location, il n’est pas encore trop tard…
Hélas, les deux derniers vers, récurrente litanie monomaniaque, mettent un terme définitif et cruel à nos espoirs :
Et j'ai crié, crié, Aline, pour qu'elle revienne
Et j'ai pleuré, pleuré, oh! j'avais trop de peineChristophe : "On m'y reprendra
pas à dessiner des trucs sur le sable"
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