• Lettre aux éditeurs, ce qu'il ne faut pas faire

    Monsieur,

     

    C’est aujourd’hui votre jour de chance puisque vous avez en ce moment même l’incommensurable privilège de tenir entre vos mains mon manuscrit intitulé « Ovidé acariâtre, canidés belliqueux » (sous-titré « Le quotidien d’un facteur en Picardie »).

    Autant vous dire que ce roman, que je porte en moi depuis mes débuts à la poste de Saint-Aubin-sous-Erquery, est l’œuvre de toute une vie.

    Aussi que les choses soient claires dès le départ : en aucun cas je ne tolérerai que vos sales petites mains besogneuses changent ne serait-ce qu’une virgule à mon texte, comme cela se pratique usuellement dans vos douteuses officines.

    Est-ce bien entendu ?

    Concernant le contrat que vous aurez l’obligeance de me faire parvenir sous huitaine, notez bien que la répartition des bénéfices colossaux qui vont découler de la commercialisation de mon roman s’établira comme suit : 20% pour vous et votre petit personnel, le reste pour moi. Inutile de discuter, ce n’est pas à un vieux singe qu’on apprend à faire la grimace, et vous ne me ferez pas croire qu’avec la sophistication des photocopieuses modernes, imprimer un livre coûte cher.

    Si par bonheur votre décision est prise et que votre enthousiasme n’a d‘égal que votre empressement à me rédiger un contrat, sachez, cher Monsieur, que votre fortune est faite (et ce sera une bénédiction, quand on voit l’état de délabrement avancé qui accable votre société depuis des années).

     En effet, je travaille actuellement à une suite d’« Ovidé acariâtre, canidés belliqueux » qui retracera avec l’inimitable faconde qui me caractérise mes pérégrinations postales dans la campagne picarde entre 1976 et 1981. Les millions de lecteurs qui auront acquis le premier tome ne manqueront pas de se ruer comme des mouches sur le second. (Il sera alors grand temps, je ne vous le cache pas, de réviser les conditions du contrat afin de réévaluer à sa juste valeur le travail qui est le mien.)

    Maintenant, si dans je ne sais quel accès de démence sénile vous étiez amené à refuser mon livre, sachez que vous n’êtes pas le seul éditeur en France, et qu’à l’heure qu’il est nombre de vos confrères parmi les plus prestigieux, sont d’ores et déjà occupés à ourdir de sombres complots dans le fol espoir de me compter parmi leurs auteurs maisons.

    Alors avant de me renvoyer une de vos lettres de refus standard, faites un peu preuve d’humilité et réfléchissez bien.

     

    Votre dévoué,

    Alfred Duchaussois

     

    Exemples de lettre à ne surtout pas envoyer à un éditeur : la condescendance

    Alfred Duchaussois,  le grand frisson garanti

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  • Commentaires

    1
    Mercredi 22 Février 2012 à 13:12

    N'empêche... ça doit faire du bien !

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