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Il arrive parfois que des lecteurs me posent par mail des quesions qui ne manquent pas d'interpeller profondément ma pratique narrative. J'ai décidé qu'à partir d'aujourd'hui, généreux comme je suis,j'allais vous en faire profiter.
Cher Monsieur Chabossot,
Je vous expose mon problème. Je voudrais écrire un roman animalier, mais voilà, je n’y connais pas trop en animaux, mis à part les deux lapins et la poule que ma grand-mère élève (pas spirituellement parlant, mais plutôt pour les manger). Alors je me suis dit que mon roman pouvait mettre en scène des lapins, ou des poules, ou carrément les deux. Mais là c’est un autre problème qui surgit, car je ne sais pas si vous avez déjà observé ce genre de bêtes, mais je peux vous dire que ça ne fait pas grand-chose de ses journées. Du coup, je sais pas trop quoi raconter dans mon roman. J’ai pourtant essayé dur, vous pouvez me croire. Mais j’ai jamais réussi à aller plus loin que « Coco mange une carotte dans son clapier tandis que Madame Poule l’observe ». Après, je fais un blocage. Et je vous assure que pour quelqu’un comme moi, qui voudrais devenir romancier professionnel, c’est très démoralisant.
Je vous en prie, Monsieur Chabossot aidez-moi, vous êtes mon seul espoir.
Avec toute ma considération admirative,
Sébastien Frichot
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Cher Sébastien,
Force est de constater que vous disposez d’un point de départ tout à fait épatant : une poule observant un lapin qui mange une carotte, ce n’est pas tous les jours qu’on a la chance de trouver un sujet aussi riche. Deux fortes personnalités évoluant au milieu d’un décor luxuriant et complexe, que demander de plus pour aussitôt mettre en branle l’imagination sans borne de l’écrivain professionnel qui sommeille en vous ? La scène à peine entrevue, et ce sont des centaines de situations plus excitantes les unes que les autres qui devraient exploser tel un feu d’artifice fictionnel dans votre cerveau devenu trop petit pour l’occasion, petit chanceux ! Or que lis-je ? Vous laissez précisément entendre le contraire ?
Allons, séchez vos larmes, et étudions la situation avec méthode et rigueur.
Tout d’abord, les protagonistes. Coco est de toute évidence un « personnage » « larger than life », le genre de lapin bourré de charisme qui se distingue naturellement de la nuée de ses congénères par une attitude, une désinvolture face à la vie qui laisse pantois d’admiration.
Le regard perçant, l’oreille toujours en alerte, il mange sa carotte à coup d’incisive nonchalant d’où émane une sensualité terriblement troublante. Tellement troublante à vrai dire que Madame Poule, que tout a priori semble éloigner de Coco (plumage, nombre de pattes, origines sociales, etc.), finit, à force de contemplation, par tomber sous le charme capiteux de l’envoûtant lagomorphe.
Et c’est là mon cher Sébastien où votre histoire devient fascinante. En effet, comment imaginez que deux être aussi disparates, aussi opposés dans leur mode de vie (Madame Poule ne mange pas de carotte, et ce n’est qu’un exemple) puissent un jour s’aimer d’amour tendre ?
Voilà la question que se pose aussitôt le lecteur, et qui va le tenir enchaîné à la lecture de votre roman jusqu’à son ultime résolution, en oubliant de manger, de se laver et de se vêtir correctement.
Voilà aussi la question à laquelle vous devrez répondre, cher Sébastien, vous, seul à votre table de travail, en proie aux démons de la création. Pour ma part, je dois vous quitter car on m’attend à l’inauguration d’une médiathèque qui devrait porter mon nom (ou celui de Simone de Beauvoir, je ne sais plus).
Votre dévoué
Aloysius Chabossot
PS : Avant de vous quitter, je vous glisse une petite piste qui pourrait s’avérer riche en développements narratifs : et si, mettons à la page 150, on apprenait que Madame Poule est en fait un CANARD ? Je vous laisse méditer là-dessus.
Le lapin, un personnage rromanesque de premier plan