• Exprimer vos impressions d’écriture, raconter vos premiers émois de lecteurs, gloser sur la littérature en général, le tout devant une petite caméra amicale : le rêve pour beaucoup d’entre vous. Inaccessible, hélas, puisque ce que vous pourriez bien raconter n’intéresse strictement personne, mis à part quelques proches conciliants. Alors que de vrais écrivains, qui ont écrit de vrais romans, vraiment publiés, alors là, c’est autre chose !
    C’est justement ce que nous propose ce site : écouter des auteurs parler de leur travail, le tout en vidéo. Ils ne sont pas tous des superstars, loin de là (tiens, pas de Marc Lévy ? Ce serait pourtant follement cocasse !) mais ils ont tous des choses intéressantes à raconter.

     

    Une visite s’impose, et c’est ICI


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    Là, c'est Bon
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  • Il arrive parfois que des lecteurs me posent par mail des quesions qui ne manquent pas d'interpeller profondément ma pratique narrative. J'ai décidé qu'à partir d'aujourd'hui, généreux comme je suis,j'allais vous en faire profiter.

    Cher Monsieur Chabossot,

    Je vous expose mon problème. Je voudrais écrire un roman animalier, mais voilà, je n’y connais pas trop en animaux, mis à part les deux lapins et la poule que ma grand-mère élève (pas spirituellement parlant, mais plutôt pour les manger). Alors je me suis dit que mon roman pouvait mettre en scène des lapins, ou des poules, ou carrément les deux. Mais là c’est un autre problème qui surgit, car je ne sais pas si vous avez déjà observé ce genre de bêtes, mais je peux vous dire que ça ne fait pas grand-chose de ses journées. Du coup, je sais pas trop quoi raconter dans mon roman. J’ai pourtant essayé dur, vous pouvez me croire. Mais j’ai jamais réussi à aller plus loin que « Coco mange une carotte dans son clapier tandis que Madame Poule l’observe ». Après, je fais un blocage. Et je vous assure que pour quelqu’un comme moi, qui voudrais devenir romancier professionnel, c’est très démoralisant.
    Je vous en prie, Monsieur Chabossot aidez-moi, vous êtes mon seul espoir.

    Avec toute ma considération admirative,

    Sébastien Frichot

     ____________________

     

    Cher Sébastien,

     

     Force est de constater que vous disposez d’un point de départ tout à fait épatant : une poule observant un lapin qui mange une carotte, ce n’est pas tous les jours qu’on a la chance de trouver un sujet aussi riche. Deux fortes personnalités évoluant au milieu d’un décor luxuriant et complexe, que demander de plus pour aussitôt mettre en branle l’imagination sans borne de l’écrivain professionnel qui sommeille en vous ? La scène à peine entrevue, et ce sont des centaines de situations plus excitantes les unes que les autres qui devraient exploser tel un feu d’artifice fictionnel dans votre cerveau devenu trop petit pour l’occasion, petit chanceux ! Or que lis-je ? Vous laissez précisément entendre le contraire ?
    Allons, séchez vos larmes, et étudions la situation avec méthode et rigueur.
    Tout d’abord, les protagonistes. Coco est de toute évidence un « personnage » « larger than life », le genre de lapin bourré de charisme qui se distingue naturellement de la nuée de ses congénères par une attitude, une désinvolture face à la vie qui laisse pantois d’admiration.
    Le regard perçant, l’oreille toujours en alerte, il mange sa carotte à coup d’incisive nonchalant d’où émane une sensualité terriblement troublante. Tellement troublante à vrai dire que Madame Poule, que tout a priori semble éloigner de Coco (plumage, nombre de pattes, origines sociales, etc.), finit, à force de contemplation, par tomber sous le charme capiteux de l’envoûtant lagomorphe.
    Et c’est là mon cher Sébastien où votre histoire devient fascinante. En effet, comment imaginez que deux être aussi disparates, aussi opposés dans leur mode de vie (Madame Poule ne mange pas de carotte, et ce n’est qu’un exemple) puissent un jour s’aimer d’amour tendre ?
    Voilà la question que se pose aussitôt le lecteur, et qui va le tenir enchaîné à la lecture de votre roman jusqu’à son ultime résolution, en oubliant de manger, de se laver et de se vêtir correctement.
    Voilà aussi la question à laquelle vous devrez répondre, cher Sébastien, vous, seul à votre table de travail, en proie aux démons de la création. Pour ma part, je dois vous quitter car on m’attend à l’inauguration d’une médiathèque qui devrait porter mon nom (ou celui de Simone de Beauvoir, je ne sais plus).

     

    Votre dévoué

     

    Aloysius Chabossot

      PS : Avant de vous quitter, je vous glisse une petite piste qui pourrait s’avérer riche en développements narratifs : et si, mettons à la page 150, on apprenait que Madame Poule est en fait un CANARD ? Je vous laisse méditer là-dessus.


    lapin.jpg Le lapin, un personnage rromanesque de premier plan

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  • Samedi après-midi, je me suis rendu à la grande librairie parisienne « Gibert Jeune » afin de constater si mon opuscule s’y trouvait en bonne place (ou plus modestement, s’il s’y trouvait tout court).
    Pour l’occasion, je m’étais adjoint la présence rassurante – quoique parfois un peu encombrante -de mon frère Théophraste (il faudra un jour que je vous parle de lui plus en détail).

     

    Ainsi flanqué de cet incomparable soutien, j’explorais un par un les rayons, l’œil aux aguets, la narine frémissante, mais toujours emprunt de cette dignité dont Victor Hugo en exil a fait sa marque de fabrique lorsqu’il posait seul, cheveux aux vents et regard perdu sur son rocher de Guernesey. On ne pouvait hélas pas en dire autant de Théophraste qui exsudait de tout son être une euphorie brouillonne et tapageuse frisant la camisole de force, soulevant chaque pile de livre avec une précipitation hystérique comme un enfant excité soulèverait un par un les galets de la plage à la recherche d’un hypothétique crustacé, ponctuant chacune de ses déceptions (et elles furent nombreuses) d’un cri déchirant et lugubre. Résultat, nous fûmes assez rapidement pris en filature par deux vigiles au physique imposant qui nous observaient de loin, les sourcils froncés, tout en chuchotant dans leur talkie-walkie avec des airs de conspirateurs tchétchènes.
    A l’issue d’une longue quête qui serait tout à fait fatigante de narrer ici, nous finîmes toutefois par atteindre le Saint Graal, que les employés de la maison avaient modestement disposé sur une table émanant de toute évidence d’un magasin d’origine suédoise bien connu. Le livre était bien là, en cinq exemplaires, occupant un angle et menaçant à chaque instant de tomber dans le vide sous la pression des autres opuscules peuplant tant bien que mal le même espace confiné. En contemplant ce désolant spectacle, je ne pus m’empêcher de penser au « Radeau de la Méduse » et je me dis in petto, tout en massant pensivement ma barbe auguste, que l’affaire n’était pas gagnée.
    C’est alors que Théophraste, qui se pique d’être un commercial de génie, tout ça parce qu’il a vendu pendant 3 semaines des chaussettes sur un marché de banlieue, m’empoigna par les épaules et entreprit de me crachoter dans les oreilles l’idée qui venait de traverser son esprit embrumé. Voilà, me dit-il en substance, il suffit de se poster à côté de la table, et de faire semblant de lire un exemplaire du livre tout en riant à gorge déployée. Cet habile stratagème* ne manquerait pas, selon lui, de piquer la curiosité du chaland qui dès lors n’aurait de cesse de s’emparer du chef-d’œuvre ainsi mis en lumière et de courir à la caisse ventre à terre. Théophraste était visiblement très satisfait de son idée, comme en témoignaient la suractivité globulaire de ses yeux et le mince filet de salive qui s’écoulait de chaque côté de sa bouche purpurine. Je m’empressai toutefois de tempérer son ardeur en émettant quelques réserves sur l’efficacité du projet, dont « à la louche » j’évaluai les chances de réussite à un peu moins d’une sur un million. Tandis qu’il se lamentait bruyamment de mon manque d’enthousiasme sous l’œil de plus en plus soupçonneux des deux vigiles, j’entrevis un quidam qui baguenaudait autour de la sainte table, puis qui contre toute attente s’empara de mon livre et s’abîma aussitôt dans la lecture de la quatrième de couverture. Au bout de moins de temps qu’il n’en faut à une Ferrari pour parcourir un cent mètres, il reposa l’objet d’un air carrément dédaigneux et poursuivi son chemin au milieu des rayons, la mine goguenarde et le pas innocent. C’en fut évidemment trop pour Théophraste dont l’émotivité de demoiselle combinée à une capacité de pondération comparable à celle du taureau débouche parfois sur des réactions inconsidérées. Après avoir pris un élan raisonnable, il sauta sur notre infortuné ami, le plaqua au sol et commença à lui marteler le crâne de ses deux poings velus. C’est précisément le moment que choisirent les vigiles pour intervenir. Hurlements, tables renversées, os qui craquent sinistrement, femmes enceintes qui s’évanouissent : la suite de l’histoire s’avère un peu confuse à narrer. J’imagine qu’entre-temps le directeur du magasin, soucieux de la bonne tenue de son établissement avait alerté les forces de l’ordre puisqu’une cohorte de cerbères uniformisés a rapidement fait irruption sur les lieux du chaos avant que de s’emparer sans la moindre délicatesse de nos personnes pour nous déposer lourdement dans une fourgonnette garée en bas du boulevard.

     

    Nous passâmes donc, mon frère et moi, le reste de la journée et toute la nuit au commissariat du Vème, dans une sorte de cellule dépourvue du confort le plus élémentaire mais en contrepartie plaisamment fréquentée. Nous fîmes ainsi la connaissance de Gustave, un homme charmant quoiqu’un peu négligé et dont le dernier moment de lucidité devait remonter à l’élection de René Coty. Il y avait également Madame Gisèle, une femme d’un certain âge dont la contemplation du maquillage nécessitait le port de lunettes de ski, avec laquelle nous avons longuement disserté sur l’affaire des surprimes américaines et de sa désastreuse influence sur l’économie mondiale.

     

     En résumé, j’ai passé un excellent week-end.

     

    Pour ce qui est des ventes du livre, j’ai appris de source sûre que Stéphane Lavaud s’en était procuré un exemplaire. J’ignore toutefois s’il l’a payé ou plus simplement volé. Mais qu’importe, c’est un excellent départ.

     
     
     
     

    * private joke

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    Le celèbre magasin est depuis ce week-end fermé pour rénovation.
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