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Comment écrire un roman jusqu’au bout
Le manque de temps est l’un des principaux arguments que les prétendants à la littérature avancent lorsqu’il s’agit d’expliquer pourquoi ils sont bloqués depuis 5 ans sur le milieu du second chapitre de leur grand œuvre, précisément au moment où Tatie Olga découvre Brutus, l’épagneul breton du voisin, la queue coincée dans le grillage du poulailler. Et lorsque je parle des arguments qu’ils avancent, c’est bien sûr une façon de s’exprimer puisqu’en général, personne ne songe à leur demander où en sont leurs travaux d’écriture, dans la mesure où tout le monde s’en fiche (sauf peut-être Brutus, qui commence à trouver le temps long, sans parler de cette douleur à la queue de plus en plus insupportable).
La solution à ce problème vient – enfin – d’être apportée à la très récente foire du livre de Bruxelles par Nicolas Ancion, jeune romancier liégeois de 39 ans. En 24h chrono, et sous la surveillance aiguisée du public (sans doute un peu moins vers 3 heures du matin), il a réussi à écrire un polar intitulé «Une très petite surface», dès à présent disponible en téléchargement sur le Net.
Jeunes postulants à la gloire littéraire les pieds empêtrés dans le tapis du deuxième chapitre, vous savez ce qu’il vous reste à faire : vous enfermer à double tour dans votre chambrette avec pour seul compagnon un ordinateur en état de marche et 30 litres de café. Vingt-quatre heures plus tard, vous tiendrez entre vos mains ébahies (oui, les mains peuvent s’ébahir, c’est même assez courant) le fruit de vos efforts, que vous n’aurez plus qu’à adresser aux plus grands éditeurs (qui l’attendent déjà en se rongeant les ongles d’impatience).Et puis surtout : Brutus vous en sera éternellement reconnaissant (sauf s’il meurt à la fin).PS1 : J’ai lu quelques pages du roman en question (pas celui avec Brutus, l’autre) et je dois avouer que c’est assez bluffant, compte tenu du temps imparti. Bien sûr, certains tatillons ne manqueront pas d’observer que l’ouvrage ne compte que 84 pages, que c’est écrit bien gros et qu’il serait plus juste en l’espèce de parler de longue nouvelle. Les tatillons ne sont jamais contents.
PS2 : Les tatillons (toujours eux) avanceront que cet « exploit » n’est pas nouveau, puisqu’il a déjà été accompli en 1927 par Georges Simenon, écrivain prolixe s’il en est.
Les tatillons auront tort. Si l’affaire (Simenon devra écrire un roman sous les yeux du public, enfermé dans une cage de verre) est bien conclue entre Eugène Merle, directeur de plusieurs journaux parisiens et l’écrivain, elle ne réalisera pourtant pas, pour des raisons qu’on ignore (pourtant il y avait une somme rondelette à la clé). L’épisode dit « de la cage de verre » marquera pourtant les esprits et sera directement versé au compte de la légende simenonienne, à tel point que plusieurs journaux ont cru bon relater l’événement alors qu’il n’a jamais eu lieu.
Amélie Nothomb travaillant sur son prochain roman
Tags : c’est, tatillons, qu’il, brutus, bien
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Commentaires
Sinon, très intéressant, surtout la photo :-)) Je vais aller voir ce polar de suite.
Pfttt, torcher une nouvelle en 20 heures, tu parles d'un exploit ! Ah, moi, si je n'avais pas sommeil...Vous seriez surpris...
Et pourtant, je ne me suis jamais considérée comme "écrivain"... plutôt comme écrivante... (oui, je sais, on l'a certainement déjà dit)
H.G
Helena Grantham
9alexandraJeudi 17 Novembre 2011 à 16:08Pour l'histoire du mec qui s'enferme dans sa chambre pendant 24H pour ecrire un livre,je signale que ce n'est pas possible dans tout les cas.He oui, je suis restée 3 heure a ecrire mon roman, et je n'ai écrit qu'une page! Autre cas, j'ai passé 2 heures a ecrire, j'ai ecris 5 pages (pour infos, j'ai ecris 50 pages, j'en ai vu des cas...).
Conclusion:Pour écrire un roman, de temps en temps,on a besoin de réfléchir, au noms des personnages et à leurs apparences comme à l'histoire elle meme.
Contre-conclusion:Si une personne a bien réfléchit, elle peut ecrire son roman facilement et rapidement, lele si cela signifie qu'elle a deja refléchit avant...
10sophieJeudi 17 Novembre 2011 à 16:08Une fois j'ai passé 24h enfermée dans un bus Eurolines. Mais j'ai rien pu écrire à cause du mal des transports. Faudra que j'essaie la cage.
11méla33Jeudi 17 Novembre 2011 à 16:08
Un grand merci pour votre blog, votre plume, votre humour et tout ce qui fait que je prends un plaisir fou à vous lire. Point à la ligne. (un petit cirage de pompe purement gratuit est toujours bon à prendre, n'est-ce pas?)
Sur ce je me retire pour trouver un semblant de départ à un semblant de roman... nouvelle....chapitre...haïku...
Le plus dur je crois quand on a envie d'écrire est certes la syndrome de la page blanche mais également l'énorme fossé entre une sensibilité littéraire certaine, une connaissance théorique des mécanismes de l'écriture longtemps étudiée, un appétit de lire réel et à l'arrivée un style de chèvre...
Bien à vous
12MarieJeudi 17 Novembre 2011 à 16:08C'est très intéressant, bravo pour la performance de Nicolas Ancion. La vraie réponse, c'est peut-être que pour finir un roman, il faut avoir une idée au départ ?
(De plus je suis ravie que vous considériez comme jeune quelqu'un de 39 ans.)13Franck SiJeudi 17 Novembre 2011 à 16:08Précieusement,
j’ai pris le temps de faire le tout de ce « glob ». M. second degré Aloysisus ne s’enflammera pas, même déguisé en Mishima. Certes, bon critique, je le ressens plus journaliste qu’écrivain, dans ce lieu en tout cas. Il manie un verbe qu’il lui permet de rétorquer, en bon jouisseur, dans son bac à sable, à l’ignorance de nos chers nouveaux chérubins ; je le soupçonne même d’en avoir fait son jardin public.
Et nous, pauvres pêcheurs qui croyant trouver ici les techniques malignes de Baudelaire, le nom de l’assassin du dormeur du val, la prestidigitation morale de L’Abbé Prévost et les gouaches misérables de Victor …n’entendons que les rires du Joker.
Pour l’ABC, allez taquiner l’hameçon par ici
http://www.auto-edition.com/
Mais, je me réjouis de pousser encore cette porte de l’insouciance. « Furu ike ya / kawazu tobikomu / mizu no oto », ah quel bruit ! On vous l’a dit, il n’y a d’obstacles que l’avidité de produire un best-seller qui vous rendra plus orgueilleux ; à la barbe de ceux que ne veulent pas être reconnu.
Pour Erwan et son idée d’écrire à pulsieurs, je viens de créer un Wiki à différents niveau (public, privé, communautaire) ou chaque auteur pourra s’identifier et échanger à volo : des mots. Et qui sait, verrons-nous naître un ouvrage qui tentera des investisseurs.
Donc, si l’idée vous sied et « Si tu peux voir détruit l'ouvrage de ta vie
Et sans dire un seul mot te mettre à rebâtir… », je vous donnerai l’accès à ce wiki sous réserver que notre hôte me transmettre vos coordonnées.
Merci de répondre à ce commentaire pour la suite de cette histoire.
NB : je n’ai pas retrouvé les liens vers les commentaires où Erwan s’exprimait.
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Bref, harassé par les journalistes, il a fini par se cacher là où on ne le chercherait pas : dans la salle de presse ;-) Y a-t-il une morale à retirer de tout cela ?