•  


    Voilà donc, habillés comme il se doit des scintillants atours de la rigueur scientifique, les résultats du grand sondage récemment lancé ici même.

    Je tiens d'ores et déjà à remercier chaleureusement les 154 personnes qui ont cru bon prendre sur leur temps de loisirs afin de cliquer sur l’une des 7 réponses proposées à la question « Qu’écoutez-vous lorsque vous écrivez ? », et j’imagine avec un effroi rétrospectif l’irréductible dilemme qui a pu parfois s’emparer d’elles lorsqu’il leur a fallu choisir entre « du trash-speed-metal » et « l’intégrale d’Annie Cordy remastérisée en 48 bits » (c’est toujours le problème lorsque l’on possède une trop grande ouverture d’esprit).

    Passons si vous le voulez bien à l’analyse des réponses (si vous ne voulez pas, passons plutôt au salon, nous y serons plus tranquilles pour prendre le café).

    Partant du postulat que ce qu’on écoute va de près ou de loin influencer notre travail, il est dès lors aisé de tirer quelque enseignement pratique de ce petit sondage. Nous notons de prime abord qu’une majorité, certes relative, écoute avant toute chose le silence (qui lui-même est souvent relatif, surtout lorsqu’on habite à deux pas du périphérique). Ces gens-là ont raison, ces gens-là sont indubitablement sur la bonne voie. En effet, l’idée vous serait-elle venue, jeunes garnements, de passer votre Bac de Français avec un Walkman sur les oreilles ? J’en entends déjà qui s’exclament, au nom de la sacro-sainte inspiration : « Ah oui ! Mais attention c’est pas pareil du tout, le bac de Français c’est du travail, alors que l’écriture, c’est de l’Aaaaaaaaaart » Et ils insistent bien sur le « A » de Art, histoire qu’on comprenne bien à quel point on est à côté de la plaque. Vaste plaisanterie en vérité ! L’écriture est peut-être de l’art, si ça vous chante, mais c’est avant tout un travail ! Pour lequel une concentration maximale est nécessaire. Si vous n’avez pas conscience de cela, vous vous exposez à de terribles désagréments que nous allons découvrir bientôt…

    Poursuivons avec le deuxième du classement. « Vos envies », avec 27,92% de votes. Ce résultat tout a fait honorable prouve une fois de plus qu’une part non négligeable des personnes interrogées répondent la plupart du temps absolument n’importe quoi. Car effectivement, on n’écoute pas ses envies, du moins pas avec un lecteur de CD ou un iPod. Il était donc grotesque de choisir cette réponse, et je m’empresse de préciser que la sévérité de mon jugement n’est en rien altérée par le fait que c’est moi qui aie rédigé le sondage en question.

    Passons vite au troisième, car je sens que mes nerfs me lâchent.

    Ainsi, 13,63% des écrivains en devenir écoutent du « trash-speed-black-metal ». C’est une véritable surprise, d’autant que j’ignorais jusqu’à présent l’existence d’un tel style musical, qu’on imagine intuitivement pour le moins vigoureux et un tantinet brutal, tant dans la forme que dans le fond. Forcément, la question se pose : peut-on, en écoutant du « trash-speed-black-metal » écrire autre chose que « AAAAAAAAAAAAArrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrgggggggggggggg RRRReuuuuuuuuuhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhh NNNiiiaaaaaaaaaaaaaaaaaaarrrrrrrrrg… » (si vous êtes dans ce cas de figure et que vous souhaitez répondre, n’hésitez pas à laisser un commentaire ci-dessous. Abstenez-vous toutefois d’écouter votre musique préférée en le rédigeant).

    Nous découvrons ensuite que 9,74% écoutent l’Adagio d’Albinoni. Mais il est fort possible, à l’heure où j’écris ces lignes, que le chiffre soit tombé à 4, voire à 3%. Car il est scientifiquement prouvé que l’écoute répétée de cette œuvre musicale entraîne des ouvertures compulsives de fenêtres, de veines et de robinet de gaz. Un conseil donc, réservez plutôt cette chose à la rédaction de votre testament, à condition que vous n’ayez ni trop de biens ni trop de famille : le temps vous ferait défaut et on se battrait chez le notaire pour savoir, en définitive, à qui reviennent les couverts en argent hérités en leur temps de la tante Yvette (celle qui avait de la moustache et qui sentait le café au lait).

    Quelle n’a pas été ma stupeur de découvrir que 7,14% des écrivains fréquentant ce blog écoutaient NRJ, cette sympathique radio dont le seul but avoué a toujours été l’élévation des âmes de notre belle jeunesse. Voilà en vérité une nouvelle proprement incroyable et tout à fait encourageante pour l’avenir de la littérature française. Pour être honnête, je pensais qu’une seule personne aurait coché cette case : Victoria Canard. Mais c’eût été de sa part une boutade, car Victoria n’écrit pas (ou alors elle me l’a caché…) sinon des mails, sauf en ce moment, du moins pas à moi… Mais c’est une autre histoire !

    A l’inverse, j’ai du mal à cacher ma déception face aux pauvres 3,24% que recueille « Mes voisins qui s’engueulent ». Pourtant quel formidable gisement fictionnel que ces prises de bec à jet continu, entrecoupées de claquement de talons hystériques sur le plancher et de vaisselles brisées sur le mur. Bon, évidemment, si le jet est vraiment continu, ça finit par énerver, et alors là, adieu l’inspiration, bonjour les idées de meurtre. Une solution que vous suggère amicalement : passez-leur, en continu et à très fort volume, l’Adagio de Machin-Chose (en ayant bien sûr pris soin de vous équiper de bouchons phoniques efficaces).

    Lanterne rouge du classement, nous trouvons l’intégrale d’Annie Cordy remastérisée en 48 bits, qui recueille un piteux 2,59%. Le plus stupéfiant n’est pas tant ce chiffre ridicule qui tutoie dangereusement le score de Marie-Georges Buffet aux dernières élections présidentielles que le terrifiant constat suivant : 2 personnes sur 154, en âge de lire et écrire à peu près couramment, écoutent Annie Cordy, et qui plus est, son intégrale. Alors que, vous en conviendrez aisément, un bon « Best of » aurait largement fait l’affaire (La pétulante fantaisiste d’origine belge n’a pas produit que des chefs d’œuvres, surtout dans les années comprises entre 1978 et 1991, que les spécialistes (ceux qui font autorité, pas les autres) s’entendent pour qualifier – à juste titre – de « période noire » de l’artiste).

    Je vous embrasse tous sur le front et vous dis « A bientôt ! »

    Partager via Gmail Yahoo!

    21 commentaires
  • Je fais partie de ceux qui pensent (nous sommes 47) qu’il existe une chanson adaptée à chaque occasion de la vie,  que cette  occasion soit triste ou gaie. Et lorsque nous écoutons cette chanson, au hasard d’une programmation radiophonique ou dans un supermarché de banlieue, elle contribue comme par magie à regonfler d’espoir notre petit cœur d’enfant (ou à le gonfler encore plus, c’est selon). Pour ne vous citer qu’un exemple, il m’est arrivé une fois, il y a bien longtemps, de perdre sur une plage du sud de la France une bonne amie prénommée Aline (en fait, je m’étais endormi sous le parasol et lorsque je me suis réveillé, elle n’était plus là. J’ai appris, mais bien plus tard, qu’elle était partie prendre des leçons de natation avec un de ces gommeux bodybuildés et imberbes qui se font pompeusement appeler « maître-nageur ». Le plus étonnant dans cette histoire est qu’elle se piquait d’être vice championne de la Creuse en 400 mètres nage libre. J’ai parfois du mal à suivre la logique féminine).
    Inquiet, je pars bien évidemment à sa recherche, et bientôt ma quête me mène devant la pizzéria-friterie de la plage, plaisamment nommée « Chez Luigi », au moment précis où le juke-box qui équipait cet endroit se met à jouer « Aline », du grand chanteur néo-romantique Christophe. Là, pétrifié par l’émotion, je reste, les bras ballants, les pieds tremblotant dans le sable, à écouter les paroles, tandis qu’un caniche abricot, ayant probablement confondu mon mollet avec un réverbère, entreprend de se soulager sur mes tongs achetées de la veille…
    Bon, je réalise que ce n’est pas un bon exemple, vu que juste après j’ai voulu me suicider en tentant de m’introduire dans le four à pizza de chez Luigi.
    Je pense cependant que vous avez compris le principe.
    Mais il arrive parfois que pour une occasion donnée, on soit impuissant à la trouver, cette fameuse chanson. Pourtant on sait qu’elle existe (enfin, les 46 qui pensent comme moi savent qu’elle existe). Elle est là, tapie quelque part au fond d’un garage, sous la forme désuète d’une galette de vinyle noir, ou encore pire, étalée sur une musicassette  poussiéreuse se languissant dans la boite à gants d’une Simca Gordini… Elle est peut-être là, à deux pas (mon voisin à une Simca Gordini). Mais comment le savoir ?
    Et puis un jour, alors que l’on espérait plus, elle apparaît, au détour du hasard, et sa puissance évocatrice que l’outrage du temps a miraculeusement épargnée (en général c’est un vieux machin) submerge votre âme et s’empare de votre corps( surtout si la musique est entraînante).
    C’est précisément ce qui m’est arrivé il y a peu.
    Voilà, un jour, j’étais au téléphone depuis une petite heure avec Victoria Canard, occupé à l’entretenir de ma passion pour les renoncules (comme vous les savez, la renoncule est un genre de plante herbacée, annuelle ou vivace, de la famille des Renonculacées qui regroupe près de 1 500 espèces à travers le monde, c’est absolument fascinant) lorsque soudainement elle me raccroche au nez… Interloqué, à la limite de l’hébétude, je fixe mon combiné le regard empli d’une légitime incompréhension. Il est vrai que Victoria Canard possède son petit caractère, mais tout de même ! Pourquoi tant de haine ? Je raccroche le téléphone et me mets à tourner en rond autour de ma table de salon. « Bon sang » me dis-je à moi-même, mais pas trop fort pour ne pas me réveiller, « Bon sang, il doit exister une chanson sur le raccrochage au nez qui serait sans doute à même de m’indiquer la voie à suivre dans cette terrible épreuve… Oui, mais où ? »
    Cette quête infernale, mes amis, a duré un an. Douze longs mois durant lesquels j’ai vécu un véritable calvaire : je ne mangeais pas, je ne dormais pas, je  ne regardais plus la télé, à part « Question pour un champion ». Et puis un beau jour, alors que je m’étais résolu à devenir une loque humaine (j’étais à deux doigts de m’inscrire à l’UMP), la délivrance arriva enfin, le sauveur s’appelait Frédéric Chawa. Ne me demandez pas qui est Frédéric Chawa. Eventuellement demandez-lui directement. Mais sait-il lui même qui il est ? Mais trêve de balivernes philosophantes, passons à l’essentiel.
    Sur une musique dont l’apparente rusticité contribue  à magnifier le propos en lui offrant un écrin de bois brut (avec de-ci de-là quelques échardes), Frédéric Chawa venge définitivement en deux petites minutes toutes les personnes ayant été victime un jour ou l’autre d’un raccrochage au nez. Et c’est le cœur serré et les yeux révulsés par l’émotion que nous entonnons avec lui la question qui taraude chacun d’entre nous : « Mais qu’est-ce que c’est ces façons-là ? »

     

    Pour écouter "Ne raccroche pas", cliquez sur ce téléphone.

     

    Partager via Gmail Yahoo!

    10 commentaires



    Suivre le flux RSS des articles
    Suivre le flux RSS des commentaires