• Les nuits de ma mort (Aube, Livre 4 - Premières tempêtes)

    « Voilà des jours et des nuits que je suis dans cette fosse. Des jours, drôle de mot dans la bouche de qui n’a plus revu la lumière depuis… depuis… Ah, je dois recompter les trous dans la paroi de mon cachot. Je rampe vers elle, ma main la retrouve, la parcours. J’y suis. Cent dix et un, deux, trois, quatre jours qu’ils me retiennent ici… Mais que veulent dire ces jours, pour moi qui suis toujours dans le noir et n’ai pour soleil, en de fugitifs instants, que de rares insectes brillant d’une vague lueur, faible, faible, et qui pourtant commence à me brûler les yeux autant qu’un tison. Je suis éveillé, j’enfonce mon doigt dans la paroi, je m’endors, je me réveille, je fais une nouvelle marque… Mes cent quatorze jours, combien ont-ils duré aux yeux des hommes ? Moins d’une lune, ou plus d’un an ? Rien pour me guider. Par instants, je voudrais être une femme. Le flux de mon sang me dirait au moins depuis combien de lunes je suis là. Mais je n’ai que mes sens d’homme, et ceux qui me tiennent captif ont décidé de me faire perdre tout repère. La lumière du jour ne vient jamais là où je suis, non plus que la rumeur des mortels. Je les entendrais, peut-être aurais-je moyen de suivre le passage du temps, de connaître, à tout le moins, l’alternance des jours et des nuits. Non, c’est le silence… et la nuit. Je ne connais que la nuit. Ils me nourrissent. On donne à un porc des mets plus délicats. Je m’y suis résigné. Tout ce qui rentre fait ventre. Et je dois tenir.
    J’avais cru, au début, la distribution de nourriture un guide infaillible pour mesurer le temps passé. Ils y ont pensé eux aussi. En guise de nourriture, ils me jettent de temps à autre une charogne ou une vessie remplie de gruau, sans régularité et selon leur humeur. Je jurerais qu’elle est droguée, bien souvent… Je pourrais refuser de manger, mais mourir de faim n’est pas une meilleure solution. Je marche dans ma cellule… marcher, un bien grand mot. Tout ce temps sans voir le soleil et le Père Jour, dans un cul de basse-fosse humide, si humide que l’eau suinte de ses parois et en noie bien souvent le fond, a rendu mes os friables comme sable, mes articulations dures comme pierre. Je serre les poings de colère, bien souvent, et je hurle tant ce simple mouvement est douloureux. Parfois, je me caresse la barbe, mais je sens sous mes doigts une broussaille toute poisseuse de boue. Je me passe la main sur le corps. Ma peau est une carapace de crasse et de terre. Ma chevelure est devenue casque, poils, graisse et vermine mêlés. J’étais prêtre, me voilà traité plus bas que le captif ou la bête immonde. Je possédais un grand savoir, l’éloquence guidait mes discours, il n’y a plus que les vers pour m’entendre. Il y a trois jours, une grenouille ou un crapaud est tombé dans mon puits, et jusqu’à ce que je l’aie écrasé dans mon sommeil, je n’ai cessé de lui parler… Parler, encore un mot. On m’a mis sur le visage une muselière. Elle ne m’empêche ni de manger mon brouet ou les fruits pourris, ni d’aspirer l’eau boueuse devenue ma seule boisson, mais ne me permet pas d’articuler. Ils ont peur, peur que je lance un sort, peur que j’appelle à mon secours les forces chthoniennes. Je le ferais, pour sûr, si je savais les mots… Mais j’ai tout mon temps. Dans ma tête, je récite toutes les malédictions que j’ai apprises. Je les psalmodie, tâchant de respecter toutes les pauses, toutes les intonations. Je fais les gestes, aussi, malgré ce qu’il m’en coûte. Je me répète des pas et des danses. Ah, comme ça danse ! Je saute jusqu’aux étoiles, je m’y fonds, mais j’ai entraîné mes ennemis avec moi, je les lâche, et ils s’écrasent avec un tel fracas que le sol se fend et engloutit tous ceux qui y vivent. Pour la stérilité des prés… Pour celle des femmes… pour que le feu du ciel embrase les récoltes… Oui, je me souviens de tout. Je cherche dans ma mémoire. Toutes les formules d’exécration me reviennent, et tous les gestes, et toutes les pierres et les herbes qui, longtemps macérées et mélangées à la nourriture et à la boisson, conduisent à la folie ou à la mort.

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  •  L'auteur : Linka
    Présentation du texte :
    ...Il s'agit d'un passage du premier tome de mon roman que je définirai comme un space-opéra sombre (je sais que la science fiction n'est pas votre style préféré, mais je n'ai pas pu résister.).
    Je ne suis pas certaine qu'il soit le plus représentatif de l'ensemble, mais il est difficile de choisir avec objectivité...

    La porte s’ouvre sur la vaste salle de contrôle déserte, inondée par la lumière spectrale des galaxies que nous traversons, la plupart du temps sans même nous en apercevoir. Je reste un instant subjuguée par la beauté glacée et vertigineuse de l’espace, qui s’étire à l’infini à travers les hublots démesurés s'étalant le long des parois de métal, tout autour de moi. Les dizaines d’écrans de contrôle, qui ronronnent paisiblement, me renvoient un scintillement fantomatique et j’observe la danse saccadée des milliers de petits voyants lumineux qui envahissent le tableau de bord. Je distingue dans la pénombre, la silhouette immobile du capitaine, qui quitte la barre et descend les quelques marches qui nous séparent, afin de me rejoindre. L'irrégularité de sa démarche témoigne encore de ce qu'il vient de traverser. De sombres ecchymoses se dessinent sous sa mâchoire, et semblent s’étendre le long de sa nuque. Son corps le trahit, mais comme à l’ accoutumée, il ne laisse rien paraître. Je ne sais quelle improbable justification donner à l’acte irréparable que j’ai commis quelques heures auparavant. Je ne peux que le contempler en silence. Je tente de chasser en vain la désagréable sensation de culpabilité qui ronge mes nerfs et acquiert une ampleur incontrôlable. Il faut que je cesse de me mentir. Mon arrivée sur ce bâtiment a amorcé un engrenage infernal qu’il me faut interrompre. Je sens confusément au fond de moi que je ne suis pas étrangère aux risques inconsidérés qu'il a prit en se livrant aux humanoïdes. Mon entêtement permanent a fini par mener Zon aux portes de l’Arcadia, et des dizaines d’âmes se sont éteintes en raison des mes choix et de mes actes. Pourtant, Alfred va malgré tout mourir, tout cela n’aura rien changé à cette terrible fatalité. Et voilà que pour clore ce triste chapitre, j’ai organisé la fuite de notre plus fervent détracteur… Bon sang, mais comment continuer à porter le poids de cette succession d’erreurs ? Je dois mettre un terme à ce désastre, je dois réparer tout le mal qui a été fait.<script type= "text/javascript"> </script>

    Je comprends, lorsque son regard se pose sur moi, que tout ressentiment à mon égard s’est déjà évaporé. Ne reste que cette communion étrange et inexplicable qui nous a mystérieusement unis depuis le début. Une fois de plus son extraordinaire charisme me pétrifie, et je sais que jamais je ne pourrai aimer plus passionnément… Mais je dois absolument renier tout ce que mon âme écorchée me crie en silence. Il faut que j’abandonne tout espoir et que j’aille au bout de cette décision, qui surnage au fond de mon âme en de longues vagues sinueuses et entêtantes, depuis que j‘ai de nouveau posé un pied sur ce bâtiment. Je dois plonger au fond de ce gouffre insondable qui n’attend que moi.
    - Je pars, m’entends-je prononcer, sans bien y croire. Est-ce bien ma voix ? Suis-je vraiment parvenue à articuler ces deux mots fatidiques ? L’ éclair de surprise et d’incompréhension qui traverse son regard ne laissent aucun doute. Il me semble qu’il tente de déchiffrer mon âme, tandis que la solennité du silence qui nous entoure me donne la sensation de suffoquer. Il faut absolument que je trouve la force de continuer, et c‘est d‘une voix vacillante que je tente une pathétique argumentation.
    - Il existe encore tant d’innocents, tant d’idéaux à défendre… Tant d’êtres vivants croient encore en toi, en ton courage et ta détermination, ta force, ta légende…
    Mon cœur se noie. Je peux le voir battre à travers ma tunique tant il martèle ma poitrine avec violence. J’ai du mal à poursuivre, les mots s’étranglent dans ma gorge, mais les paroles de la femme qui fut sa mère me reviennent soudain en mémoire, comme pour me convaincre que je fais le bon choix.
    - Tant qu’il y aura des hommes capables de sacrifier leur vie pour ne pas te trahir, tant que brille au fond des yeux de tes compagnons cette flamme confiante et pure, ce fantastique enthousiasme et ce désir de vaincre, de… vivre, tu n’auras pas le droit de faiblir.
    Je suis en train de sceller mon destin, de briser ce qui reste de ma vie, mais je n’ai pas d’autre choix. Je le dois à la mémoire de tous nos compagnons, morts sous l’étendard de la liberté, convaincus que leurs sacrifices n’étaient pas vains. Je le dois à l’innocence et la sublime pureté des enfants qui survivent encore au sein de l’enfer que nous leur avons bâti. Je le dois à l’univers entier, qui se déchire et s’affronte dans un formidable entrelacs d‘espoirs et de morts… Je lève les yeux vers lui, consciente de la douleur et de la fragilité que je suis en cet instant incapable de dissimuler.<script type="text/javascript"> </script>
    - Et je suis…ta faiblesse, dis-je finalement, dans un souffle.
    Il ne réagit pas, se contente de m’observer sans un mot, une main posée sur son épée, tandis que de nouveau seul le doux ronronnement des machines s’élève dans la vaste salle, qui me semble soudain presque hostile. Je suis incapable de détacher mon regard du sien, et il semble une fois de plus lutter contre une multitude de sentiments contradictoires. Il esquisse un sourire d’une insondable tristesse, qui enflamme soudain mes yeux, et je ne peux réprimer une larme silencieuse. Il m’a accordé de découvrir sa vulnérabilité, et je lui retourne en plein visage. Comment pourrait-t-il ne pas m’en vouloir ?
    - Il est vrai…que j’ai peur pour toi plus que pour tous les autres… , souffle-t-il sans me quitter des yeux.
    Je frotte doucement mes épaules avec la paume de mes mains, comme pour m’assurer que je suis toujours cet être tangible, qui sacrifie tout ce pourquoi il vit encore.
    - Trop de vies et d’espoirs sont en jeu… , fais-je , d’une voix brisée. Mes jambes vont se dérober tant l’émotion qui me submerge atteint son paroxysme. Je fixe le sol froid, laissant les mèches blondes de mes cheveux retomber en désordre , dissimulant mon expression, que je devine éperdue. Je tressaille lorsque sa voix s’élève dans un murmure , et son inflexion d’une équanimité contenue transperce mon coeur aussi sûrement que l’aurait fait une lame acérée.

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  • (Extrait du roman "Le guerrier maudit")

    Birkam n’avait plus qu’une idée en tête, se sortir du guêpier dans lequel il s’était fourré. Cela devenait une habitude chez lui. Chaque fois qu’il partait à la chasse aux kemlals, il manquait se faire tuer ou du moins se faire salement amocher, comme en témoignaient les nombreuses cicatrices qui lui zébraient le corps.
    La plus « belle » était celle de sa première chasse, sans doute due à son inexpérience mêlée à l’excitation de son jeune âge. Elle zigzaguait sur son torse, partant du mamelon gauche au ras de son nombril, sur la largeur d’un pouce.
    Ce matin-là, en plus de trois côtes cassées, il avait perdu beaucoup de sang et si Ezmira la sorcière ne s’était pas trouvée dans les parages, il y aurait aussi perdu la vie.
    Il venait d’avoir 13 ans. Dans la tribu des Walimy, cela signifiait qu’il était en âge de passer les trois épreuves qui le rendraient adulte et feraient de lui un guerrier.
    La première était celle du feu. Marcher sur des braises ardentes était déjà un art délicat, mais quand celles-ci surplombaient une falaise d’une centaine de mètres de haut, cela devenait carrément suicidaire.
    Beaucoup avaient péri dans cet exercice avant lui, notamment Helguen son meilleur ami, l’année précédente. Lorsqu’il l’avait vu à mi-chemin de sa course basculer dans l’abîme, hurlant sa peur et sa souffrance, il s’était juré de réussir l’épreuve, pour lui.
    Mais le moment venu, il lui avait fallu rassembler bien plus de courage qu’il ne l’aurait cru, et acquérir une concentration hors du commun, rythmée par les sons caverneux et répétitifs des tamtams.
    Birkam ne saurait jamais que sans les couches de pâte molle issue du Sotys, l’arbre du froid, que sa mère lui avait passé chaque nuit plusieurs semaines auparavant, il n’aurait sans doute jamais réussi cet exploit.
    Terrifiées autant qu’indignées à l’idée de perdre leur fils, nombre de mères enfreignaient la loi barbare qui interdisait toute aide extérieure. Helguen, lui, n’avait pas eu cette chance, sa mère était morte en le mettant au monde.

    Blotti derrière son rocher, recroquevillé dans une cavité si réduite que son nez en touchait ses genoux, il se remémorait cette journée, y cherchant une solution qui l’aiderait peut être à se sortir de la situation présente.
    En vain.
    Aïe !!
    Un kemlal venait de lui gifler le haut du crâne de sa queue longue et fourchue. Cet animal, guère plus gros qu’un mouton, n’en était toutefois pas moins redoutable. Le corps puissant recouvert d’écailles tranchantes et les griffes acérées aux extrémités de ses pattes avant rendaient la bataille difficile, voire inégale au regard du petit couteau à lame de silex, seule arme dont disposait Birkam ce jour-là.
    Le jeune homme tenta de se frotter la tête mais sa position l’en empêcha. Ses deux mains coincées sous ses pieds, il pouvait tout juste espérer se gratter un orteil ou deux si le besoin s’en faisait sentir.
    -J’en ai plus que marre de ces bestioles… maugréa-t-il entre ses dents.

    Par-dessous un genou, il réussit à entrevoir le kemlal qui venait de le gifler impunément. Son faciès allongé et ses dents aussi jaunes que pointues semblaient le narguer dans un sourire moqueur.
    « -Il faut que je trouve un moyen, je ne peux pas rester là une éternité !! »
    L’orifice de la grotte était trop étroit pour que l’animal puisse l’atteindre avec un autre membre que sa queue.
    Au risque de recevoir une nouvelle baffe, il referma les yeux tenta autant que faire se peut de faire le vide dans son esprit, se concentrant uniquement sur un sens : l’ouïe.
    Il y parvint un court instant, assez longtemps cependant pour remarquer que les grouillements sourds avaient cessé. Sans doute lassés par cette proie inabordable, les congénères du kemlal s’en étaient allés chasser ailleurs. Du moins l’espérait-il…
    Il rouvrit les yeux pour constater que le dernier encore en course était couché ventre à terre et le regardait fixement.
    Ses trois petits yeux minuscules, arrondis et démunis de paupière ne cessaient de bouger en tous sens. Chacun d’eux avait une couleur différente. L’œil de gauche, rouge flamboyant, permettait à l’animal de détecter toute forme de vie dans un rayon de plusieurs kilomètres. Celui de droite, vert émeraude, lui indiquait tout individu mort dans un même rayon. Au centre, avec sa pupille jaune barrée d’un éclair noir, ce dernier lui permettrait de lire à travers vous, de deviner vos pensées, d’anticiper vos réactions imminentes si vous le regardiez en face. Transpercer cet organe était le seul moyen de le tuer.

    Birkam s’engourdissait de plus en plus. Le visage toujours plaqué sur les genoux, il parvenait de moins en moins à respirer dans cet espace confiné.
    « -Il faut que je me sorte de là, persistait-il à penser. » Mais son cerveau en ébullition mêlé  à son instinct de survie ne trouvaient aucune solution satisfaisante malgré les distances incroyables que parcouraient ses neurones à cet instant. Las de cette condition, il risqua un nouveau coup d’œil extérieur, histoire d’analyser une fois de plus la situation.
    L’animal, à présent assis sur son postérieur, semblait attendre patiemment la suite des évènements. Birkam soupira. Tenant fermement son couteau dans une main, il fixa le torse de l’animal.
    -Si son torse est là, pensa-t-il en lui-même, son œil central doit être, environ, ici… si je me laisse tomber sur le côté et si une fois dehors je lève le bras gauche assez haut et si je vise bien, je devrais pouvoir l’atteindre… Cela faisait beaucoup de « si » et Birkam savait qu’il n’avait pas droit à l’erreur sans quoi, d’un seul coup de griffe ou de dents, le kemlal l’achèverait illico.
    L’arme était dans la bonne main, c’était déjà çà… mais tout son bras commençait sérieusement à s’engourdir ! Il allait devoir faire très vite.
    Il repassa une dernière fois le film de son plan dans sa tête et, sans plus tergiverser, rassembla tout son courage et bascula sur le flanc droit hors de sa cachette.
    A peine sorti du trou caverneux, il lança son bras en l’air comme prévu. Mais il ne rencontra que le vide et une peur indicible l’envahit aussitôt. D’un bond, il se mit sur ses jambes et fouetta plusieurs fois l’air de son poignard, se protégeant le visage de l’autre bras. Toujours rien. Pas de cible, pas de sang qui gicle ni de cris perçants. Rien. Le néant le plus total. Interloqué, il baissa son bras de garde, le couteau toujours suspendu dans les airs et regarda autour de lui. Le kemlal avait disparu. Tous les kemlals avaient disparu. Partis, volatilisés.
    Dérouté et toujours sur ses gardes, il fronça les sourcils, ses yeux scrutant l’horizon et l’ouïe à l’affût du moindre bruit. Rien. Il était seul…
    Il se toucha le crâne du bout des doigts. Un peu de sang poisseux collait ses cheveux bruns et un mal de tête lui tambourinait le cerveau et les tempes.
    « Foutues bestioles ! » Grogna-t-il à nouveau.
    Cependant, quelque chose clochait. Il le sentait, mais ne parvenait pas à déterminer quoi. Il regarda encore autour de lui. Au nord, le vallon verdoyant s’étendait à perte de vue. À l’ouest et à l’est, la forêt, dense et impénétrable. Derrière lui, la montagne rocheuse et se nombreuses cavernes abritant les rapaces à la saison des amours. Tout semblait normal… Et pourtant, il ressentait un étrange malaise.
    C’est alors qu’il comprit ce qui clochait dans ce paysage enchanteur. Le silence ! Aucun bruit ne parvenait à ses tympans. Ni bruissement de feuillage, ni craquement de branche ou pépiement d’oiseau, pas même le battement des ailes d’une mouche si tant est qu’il pût l’entendre. Tout semblait figé comme s’il s’était retrouvé dans un décor de cinéma à l’heure de la pause déjeuner. Regardant une dernière fois autour de lui, sceptique, il prit le sentier de terre qui jalonnait à l’est. Il avançait prudemment, levant parfois les yeux au ciel dans l’espoir d’y apercevoir un volatile, ou les abaissant au ras du sol pour y découvrir d’éventuelles empreintes. En vain. Il se décida alors à pénétrer dans l’épaisse forêt et tendit à nouveau l’oreille. Toujours rien !
    "Qu’est ce qu’il se passe ici ?" se demanda-t-il, à moitié rassuré.
    A peine s’était–il posé clairement la question qu’un grognement sourd attira son attention. Il stoppa net sa marche et attendit un second grognement pour mieux en localiser la provenance. Celui-ci ne se fit pas attendre. La source était environ à cinquante mètres sur sa droite jugea-t-il.
    Lentement, il bifurqua dans cette direction et s’approcha délicatement, prenant bien soin de ne pas briser une branche de bois mort sous ses pas. Un vent léger lui faisait face menant à présent une ignoble puanteur à ses narines. Il avança encore de quelques mètres et bien qu’il pensa se trouver au bon endroit, il ne voyait toujours rien. Le remugle était toujours là mais les grognements avaient cessé. Les arbres, hauts, puissants, et pour certains plusieurs fois centenaires pouvaient fort bien dissimuler la « chose »…
    Birkam se blottit derrière l’un d’eux et se remit à cogiter. Le soleil commençait à décliner. Il n’allait pas tarder à faire nuit et il était encore loin du village. C’est alors qu’il senti quelque chose lui tapoter l’épaule.
    Ploc… Ploc…
    Doucement, il tourna la tête. Une petite tache rouge et noire marquait son habit de peau et de chanvre tressé. Lentement, très lentement, il releva la tête et ce qu’il découvrit alors le tétanisa d’effroi et de dégoût.
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  • Grâce à la sagacité de Marc Galan, nous connaissons enfin toute la vérité sur l’affaire du roman écrit sur un portable, du moins concernant les chiffres de vente mirobolants annoncés sur le site Rue 89. Visiblement le journaliste, emporté par un enthousiasme bien pardonnable, a confondu le classement dudit roman et le nombre d’exemplaires écoulés. Ce qui nous ramène à une réalité nettement moins glorieuse : le livre, vendu à une vingtaine d’exemplaires (on arrondit), arrive en dix-neuf millième position (à peu près) parmi les quelques dizaines de milliers d’ouvrages proposés.

    Plutôt que de ricaner bêtement (je viens juste d’arrêter), réfléchissons un peu : puisque la moyenne des ventes sur le site est de 2, une vingtaine de bouquins, c’est déjà tout à fait honorable. Et puis il y a une chose qu’on ne peut pas lui enlever, à Roberto : à moins d’une révélation de dernière minute, son roman, il l’a quand même bien écrit sur un téléphone portable !
    Alors moi je dis : Roberto, chapeau ! 
    Ne lisant pas l’italien, ni dans le texte ni ailleurs, je ne lirais donc pas votre roman. Doutant que durant les 50 prochaines années un traducteur digne de ce nom daigne se pencher sur votre œuvre, je ne lirais pas votre roman, jamais. 
    Mais est-ce si grave ? Le seul fait de penser que vous existiez, fier et courageux petit Roberto, suffit à m’emplir de bonheur. Je vous imagine, assis sur votre banquette de train, tout occupé à taper vos phrases à l'aide de vos doigts gourds, et ça pendant 17 semaines, tous les jours (sauf les week-end).
    Décidemment, vous êtes un exemple et un espoir pour tous les auteurs en devenir. Ainsi, l’imagination qui leur fait parfois cruellement défaut pour construire une histoire trouvera sans doute mieux à s’employer dans la recherche d’un lieu incongru pour la rédiger. Le reste ne sera que formalité.
    Et dans un futur que j’espère proche, nous pourrons enfin nous écrier : « Qu’importe l’ivresse, pourvu qu’on ait le flacon » !

     

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    Prochainement, les oeuvres complètes de Roberto
     disponibles dans la Pléiade

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