• Une nuit, un jour, une vie

     

    La nuit commençait par être mystérieusement silencieuse, d’une obscurité presque absolue, s’il n’y avait eu la lune et ces quelques étoiles scintillantes dans le ciel qui étaient là pour la rendre un temps soit peu plus supportable. Il se tenait  la poitrine, en écoutant, on ne peut plus près, cette pénible et caverneuse respiration du moment. A chaque battement de ses paupières et de son cœur, le vieux voyait que la nuit, aimait à enfourner sans gêne son éblouissante masse sombre dans la pièce. Dans le tumulte de ses pensées il voyait que tout se mêlait et se démêlait  dans cette ambiance écrasante et obscure. Sans son consentement, une partie de sa détresse et de son indignation vagabondait dans l’air. Sa vie toute entière lui semblait s’être accrochée à ce chapelet blanc posé sur sa table de nuit où des perles d’onyx de Pater Noster et d’Ave-Maria, n’attendaient que le toucher de ses doigts et le chuchotement  fébrile de sa voix. Il l’avait vu souvent, cette minuscule croix du Christ, plaquée d’une couleur argent, qui se liait par la chaine de la pénitence et du repentir des âmes. Le Dieu tout puissant se tenait là, près du chapelet qui  fut mis en évidence et sous son nez par sa famille. Le lit avait su prendre pour lui, le seul attrait de l’espace visible à l’intérieur de son appartement, où de tout son long s’étalait sa position quasi moribonde. Paradoxe du repos, ce même lit avec le temps lui avait érigé d’immenses murs, et tout autour de lui soudainement, son ultime prison. Il avait beau vouloir scruter le ciel au travers de la fenêtre  fermée, pour s’oublier, pour se donner un moment de répit et finir par oublier le monde et sa rage d’être né. Pour ne plus réfléchir à son sort d’humain, maintenant dépourvu de ces simples gestes de la vie, banals il fut un temps se disait-il et pratiqués sans le moindre effort. Alors que jour après jour et cette même nuit il se forçait à oublier cette ultime utilité de son corps. Il  avait vu vaciller tout son être, durant ses pénibles péripéties d’homme devenu insensible et solitaire. Dérangé par les visites impromptues, de personnes qui venaient pour le voir. Il n’aimait pas tous ces gens qui venaient le voir pour se nourrir de la détresse humaine, comme ils se gavent de mets lors de cocktails distrayants. Mais que faire dans ces moments là où l’on vous observe bizarrement, pour s’oublier. Que faire pour arriver à fermer les yeux à jamais, se répétait-il dans ces silences échangés avec les autres. Le temps aidant, il avait pris cette fâcheuse habitude de croire qu’il suffisait de demander la mort ou de la prier, d’user pour lui et pour lui seul, plein de bienveillance, pour qu’elle le prenne selon sa volonté. Pour qu’elle arrive à se lasser de l’entendre gémir et l’emporte subitement. Mais rien n’y faisait, et il restait durant de longs moments en quête de compréhension et finissait par regretter d’être venu encore et toujours dans son monde. Le blanc laqué du plafond de sa chambre, était à peine visible à cette heure sombre de la nuit. Mais son regard se fixait au plafond comme une cheville spitée à un mur et lui rappelait à chaque seconde la réalité de sa condition. Lentement et sans plus aucune assurance il méditait sur sa vie, sur ce que fut son existence… Du dehors  s’invitait sans trop de gêne, la silhouette légère et sombre de la nuit, qui avec la plus grande aisance d’une matrone, entrait et sortait par la fenêtre selon sa guise. Par soubresauts de ses sens, il se mettait à raconter avec la plus invraisemblable gravité le conte d’une partie de ses peines et de ses jouissances  d’homme jeune et bien portant. La  réalité était tout autre. Un moment, la peur lui fit battre le cœur un peu plus fort que d’habitude. Plus vite et plus fort encore. Le sang lui faisait claquer les tempes et le front. Le moment est-il arrivé se dit-il ? La voilà, la presque rupture du mouvement de son gros muscle fatigué qui s’immisce dans sa nuit.  Mais le cœur était encore capable d’apporter l’oxygène nécessaire à tout son corps. Au diable, au diable les fausses frayeurs. Fragilité oblige, comme l’on est lorsque nous ne sommes que des nourrissons. Il ne pouvait même pas fuir son lit, sa place, sa position ou bien simplement crier, hurler et fendre de sa voix la nuit. Il referma encore une fois ses yeux avec toutes les peines du monde. Il s’éloigna tout entier de son corps tout endolori et de son esprit. Il se vit partir dans les allées du jardin de ville. - Il se vit à genoux, puis assis près d’un rosier en fleur. Là, des roses grosses comme des petits melons de Cavaillon, s’offraient à la lumière et à tous les désirs de sa vue et il contempla la beauté terrestre. Il caressait chaque pétale, d’un velours rouge sang, tout en humant l’odeur d’un parfum qu’il garderait enfouit dans sa galopante mémoire. C’était son instant de vie béate, son enthousiasmante minute de réalité incertaine, qui le menait là, où seul ses absences et ses souvenirs pouvaient le conduire. Puis il ouvrit de nouveau et avec le peu de force qui lui restait, ses yeux, qui n’avaient nulle envie de lui faire apprécier son sommeil, et revint très vite s’abandonné dans la nuit. Les oiseaux chantaient en chœur tandis que lui, fredonnait à tue-tête.- (Au clair de la lune,  mon ami Pierrot.  Prête moi ta plume pour écrire un mot. Ma chandelle est morte je n’ai plus de feu. Ouvre-moi ta porte pour l’amour de Dieu). - Sa voix se mit à l’enthousiasmer et soudain, cet air connu qu’il chantait, le précédait dans le jardin de ville. Délice ! il voyait enfin de près les oiseaux qui se posaient sur de la terre rougeâtre et molle, sur les branchages des rosiers et des arbustes couverts de centaines de fleurs. Il voulait presque se mettre à imiter les oiseaux et se mettre à voler et à chanter comme eux. Puis une envie folle lui vint et il se mit à courir après tous les oiseaux du jardin de ville, comme peut l’être parfois un fou rempli de joie.

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  • Présentation par l'auteur : nous en sommes à la fin du premier tiers du roman que je suis en train de corriger : le journal d'un rêveur.

    C’est en rentrant de déjeuner que cela lui tomba dessus. Il ne s’y attendait vraiment pas. De toute façon, comment aurait-il pu s’y attendre ? Peut-on s’attendre à quelque chose d’aussi ridicule ? Heureusement, il était seul. Personne ne l’avait vu.
    Alors qu’il allait s’asseoir derrière son ordinateur, Jean Dujean avait remarqué que l’un de ces lacets était défait. Il avait plié un genou et entreprit de le refaire.
    Lorsqu’il tira dessus pour affermir le nœud, le lacet cassa. Net.
    En temps ordinaire, il aurait maudit sa chaussure et se serait mis au travail. Il n’y aurait vu rien d’autre que l’une de ces mille petites persécutions quotidiennes qui nous obligent à traverser la vie avec un caillou dans sa chaussure. Rien qu’il ne puisse surmonter d’un haussement d’épaules.
    Mais là, il en fut autrement.
    Tout d’abord, il s’immobilisa, incapable de faire autre chose que de se laisser absorber par ce bout de lacet inerte. Sans pouvoir clairement l’identifier, il décela là un signe funèbre, tragique. Ensuite, une grande tristesse l’envahit. Un accablement sans nom l’étreignit, lui coupant le souffle comme une bourrade dans le dos. Les battements de son cœur se firent plus violents. Montant du fond du ventre, le chagrin le submergea. Un chagrin énorme, disproportionné. Insensé. Il essaya de se raisonner, ce n’était qu’un lacet après tout. Aucun effet. Il avait beau être conscient de son exagération, rien n’y faisait. Sa raison se laissait emporter par la puissance de ces émotions, incapable de contenir ce flot de désespoir. Ce lacet cassé était une incommensurable catastrophe. Un désastre. Rien n’aurait pu lui arriver de pire. Rien. Toujours penché au-dessus de sa chaussure, un genou à terre, l’autre fléchi, il prêta à peine attention à la crampe qui commençait à lui cisailler la jambe. La tragédie qui se déroulait sous ses yeux accaparait toute son attention. Soudain, il sentit une vague monter en lui. Monter, monter…
    Puis vinrent les larmes.
    Au début, simples perles d’eau en équilibre sur ses cils. A la fin, torrent entrecoupé de sanglots. Il ne pouvait plus s’arrêter. C’était comme s’il était devenu le réceptacle troué de milliers d’années de larmes. Comme si tous ces pleurs refoulés depuis si longtemps avaient choisi cet instant pour se libérer. Toutes ces années de pétrification émotive, d’abstraction sentimentale, tout ressurgissait. Plié en deux, hoquetant, la lèvre maculée de morve, il songea un fol instant à mourir pour échapper à ce déferlement de chagrin. Toutes ces émotions l’ébranlaient de façon si violente. Inconcevable.
    Après un long moment d’abandon, il put réfléchir de nouveau. Mais que lui arrivait-il ? Dépression avait diagnostiqué Jacques. D’accord, mais quand même…, à ce point ? Cela ne pouvait pas tout expliquer. Il fallait qu’il se reprenne. Immédiatement. Sans quoi, jamais plus il ne pourrait se relever. Jamais plus !

     

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  • SALVA NOS

    Il écrase sa cigarette sur l'appui de fenêtre. Son soupir dessine de drôles de formes contre la vitre froide. Comme un gamin il a presque envie d'y passer le doigt pour y tracer les arabesques qui hantent son cerveau. Y écrire son nom qui sonne si creux, du bout de l'index représenter sa vie en deux traits qui se rejoignent pas.Il inspire, lorgne sur son paquet de clopes vide. L'idée même de sortir en acheter lui donne envie de gerber. C'est la dèche. Quelque part dans l'appart, Noir Désir passe à la radio, ça l'inciterait presque à se flinguer. Ou à se pendre. C'est plus propre, quand même.
    A côté de lui, une bouteille aussi vide que sa tête lui fait tourner les yeux vers la rue. Mieux vaut pas regarder la déchéance en face. De toute façon demain il sera mort, et personne sera là pour s'en soucier. Il y croit.
    Il pose son front sur le verre glacé, regarde en bas dans la rue toute la vie qui s'y déroule, insouciante, innocente, presque. Tout est tellement moche, et y'a que lui pour s'en apercevoir. Les autres ils sont éblouis par leurs sourires réciproques, à croire qu'il faut que ça pour voir le monde en rose. C'est ridicule. Ils voient pas les gosses shootés qu'il côtoie tous les jours, ils voient pas la misère de ces mômes qui vendent des saletés à leurs copains de primaire, ils voient rien de tout ça, ils ont mis leurs oeillères pour que tout aille bien. Il s'en fout.  C'est leur problème. Il est bien dans son univers noir et gris. La dernière tache de couleur, il l'a oubliée volontairement.
    Il est au-dessus de ça, lui, au-dessus du déni, au-dessus de la foule, dans son trente mètres carrés, bien planqué au cinquième étage, dans la mansarde, sous les toits. Ouais, c'est ça, il s'en fout, et s'il entend les sanglots de Côme jusqu'ici c'est juste son imagination. Bah, faut bien qu'elle serve...
    Avec l'amertume nouée comme une écharpe autour de sa gorge enrouée, il y croirait presque.
    Il rigole mais ça s'étrangle bien trop vite pour être naturel. Il comprend même pas pourquoi ça l'affecte tellement. Il est parti un jour, en claquant la porte, comme ça, parce qu'il en avait marre de ce clébard sans caractère, ouais, il est parti, sans être retenu, c'est peut-être ça qui lui a un peu miné le moral...
    Il s'en fout tellement de lui, Côme ?
    Ils sont pas faits pour être ensemble, y'a qu'à les voir. Il s'en souvient encore, des grimaces contenues, des sourcils froncés, du nez plissé, des remarques sur ses cheveux rouges, ses piercings, ses fringues trouées. Côme il est trop propre sur lui, c'est malsain aussi, c'est une couverture jetée sur les yeux des autres pour pas qu'ils voient combien il est sale à l'intérieur. Humain. Fragile.
    Maxence il s'est pas laissé avoir. Il a tout déchiré et il a vu la confiance s'effilocher dans les yeux de Côme. Et puis il est parti. Longtemps après. Peut-être parce qu'il en avait marre de la lueur qui vacille dans sa tête. Peut-être.
    Si le mec à la radio a décidé de le faire déprimer, il y parvient plutôt bien.
    Il se lève, espère balancer son désastre intérieur par la fenêtre. Mais faut pas trop rêver.
    Il sort de l'appart, pieds nus, laisse la porte ouverte, s'échappe par la petite fenêtre du couloir, monte sur le toit, cinq étages plus bas c'est le bitume, il ose pas regarder en bas la rue qui défile, les gens qui se trompent de route. Dehors il fait toujours plus moche que bien à l'abri dedans. Chez lui. Chez Côme. Il s'est un peu perdu. Il a dû rater un embranchement. Ca aurait pu lui éviter bien des emmerdes. Mais en fait, il regrette pas trop. Il a juste pas l'habitude. Ca reviendra, normalement.
    Il respire à fond les odeurs de la ville, là-haut perché sur le sommet de son monde. Les nuages gris et fades le trempent de son désarroi, mieux que lui, parce qu'il sait plus pleurer. Il a les pupilles un peu trop dilatées pour ça. Pour ça, son imagination, elle l'aide pas.
    Il a envie de jouer à la marelle sur l'ardoise glissante. Peut-être que la flotte lavera ses doutes. Il se trouverait presque con, sur l'instant. Enfin, un peu plus que d'habitude, quoi.

    Eh, Côme, tu ferais quoi toi ?
    Il s'assied, les coudes sur les genoux, il a un peu froid mais il s'en fout. Il a besoin de se laisser vider par le vent. Il est comme un marmot qui sait pas se débarrasser de sa crasse tout seul. Côme lui frottait le dos pour l'apaiser. Pour lui faire oublier qu'il dealait avec des gosses de dix ans. Pour lui faire oublier quand il avait pas eu sa dose. Ca marchait plutôt bien.
    Ca lui tombe dessus un peu comme une évidence, mais il a juste pas envie de se l'avouer. Finalement, il est pas au-dessus du déni, il est en plein dedans.

    Eh, Côme, tu me manques, sale con...
    Dans l'appart, sur la vitre, le dessin d'un coeur se fait lentement effacer par la pluie.

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  • Le texte : un extrait d'une nouvelle qui fera partie d'un recueil de textes écrits par des auteurs 'lulu' du groupe SFFF. Le principe du recueil est simple. Chaque nouvelle (20000 a 60000 signes) ainsi que la premiere phrase devra être : Et si...
    Cette nouvelle n'est pas à proprement parler un texte de science fiction, à peine un texte d'anticipation, ce qui d'ailleurs ne ressort pas de l'extrait présenté ici.
          L'auteur :
    J'habite en ce moment à Tayport, un petit village non loin de St Andrews en Ecosse. Je n'ai commencé à écrire (des textes de fiction s'entend) que récemment et je serai ravi de recevoir quelques critiques constructives sur cet extrait.

    — Et si tu me lisais une histoire ? demanda Cyril.
    Protégé par Génétikman, le super-héros dont l’effigie était imprimée sur la couverture, Cyril ne craignait personne. Les deux mains croisées derrière la tête, il fixait son père.
    Jack Kovac fit une grimace et leva les yeux sur l’étagère de la chambre. Elle était encombrée de livres de toutes tailles. C’était surtout Caroline, la mère de Cyril, qui les achetait.

    — Tu peux lire ces livres tout seul. 
    — Mais papa, j’aimerais que tu en lises un pour moi. Pour une fois.
     
    Jack approcha une chaise du lit.
    — Je vais plutôt te raconter une histoire. Ce sera plus intéressant.
    Il s’installa aussi confortablement que possible sur la chaise. Il ne lui fallait jamais très longtemps avant de s’endormir quand il racontait une histoire à son fils.
    Au petit matin, après un petit déjeuner comme ils les aimaient tous les deux, c’est à dire un petit déjeuner constitué de ce qui traînait dans le frigo et qui ne sentait pas trop mauvais, Jack conduisit Cyril à son école, empruntant le même chemin qu’il parcourait déjà plus de vingt ans auparavant.
    D’abord la rue des Saules. Jack l’avait souvent descendue à pied avec ses amis, renversant ici et là quelques poubelles avant de détaller vite fait.
    Mince ! J’ai encore oublié de sortir les poubelles ce matin.
    Il prit à gauche après le kiosque à journaux, et longea la rue des Grands Ormes.
    Cette rue n'avait pas beaucoup changé depuis le début des années deux mille. Même le vieux Bartoldi, qui devait approcher les quatre vingt ans, habitait toujours la même bicoque, celle où Jack avait embrassé une fille pour la première fois. Elle s’appelait Brigitte. C’était le 13 juin 2014. Il s’en souvenait très bien. C’était le jour de la naissance de sa sœur.
     
    — Il faudra que je pense à son anniversaire. On n’a pas tous les jours vingt ans, dit-il à haute voix.
    Il s’arrêta au feu rouge et s’aperçut que Cyril le regardait d’un air étonné.
     — C’est bientôt l’anniversaire de tante Martine.
     — Mais papa !
     Le feu passa au vert.
     — Je sais, je sais. Ne fais pas attention, dit Jack.
    Il arriva au bout de la rue du 13 Février et arrêta sa voiture devant un bâtiment circulaire gris et bleu. Il laissa le moteur tourner.
     — On est arrivé, dit-il. N’oublie pas ton sac. Et n’embête pas tes profs avec des questions trop difficiles pour eux !
     Caroline attendait devant l’école. Après s’être assuré qu’elle viendrait rechercher Cyril, Jack prit la direction du bureau.
    Une dizaine de minutes plus tard il poussa la porte du commissariat où il travaillait. Plus précisément il poussa la porte de la petite unité à laquelle il appartenait. Le bureau des Stupéfiants électroniques, le BUSTE comme l’appelaient, pour se moquer, les autres membres de la division.
    Jack était à peine assis à son bureau qu’un homme qui s’habillait chez XXL entra sans s’annoncer. Sa chemise, à moitié sortie de son pantalon, figurait une publicité ambulante pour les laveries automatiques.
     — Leboulanger nous cherche, dit-il dans un bâillement. Y paraîtrait qu’il est furax. Eh Kovac ! On est dans l’pétrin… Leboulanger… Dans l’pétrin. T’as saisi la blague ?
    — J‘ai saisi, j’ai saisi. Deux ou trois autres comme celle-là et tu pourras passer à la télé. Et puis tu pourrais changer de fringues de temps en temps, Galdini. Ça se fait, tu sais !
     — Ah d’accord ! J’ai compris. T’as r’vu ton ex ? C’est ça, hein ?
    — C’était mon week-end de garde. Bon sang Galdini ! Mon gosse a sept ans, il lit des bouquins que même Caro trouve difficiles à comprendre. Hier soir il m’a fait remarquer que je lui avais déjà raconté la même histoire la veille de son sixième anniversaire, que la voiture volante était une Peugeot blanche, pas une Renault bleue, que je m’étais planté dans les numéros d’immatriculation et que la copine du héros s’appelait Chantal et pas Crystal. Cyril a une mémoire photographique, il a un Q. I. à quatre chiffres et moi je travaille ici avec Karen et toi !
     — Leboulanger nous attend toujours, répéta Galdini. Et il est furax.
    — Leboulanger est toujours furax ! Qu’est-ce que c’est cette fois-ci ? Un Père-Noël a piqué un sac de bonbons ? Une vieille a pété les plombs et elle a fait un strip-tease en pleine rue ?
    Cette fois les choses étaient autrement sérieuses. Et Leboulanger était vraiment furieux. Cette fois il y avait un cadavre ! Et la victime était bien connue ! 
    — Qui c’est ce Gérard Lamande ? demanda Galdini.
    — Je le crois pas ! répondit Karen, l’élément femelle de l’équipe dont le tour de poitrine à lui seul l’aurait qualifiée pour travailler au BUSTE. Qu’est-ce que tu fous de tes soirées Galdini ? Tu zieutes pas la télé ou quoi ? Purée ! Gérard Lamande c’est celui qui a gagné la finale de Debilestory. Bon sang, tu devrais t’instruire de temps en temps. J’arrive pas à le croire. Lamande a cané. J’avais voté pour lui jusqu’au bout. J’avais jamais entendu quelqu’un raconter des histoires aussi nulles. Il a écrabouillé tous les autres candidats.
    — C’est bon ? Vous avez terminé Karen ? demanda Leboulanger.
     Karen avait terminé et secoua la tête de dépit.
    — Pour en revenir à notre affaire, Boss, je vois pas bien, sans jeu de mot, en quoi cette affaire nous concerne, dit Jack. Si c’est un meurtre c’est le boulot de la Crim et si c’est un suicide… Enfin je veux dire, ce Lamande était pas une lumière. Il a bien pu s’envoyer en l’air avec un truc normal.
     Karen lança un regard noir à Jack, qui s’en moquait comme de sa première chemise.
     — S’envoyer en l’air, répéta Leboulanger. Ouais, c’est le cas de le dire. Mais Lamande n’avait pris aucun truc normal, comme vous dites, Kovac. Le labo a analysé tout le sang que ce gars avait encore dans ses veines. Et après une chute de treize étages, il n’en restait pas lourd !
    — Le treizième étage ? Eh Boss, ça lui aura pas porté bonheur ! déclara Galdini avant d’éclater d’un rire qui fit trembler toute sa bedaine. Oh mince ! J’suis vraiment en forme ce matin.
    Leboulanger laissa échapper un soupir. Mais il fallait bien qu’il fasse avec les officiers qu’il avait, Galdini compris ! Il tâtonna sur sa gauche puis ouvrit un tiroir d’où il sortit un objet.
     — On a retrouvé ça dans l’appartement, dit-il en jetant une sorte de livre plastifié sur la table devant lui. Je me suis laissé dire que c’est un des nouveaux modèles. Le dernier cri en matière de livre électronique. Il était encore activé quand on a retrouvé le corps.

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