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Le staff marketing de la maison Chabossot (photo non contractuelle)
En réalité, vous voulez que je vous dise ? J’ai vraiment un staff marketing aux petits oignons ! Et j’avoue que j’ai un peu honte d’avoir douté d’eux et de leur capacité. Car les résultats sont là : “Fallait pas l’inviter” caracole en première page du TOP 100 depuis quelques jours, et tout ça grâce à quoi ? À cette improbable (quoiqu’ultra-sexy) photo de moi dans ma salle de bains publiée sur mon compte Facebook, Et grâce à qui ? Sylvie, Jean-Michel et Didier
Lorsque je les ai convoqués dans mon bureau pour les féliciter chaudement de cet incroyable résultat, Didier n’avait pas l’air étonné plus que ça.
- Normal, patron, vous avez embauché la crème de la crème, c’était couru d’avance.
- Vous féliciterez également Monsieur Stewart pour le travail remarquable qu’il a accompli, et vous lui demanderez par la même occasion de me rendre au plus vite l’iPhone 6 qui a volé sur la table du salon.
- La vie est pleine de surprise, s’exclame alors Sylvie, figurez-vous qu’hier soir en bas de chez moi un type qui ressemblait drôlement à Richie, mais avec une fausse barbe et une perruque, a essayé de m’en vendre un !
- C’est dingue… Vous savez, Sylvie, ce sont de petites coïncidences comme ça qui font tout le sel de l’existence, ces minuscules corrélations qui provoquent en nous cette irrépressible montée d’excitation nous donnant envie de crier à plein poumons à la face du monde : “Merci la vie !”.
- C’est sacrément vrai, ce que vous dites, Monsieur Chabossot. Et tenez, je crois que c’est justement ça que vos lecteurs aiment chez vous : ce mélange subtilement dosé de philosophie existentialiste et d’aventures trépidantes mais néanmoins parfaitement réalistes !.
- Quand tu en auras fini avec la brosse à reluire, s’impatiente Jean-Michel, on pourra peut-être passer à la suite !
- Quelle suite, Jean-Michel ? m’interloquai-je
- La suite de “Fallait pas l’inviter”, la bonne blague !
- Il a raison patron, surenchérit Didier, faut battre le lait pendant qu’il est sur le feu et sortir très vite un nouveau bouquin !
- Parce que vous pensez qu’un roman ça se pond comme ça ?
- Nous, c’est pas notre problème patron : on les vend, on les écrit pas !
- Mmmmm… moi je crois que je pourrais, se met à rêvasser tout haut Jean-Michel... j’ai justement une histoire de vélociraptor fou dingue amoureux d’une pompom girl qui me trotte dans le ciboulot depuis quelques jours…
- Ça à l’air sympa, s’intéresse Didier.
- Moi je suis cliente ! s’exclame Sylvie, la romance, c’est mon truc.
- Attendez, je vous fais le topo : Marceline est pom pom girl le jour et pole dancer la nuit, pour payer les médicaments de sa mère allergique au pollen, vous voyez le genre ? Seulement, elle est loin de se douter que, tapi derrière un fourré, un vélociraptor rôde, l'oeil lubrique et la langue pendante…
- Ils avaient une langue, les vélitrocépastop ?
- A priori une chacun. Mais si tu la bouclait 5 mn ça me permettrait de ne pas m'emmêler les pinceaux dans mon scénario. Merci Sylvie…
J’ai laissé mon staff marketing à sa causerie littéraire improvisée. Didier m’avait ouvert les yeux : je ne pouvais rester plus longtemps inactif. Je devais sans plus attendre rendre visite à Jean-Guy Turbellec le responsable du Pôle Idées et Scénarios de la maison Chabossot.
Jean-Guy, le "Monsieur Idées" de la maison ChabossotLa suite une autre fois.
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Dès le lendemain, le trio du pôle Marketing a déboulé dans mon bureau, encore plus excité que la veille.
Cette fois, c’est Didier qui a pris la parole. Avant même de commencer à parler, il arborait un sourire de conquérant béat tandis que deux amas d’écume blanches finissaient de sécher à la commissure de ses lèvres.
- Patron, cette fois c’est la bonne ! On a découvert un truc ÉNORME, vous n’allez pas en revenir.
- Si vous le dites.
- Voilà, c’est Sylvie qui nous a apporté l’idée, Jean-Mi et moi, on l’a conceptualisée, enrichie et mise en forme. Bon je précise tout ça pour être sympa avec notre collègue, parce que franchement, l’idée, on aurait pu l’avoir tout seul. Donc, vous savez sans doute que Sylvie a travaillé pour la grande star du showbizness Mickaël Vendetta en tant que community manager FB. Jean Mi et moi, on savait pas ce que c’était, FB. On pensait à une amicale, genre France Bowling, un truc comme ça, et que Mickaël Vendetta était inscrit dedans, qu’il touchait sa bille en bowling, et tout. Et là, Sylvie, elle nous a dit : “Mais non, FB, c’est… Non, vas-y, dis-le toi, Sylvie.
- Je leur ai dit : “Mais non, FB c’est Facebook, » et alors je…
- OK, merci Sylvie. Et là, Jean-Mi et moi on s’est regardé, et j’ai vu une étincelle dans son regard, et il m’a dit qu’il avait vu la même dans le mien…. Facebook, patron… Vous réalisez ?
- Non.
- Bon, vous parlez anglais, patron ?
- Par cœur, oui.
- Donc, suivez-moi bien, on va décomposer le mot. Dans Facebook, il y a face et book, OK ? Bon, si on enlève face, vu qu’on sait pas ce que ça veut dire et qu’on s’en fout, il reste.. il reste quoi ?
- Book… Si vous pouviez arrêter avec vos devinettes…
- Book, exact ! Et book, Jean-Mi et moi - Sylvie, je sais pas - on sait ce que ça veut dire : livre ! LIVRE ! C’est là-dessus qu’il faut faire la pub, patron, c’est fait pour, ça s’appelle LIVRE !
- Facelivre, corrige Sylvie
- Sylvie, t’es gentille, tu compliques pas tout, s’il te plaît.
Sentant la polémique poindre, j’interviens aussitôt :
- Holà mes amis ! Gardons la tête froide si vous le voulez bien... J’ai bien conscience que cette découverte est susceptible d’apporter gloire et prospérité à l’entreprise Chabossot. À présent, il va falloir m’expliquer comment. Sylvie, vous qui avez une solide connaissance du processus…
- Oh ! Moi, vous savez, je me contentais de répondre aux fans de Mickael vendetta en faisant le moins de fautes possible.
- Et il y en avait ?
- Des fautes ?
- Non, des fans.
- Moins que de fautes, pour être honnête.
- Sylvie, votre franchise vous honore. Mais tout cela ne nous dit pas comment faire pour exploiter ce fabuleux outil de promotion…
- Attendez, patron, intervient Jean-Michel, vous pensez bien qu’on a étudié le problème sous toutes les coutures. Et donc, si je m’en réfère au compte FB de ma petite nièce Kimberley, il suffit de se prendre en photo en bikini dans sa salle de bain, avec une serviette enroulée autour de la tête.
- Et ça marche, ça ?
- Bien sûr que ça marche, elle a 57 amis.
- Et elle vend des livres votre petite nièce ?
- Enfin patron, elle sait à peine écrire, elle n’a que 16 ans !
- Désolé, j’ignorais ce détail. Écoutez, premier point : c’est vous les spécialistes, je m’en remets donc à votre jugement d’expert. Et second point : vous me fatiguez et j’aimerais bien qu’on en finisse.
- Vous ne le regretterez pas, patron s’exclame Didier enthousiaste, on va organiser un shooting avec la star montante de la photographie de mode, Richie Stewart. Un vieux pote à moi, je l’ai connu à la Stanford Graduate School. Son vrai nom c’est Richard Semard, mais pour le bizness à l’international, les noms anglais y’a pas mieux.
- Jamais entendu parler.
Richie Stewart, photographe montant- C’est normal, il commence seulement à monter, en fait surtout depuis qu’il est sorti de prison. Une bête histoire de malentendu avec un mannequin, elle a sorti son rouge à lèvres de son sac à main, il a pris ça pour une avance, et badaboum, la bévue, le faux pas, le mauvais geste, vous savez ce que c’est, patron.
- Non. Il est disponible quand, votre spécimen ?
- Alors là, c’est quand vous voulez. Disons demain matin, à 10 h, dans votre salle de bain ?
Et ce qui fut dit fut fait.
La suite une autre fois.
(texte relu et corrigé par Sylvie)
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Conscient de l’importance de l’outil marketing dans la vente d’ebooks, j’ai tenu à recruter les meilleurs éléments sur la place de Paris, une team de choc qui m’assurerait un leadership sans partage sur le marché de l’entertainment via liseuse. Pour ce faire, j’ai compté exclusivement sur mes talents innés de dénicheur de talents.Je dois dire pour être tout à fait honnête que ma déception a été proportionnelle à la hauteur de mes ambitions. Car en lieu et place des cadors pressentis, j’ai tout simplement embauché trois tocards de compétition, incompétents, inutiles et imbus de leur personne. Comment ai-je pu me laisser abuser de la sorte ? La question ne cesse de hanter mes nuits.
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Jean-Michel Boulot a, selon ses dires, suivi la plus grande école de marketing de Californie, mais il a refusé obstinément de donner son nom “pour des raisons de pudeur”. Affirme être le neveu par alliance de Jacques Séguéla, rapport au remariage de sa mère avec le fils de la petite cousine de l'ex-femme du célèbre publicitaire. Bon sang ne saurait mentir.Hobby : Tiercé, loto, promenades dans les bois, harcèlement sur internet.
Didier Zerbatini, pour sa part, revendiquait un cursus exemplaire qui l’avait vu sortir major de sa promotion à la Stanford Graduate School of Business de Palo Alto. Pour preuve il m’a collé sous le nez le diplôme de l’école, plein d’enluminures très impressionnantes, bien que l’inscription “Offert par Kellog’s” en bas de page m’ait un peu fait tiquer sur le moment.Hobby : regarder la télé, jouer à Pac Man, imiter la chèvre.
Sylvie Dufleux, après un doctorat de déontologie à l’Université de Dammartin en Goële, est devenue responsable de la communication de Frigide Bardot et de la “manif pour tous”, avant de démissionner pour “divergences de point de vue”. A été ensuite responsable marketing/publicité du Shopi de Jouy en Josas, avant de devenir community manager de la page Facebook de Mickaël Vendetta.Hobby : mots fléchés, mannequina de charme.
BONUS :
Après une bonne grille de mots fléchés, un repos bien mérité pour Sylvie et Max, son compagnon.______________________________________________
Recrutés quasiment en simultané à l’occasion de la sortie imminente de “Fallait pas l’inviter !”, la dernière production de la maison Chabossot , les trois compères se sont immédiatement mis à plancher sur un plan marketing “en béton” censé installer le bouquin au firmament du Top 100 pour les 10 prochaines années à venir.
Après trois semaines d’intense cogitation durant lesquelles ils ne sont pas sortis de leur bureau, ils ont fini par débouler dans le mien.
- On tient le bon bout, patron !
C’est Jean-Michel qui avait pris la parole. Visiblement très excité, il lançait des regards fous à droite et à gauche, cherchant l’approbation de ses compagnons qui hochaient mécaniquement de la tête.
Je vous écoute.
- Bon ben voilà : pour que les gens achètent votre bouquin, là, il faut qu’ils aient entendu parler de vous, pas vrai ?
- Finement raisonné.
- Et pour qu’ils entendent parler de vous, il faut faire un truc qui sorte de l’ordinaire… Parce que sinon, ils vous connaîtront pas, c’est comme qui dirait comme si vous n’existiez pas.
- Vous voulez dire qu’écrire des livres ne suffit pas ?
- Ah non, ça compte pas, ça. Les livres, tout le monde s’en fout. Faut quelque chose de plus… de plus…
- De plus… de plus… renchérissent à leur tour Didier et Sylvie.
- OK, vous pensez à quoi ?
- Alors voilà, justement on s’est dit que le mieux pour vous, ça serait par exemple que vous tuiez quelqu’un... Mais attention, quelqu’un de connu quand même, et de préférence pas trop aimé, genre Adolf Hitler, voyez ?
- Adolf Hitler est mort.
- Ah, ok, pas grave, laissez-moi 5 minutes et je vous en trouve un autre, c’est pas le choix qui manque. Et le jour J, nous on est là avec nos smartphones, on filme tout et on poste tout sur youtube en mettant plein de publicités pour… comment vous dites ?... “Fallait pas l’inviter !” avant et après la vidéo, et là bingo, le jackpot !
- Mais je vais aller en prison.
- Oui, c’est un point du plan qu’on a pas encore vraiment réglé...
- Encore que c’est pas certain, tempère Sylvie.
- Oui, faut voir, complète Didier, vous pouvez être acquitté.
- Ou dire que c’est pas vous, voyez ?
- C’est tout vu. Vous allez me faire le plaisir d’oublier vos bêtises, et vous remettre immédiatement au boulot. Et la prochaine fois que vous entrez ici, c’est pour me présenter un plan qui tienne la route. Sinon, ce sera la porte.
- La porte, patron ?
- Licenciement.
- Ah OK. Je me demandais : mais de quelle porte il parle, et qu’est-ce que ça vient faire dans la conversation ?
- Vous vous posez trop de questions. Au travail !
Tout ça pour vous donner une idée du niveau de mon staff marketing. A l’heure où je vous parle, ils ne sont toujours pas ressortis de leur bureau.
La suite un autre jour.
4 commentaires -
A Libé, ils sont comme ça : ils m'adorent. Pourtant, n'allez pas y voir trace d'un copinage quelconque : je ne les connais pas du tout.
Toujours est-il que voilà : la première critique de "Fallait pas l'inviter" est sortie, et bien sûr, c'est Libé qui s'y colle. Incorrigible ! (mais quel bon goût !)
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